Interpréter et déconstruire une interprétation de l’article 51 de la Constitution du 7 mai 2010

Mamadou Aliou Diallo, Doctorant en Sociologie à l’Ecole Doctorale de Reims (CEREP)  , Chargé de Travaux Dirigés à l’Université Evry
Mamadou Aliou Diallo, Doctorant en Sociologie à l’Ecole Doctorale de Reims (CEREP), Chargé de Travaux Dirigés à l’Université Evry

Loin de s’en prendre aux personnes qui font une mauvaise interprétation de certains articles de la Constitution ou qui, pour des raisons diverses et variées, usent de la malhonnêteté intellectuelle pour se réapproprier des textes juridiques pour servir un clan, cet article vulgarise la compréhension de la supériorité de la Constitution sur la loi et donc, tente de lever cette dichotomie au sujet de l’article 51 de la Constitution. L’interprétation d’un article de la Constitution dans le dessein de constitutionnaliser des lois inférieures ou, en ce qui concerne la hiérarchie des normes, de les mettre au même niveau que la Constitution, est une interprétation partisane, biaisée et irresponsable, quand on sait que les clivages actuels ne jouent pas en faveur de la cohésion nationale.

Dans un pays où la rétribution du militantisme (D. Gaxie, 1997) est un principe légitimement légitimée par les instances dirigeantes des partis politiques et, dans certains cas de figure, par le représentant actuel du peuple, le fanatisme et la personnification ou le culte de la personnalité excessive au sein des partis politiques ont conduit à rompre avec l’idée d’avancer ensemble dans l’intérêt supérieur de la nation et, par conséquent, à se préoccuper des intérêts purement égoïstes et claniques.

Dans cet article, nous allons montrer que tout peut être interprété et que certaines de nos interprétations peuvent servir à des personnes mal intentionnées, autrement dit, pour amuser nos différents lecteurs, nous nous hasarderons de faire des interprétations sur d’autres articles de la Constitution pour déconstruire cette idée reçue. Nous verrons que l’article 51, interprété logiquement, ne fait pas référence à un projet de loi constitutionnel.

I-                    Les Interprétations hasardeuses de textes de loi, sources de conflits

D’entrée de jeu, il faut rappeler que tout individu, doté de ses facultés mentales et disposant du capital intellectuel nécessaire, est en mesure d’interpréter, de faire dire à un texte ce qu’il ne dit pas implicitement ou explicitement. Cependant, cette action peut, à certains égards, servir de rempart à certains détracteurs de la cohésion nationale. L’interprétation étant à la portée de tout le monde, nous allons dans cette partie, tenter d’interpréter certains articles de la Constitution, qui, loin d’aller en faveur de tout projet  promouvant une révision et même d’un référendum, défend l’honnêteté intellectuelle de nos différents universitaires et impose le recours à la dignité de certains intellectuels au sens large.

Lorsque, dans l’article 45 de la Constitution de 2010, il nous est dit ceci : « Il (le président de la République) veille au respect de la Constitution, des engagements internationaux, des lois et des décisions de justice », on pourrait donc se permettre de faire une interprétation juridique de cette partie de cet article. Pour aller très vite dans les explications, cet alinéa, dans ses énumérations, place la Constitution au sommet de la hiérarchie et fait clairement une distinction entre elle et les lois qui sont au-dessous d’elle. Mettre la Constitution au-dessus de tout est une manière de lever le doute et d’éviter toute confusion entre celle-ci et les lois ordinaires. Ainsi, toute allégation allant dans le sens, pour des motifs divers et variés, de l’absence de distinction entre la loi et la Constitution, serait intellectuellement malhonnête.

II-                  La lecture de L’article 51 de la Constitution

Poussés par l’appât du gain sur la population, beaucoup d’intellectuels Guinéens ont usé et abusé de la théorie du choix rationnel (R. Boudon, 2004), mais cette fois-ci, au détriment de la cohésion nationale, de l’intérêt supérieur de la nation et du développement du pays.

Il faut, avant d’aller plus loin, rappeler que : ne disposant plus de la légitimité populaire ou de l’onction populaire, les députés, conformément aux dispositions de la Constitution, ne peuvent pas ou ne peuvent plus parler au nom du peuple qu’ils n’ont d’ailleurs, ne serait-ce que pour faire semblant, tenté de représenter. L’expiration de l’onction populaire des députés conduit à avancer l’idée selon laquelle les actes qui seront pris par ces derniers n’auront aucun effet et, de surcroît, une révision de la Constitution et/ou l’adoption d’une nouvelle Constitution, conduirait à, en se basant sur cette absence de légitimité populaire, une contestation des nouvelles adoptions.

La hiérarchisation imposée à l’article 45 de la Constitution nous permet en partie, de montrer l’incohérence de la thèse selon laquelle l’article 51 pourrait servir de base juridique à un référendum constitutionnel. L’article 51 dispose que : « Le président de la République peut, après avoir consulté le président de l’Assemblée Nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la promotion et la protection des libertés et des droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’Etat, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité. Il doit, si l’Assemblée Nationale le demande par une résolution adoptée à la majorité des deux tiers des membres qui la composent, soumettre au référendum toute proposition de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou concernant les libertés et les droits fondamentaux. Avant de convoquer les électeurs par décret, le président de la République recueille l’avis de la Cour Constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition à la Constitution. En cas de non-conformité, il ne peut être procédé au référendum. La Cour Constitutionnelle veille à la régularité des opérations de référendum. Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition, la loi ainsi adoptée est promulguée dans les conditions prévues à l’article 78 ».

Cet article ne fait, sans nul doute, pas allusion à un référendum constitutionnel ou constituant, dans la mesure où les articles 2 et 45 de la Constitution placent celle-ci au sommet de la pyramide. L’article 51 de la Constitution, honnêtement lu et analysé, est à mettre en lien avec l’article 84 qui dispose que : « L’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux Députes à l’Assemblée Nationale ».

Lorsque l’article 51 évoque un contrôle de conformité du projet ou de la proposition de loi à la Constitution, il revient, en se référant à la hiérarchie des normes, de constater que le projet ou la proposition de loi ne fait nullement référence à la loi fondamentale, c’est-à-dire la Constitution. Pour aller plus dans cette réflexion, les dispositions de l’article 80 de la Constitution selon lesquelles : « Dans les huit jours francs qui suivent l’adoption d’une loi, le Président de la République, un dixième au moins des Députes ou l’institution Nationale Indépendante des Droits Humains, peuvent saisir la Cour Constitutionnelle d’un recours visant à faire contrôler la conformité de la loi à la Constitution » replacent explicitement cette supériorité de la Constitution sur la loi.

La détention d’un titre universitaire ne donne pas le droit d’occulter la bonne explication des textes de loi au peuple, car c’est la seule façon de contribuer à éduquer celui-ci, à lui inculquer les bonnes valeurs et les bonnes pratiques. Mais, toute mauvaise interprétation des textes de loi à des fins purement stratégiques, suppose l’apprentissage de la malhonnêteté aux populations et donc, à l’encouragement de toute forme de contournements des lois qui régissent notre vie en société.

Mamadou Aliou Diallo, Doctorant en Sociologie à l’Ecole Doctorale de Reims (CEREP)

Chargé de Travaux Dirigés à l’Université Evry

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