J.P. Le bouteiller de l’ANG annonce la mise en place d’une fabrique de purée de tomate et de gari de manioc à Télimélé-interview

Jean Pierre Le bouteiller, président de l’Association Normandie-Guinée (ANG) et parrain de la FMBB
Jean Pierre Le bouteiller, président de l’Association Normandie-Guinée (ANG) et parrain de la FMBB
Jean Pierre Le bouteiller, président de l’Association Normandie-Guinée (ANG) et parrain de la FMBB

Dans une interview accordée à un reporter de Guineematin.com, le 28 mars 2016 à Télimélé, en marge de l’assemblée générale de la fédération des maraîchers Bowé-Badiar (FMBB), M. Jean Pierre Le bouteiller, président de l’Association Normandie-Guinée (ANG) et parrain de la FMBB, est revenu sur le bilan de sept ans d’activités dans les localités de Télimélé, Gaoual et Koundara. En véritable acteur de développement, cet expert français qui assiste gratuitement des paysans guinéens, explique comment il entend appuyer ces populations confrontées à des difficultés de tous ordres pour développer l’agriculture familiale de subsistance en agriculture familiale de rente. Dans le même élan, cet ancien cheminot, tout en misant sur l’amélioration des techniques culturales, organisationnelles et opérationnelles de la FMBB, veut se tourner vers la transformation et la commercialisation des produits locaux. Dans son programme, après la miellerie de Leyleggel, il annonce une fabrique de purée de tomate et de gari de manioc à Télimélé. 

Guineematin.com : Bonjour monsieur Lebouteiller, vous êtes le président de l’Association Normandie Guinée (ANG), vous appuyez la Fédération des Maraîchers Bowé-Badiar (FMBB), depuis sa mise en place en 2013. Est-ce que vous pouvez revenir sur le bilan des activités réalisées par la FMBB ?

Jean Pierre Le bouteiller : Le partenariat engagé en 2009 entre l’ANG et les Unions maraîchères de la Préfecture de Télimélé a été progressivement étendu, sur sollicitations, aux Préfectures de Gaoual et Koundara. Effectivement en 2013, ces Unions se sont regroupées pour former la FMBB.

Depuis cette date nous avons franchi «pas à pas» les étapes comme la professionnalisation des Groupements féminins, la structuration des Unions maraîchères, l’organisation de l’assistance technique, le développement de la production, la mise en place de la commercialisation groupée

Je pense que la Fédération, aujourd’hui opérationnelle, a connu au cours de l’année passée un nouvel essor de ses activités dans plusieurs domaines plus particulièrement économique. Le cœur de cette activité comporte deux volets à savoir la production et la commercialisation. Les paysans connaissent bien leur métier, en outre ils sont appuyés par une équipe de 10 techniciens, et les jeunes stagiaires de l’Ecoles nationale d’agriculture et d’élevage de Tolo (actuellement 6), qui leur apportent un appui dans l’amélioration des itinéraires techniques de production pour de meilleurs rendements.

Tous les adhérents ont bénéficié à un moment de ces appuis, les techniciens qui sont implantés par zone, sont de façon permanente sur le terrain.

On ne peut pas encore connaitre, en ce début avril, les résultats de cette saison mais pour la dernière (2014/2015), les 2834 producteurs ont produit 3800 tonnes de légumes et ont peut espérer pour cette saison 2015/16 une progression de 10 pour cent. C’est l’objectif, pour les 4 filières choisies (l’oignon, la tomate, l’aubergine et le piment) sur lequel nous nous sommes engagés avec les bailleurs soit environ 4100 à 4200 tonnes dont 1800 tonnes d’oignon.

On ne peut pas diversifier plus, car on pense que quatre filières c’est déjà beaucoup pour une Fédération qui souhaite améliorer les rendements et la connaissance technique.

Donc, cette année les choses sont prometteuses, dans les semaines qui viennent on connaîtra le bilan de la production. Déjà, le piment dans la zone de Télimélé marche très bien ainsi que l’oignon sur Gaoual et Koundara. Je pense, très honnêtement, d’après les premiers constats  qu’on fera plus de 10%.

