Isolement de Conakry : un fonds de commerce pour des agents de sécurité à Dioumaya et Khorita

La mesure consistant à isoler Conakry des autres villes de l’intérieur du pays est une aubaine pour les agents de sécurité déployés au niveau des barrages de Dioumaya et Khorira, dans la préfecture de Dubréka. Ils en profitent pour taxer le passage des denrées alimentaires qui quittent l’intérieur pour la capitale guinéenne, a appris un reporter de Guineematin.com qui s’est rendu sur place.

Parmi toutes les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie de coronavirus en Guinée, l’isolement de Conakry par rapport aux villes de l’intérieur est l’une de celles qui fait le plus débat. Selon le décret qui a annoncé cette mesure, ce sont les déplacements de la capitale vers l’intérieur du pays qui sont interdits, sauf en cas de dérogation spéciale accordée par le ministère de la santé. Depuis l’annonce de cette décision, le dispositif sécuritaire a été renforcé au niveau des barrages de Dioumaya et Khorira, tous les deux situés dans la préfecture de Dubréka, aux portes de Conakry.

Selon l’un des agents déployés au barrage de Dioumaya, qui s’est exprimé sous anonymat, leur travail consiste à faire respecter scrupuleusement la décision du président de la République. « Nous sommes postés là à Dioumaya pour faciliter la tâche à nos amis qui sont un peu plus loin à Khorira. Ici, c’est une équipe mixte qui travaille sur le terrain, à savoir :

Les agents de la gendarmerie territoriale de Dubréka et les policiers du commissariat central y compris l’escadron mobile d’intervention rapide de Dubréka qui vient chaque fois en renfort. C’est permis de rentrer à Conakry, mais on ne sort pas pour aller à l’intérieur du pays. Sauf les véhicules transportant les marchandises, les véhicules des sociétés évoluant dans la région de Boké, les camions bennes qui transportent du granite et du sable et les ambulances transportant des malades », a-t-il laissé entendre.

Mais, les propos de cet agent contrastent avec ceux des usagers de la route nationale Nº3 Conakry-Boké. Les chauffeurs transportant des marchandises accusent les agents de profiter de cette situation pour leur soutirer illégalement de l’argent. C’est le cas d’Aly Kourouma, conducteur d’un minibus en route pour Boké. Nous l’avons trouvé au barrage de Khorira, très remonté.

Aly Kourouma, conducteur d’un minibus en route pour Boké

« Depuis le matin, nous sommes immobilisés ici entre Dioumaya et Khorira. Je ne transporte que de l’huile rouge et des sacs de piment sec. Mais on me dit qu’il n’y a pas de passage. Au premier barrage qu’on a dépassé à Dioumaya, on m’a fait payer 60 000 francs là-bas pour pouvoir passer. Quand je suis arrivé à Khorira, il y a un policier qui est venu voir dans mon minibus si je n’ai pas des passagers. Bien qu’il n’y ait pas de passagers dans mon véhicule, il m’a dit de garer à côté avant de me demander de payer 50 000 francs pour passer rapidement. J’ai payé les 50 000 francs mais on me dit d’attendre encore avant de pouvoir passer », a-t-il dit.

D’autres chauffeurs, qui se sont exprimés hors micro, ont fait des témoignages similaires. Par ailleurs, il faut noter que la mesure interdisant les déplacements de Conakry vers l’intérieur du pays est loin d’être effective sur cette route nationale. Certains citoyens s’embarquent à bord d’un véhicule pour aller jusqu’au niveau du barrage de Dioumaya, où ils descendent pour emprunter un taxi moto afin de pouvoir traverser ce barrage tout comme celui de Khorira. Après, ils empruntent une autre voiture pour se rendre à leur destination. C’est la stratégie que compte adopter Moutadi Diallo.

Moutadi Diallo

« J’étais parti à Conakry pour accompagner ma mère au centre ophtalmologique de Nongo, où elle suit son traitement depuis quelques temps. Cette fois-ci, quand le délai est arrivé, j’ai appelé le médecin pour lui dire qu’il n’y a pas de route. Mais, il m’a dit de tout faire pour respecter le rendez-vous. C’est pourquoi, j’ai pris le risque de voyage en ce moment. Mais avec la situation actuelle, on est obligés d’emprunter une moto pour aller nous embarquer à Khorira afin de chez nous à Tanènè. Je pense que les autorités doivent faire des exceptions. Par exemple, il y a des malades qui ont besoin d’aller dans les hôpitaux de Conakry et qui ne sont pas forcément dans la capitale », a fait remarquer ce citoyen.

Le constat au niveau de ces deux barrages révèle que la Guinée a encore beaucoup de travail à faire dans le cadre de la riposte contre la pandémie du COVID-19. Surtout que même les agents déployés sur le terrain ne disposent d’aucun équipement de protection.

Malick Diakité pour Guineematin.com

Tel : 626-66-29-27

Facebook Comments Box