Enfin, trois nouvelles Unions rejoignent la Fédération, ce qui porte leur nombre à 20 soit 142 groupements et 3200 producteurs adhérents.

Guineematin.com : Je vois que vous êtes très prudent dans les chiffres mais un des acteurs que nous avons interrogé a dit clairement que là où il avait l’habitude d’utiliser une boite de semence d’oignon pour avoir moins de 50 sacs de 50kgs, que pour l’année 2015, il n’a utilisé qu’une moitié de cette boite pour avoir dix fois cette production. Alors quelles sont les techniques que vous avez utilisées d’abord pour amener les producteurs à vous comprendre et le management que vous avez également mis en place pour associer les agents de l’état notamment les techniciens agricoles dont le rôle sur le terrain a été reconnu et salué par les bénéficiaires ?

Jean Pierre Le bouteiller : Ce sont les méthodes, les pratiques techniques et agro écologiques. Je suis sûr que beaucoup d’entre nous ont des racines rurales, c’est mon cas. Je viens d’une région en France qui s’appelle la Bretagne, c’est une région à vocation maraîchère. Après la dernière guerre mondiale, les maraîchers de cette région, qui étaient des petits maraîchers pauvres se sont organisés et même révoltés dans les années 50. Ils sont devenus, grâce à leur puissance collective et leur professionnalisme, une force incontournable par la suite en se payant un, deux, …bateaux pour aller commercer vers l’Angleterre. Aujourd’hui c’est une fédération puissante économiquement. Il n’y a pas de secret, la force de l’agriculture familiale passe par la professionnalisation et la structuration des Organisations Paysannes (OP).

Je suis convaincu que cela est possible pour la FMBB à la condition qu’elle accède à son autonomie. C’est le chemin que nous proposons de parcourir avec elle pour cette dernière étape.

Et je vois ici des paysans qui connaissent leurs terres, il faut juste les accompagner, apporter des méthodes de travail, une organisation collective, des bons produits, je pense à la semence d’oignon, avec le taux de germination qui frise les 100%. Les méthodes : c’est la façon de semer pour que chaque plante se développe normalement. Le désherbage, l’entretien, et l’arrosage mais pas n’importe comment, car il y a une façon d’arroser à certaines heures avec un certains dosages suivant les plantes. Les pratiques agro écologiques que nous enseignons sont très importantes aussi pour préserver les ressources naturelles (eau, terre) avec la façon de d’utiliser peu ou pas les intrants chimiques.

Enfin, pour valoriser et optimiser un périmètre maraîcher, il ne faut pas laisser 20 à 30% de non exploité. Il faut les mettre en parcelles, il faut pouvoir accueillir beaucoup plus de producteurs. Et bien sûr, il faut si possible améliorer l’irrigation pour allonger la période de culture

En résumé, c’est tout un ensemble de méthodes, de pratiques mais également de discipline collective, animé et soutenu par une Fédération proche des producteurs. Ensuite, vient le rôle majeur de la Fédération qui est d’organiser la commercialisation groupée afin d’assurer l’écoulement des produits issus de la récolte.

Notre rôle aujourd’hui avec la FMBB est de permettre le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture de rente (je crois l’avoir dit l’an dernier). Cela implique une évolution individuelle et collective des mentalités pour une transition vers le « système marchand ».

Guineematin.com : Monsieur, j’ai envie de vous demander, vous avez créé l’ANG, vous avez initié la mise en place d’une Fédération des maraîchers. Quels sont les arguments que vous utilisez pour mobiliser les bailleurs de fonds afin de soutenir vos efforts sur le terrain ?

Jean Pierre Le bouteiller : D’une manière générale, nous répondons à des « Appels à Projet » orientés vers l’agriculture émis par les bailleurs de fonds. A partir de là, il faut présenter des projets irréprochables, sincères, qui cadrent avec les réalités. Ces réalités nous les connaissons. De plus, il faut satisfaire aux exigences justifiées des bailleurs. Au final, cela représente un important travail.

Puis, il faut concourir, c’est le cas dans le cadre de l’Appel à Projet N°3 de la Fondation Rio Tinto où 90 Organisations présentaient un Projet pour 8 sélectionnées dont notre projet de soutien à la FMBB. Le budget de ce projet est 395 millions GNF dont 306 sont financés par la Fondation Rio Tinto et 89 millions co-financés par le Comité Français pour la Solidarité Internationale et l’Association Normandie Guinée.

Le Projet que nous avons présenté a été élaboré en concertation avec les paysans, pour qu’ils le valident et qu’ils s’engagent. Pour qu’un projet soit clair, cela demande beaucoup de travail. Il faut éviter (on n’y parvient pas toujours) les pièges de la recherche par nos partenaires d’aides essentiellement financières. En effet, les organisations paysannes  acceptent souvent que les orientations des projets et les conditions de leur mise en œuvre relèvent des compétences de l’ONG. Dans ce cas, elles abandonnent vite la part d’initiative qui leur revient en contre partie du soutien financier et technique. Depuis 6 ans, nous insistons pour montrer que le budget d’un projet n’est pas la finalité  mais le moyen d’atteindre les objectifs fixés.

En résumé, la réussite d’un projet, est un long parcours où aucune étape ne peut être omise ou ignorée. Enfin, il faut rendre des comptes techniques et financiers aux bailleurs car il en va de notre crédibilité. Là aussi, le partenaire (la FMBB aujourd’hui) doit s’imposer la même rigueur et les mêmes exigences envers l’Association Normandie Guinée. C’est ce que nous lui demandons.

Guineematin.com : Voila, justement l’ANG après avoir réussi à mettre en place la Fédération, accompagner cette dernière depuis 3 ans quelles sont vos perspectives, à moyen et long terme ?

Jean Pierre Le bouteiller : Comme je l’ai dit en Assemblée Générale, l’appui aux Unions maraîchères depuis 6 ans et à la Fédération FMBB depuis 3 ans est un travail de longue haleine mais il commence à porter ses fruits.

La Fédération est maintenant opérationnelle, le siège est installé, toute l’administration est mise en place. La Fédération apporte un service à ses adhérents. Elle appuie la production. Elle organise la commercialisation. Ce qui reste à améliorer c’est la remontée de données chiffrées fiables. Mais je crois, grâce à l’appui des techniciens et les élèves de l’Ecole de Tolo, que cela va être corrigé pour la campagne en cours.

La FMBB, où le lien social joue un rôle clé dans le succès actuel, doit rester au service des paysans afin de promouvoir une agriculture familiale performante, en tant que modèle socio-économique à même de créer des emplois et de faire vivre les zones rurales Elle peut rapidement, par le renforcement de son modèle économique, disposer de ressources propres et autofinancer son fonctionnement. C’est l’objectif pour les 18 mois à venir

Je pense que l’autonomie c’est l’indépendance. Cette dernière étape, aboutissant à l’autonomie de la Fédération, a toujours été annoncée.

L’effacement de l’ANG ne signifie pas l’abandon du soutien, notamment technique, à la Fédération FMBB. Notre souci est de nous assurer que les relais seront pris par les pouvoirs publics. A ce sujet, le Ministère de l’Agriculture, avec le Programme National d’Appui aux Acteurs des Filières Agricoles, étudie, à l’horizon 2017, un dispositif d’appui direct.

Guineematin.com : A côté de cela, vous avez des ambitions annoncées, c’est la mise en place d’une expérimentation de transformation du manioc et de la tomate entre autres ?

Jean Pierre Le bouteiller : Le volet économique, dont j’ai parlé, avec la production et la commercialisation, comprend également la transformation agroalimentaire. C’est un de nos objectifs de l’année. Mais comme tout domaine où n’avons pas l’expertise nous allons débuter, avec le concours de techniciens de Labé, par une phase expérimentale sur six Unions, pour confectionner des séchoirs solaires et former une vingtaine de femmes. Nous en tirerons des enseignements avant de nous engager vers une étape de développement.

On a choisi, la fabrication de la purée de tomate parce que la tomate est une des filières que nous produisons. Et le manioc, traditionnellement cultivé par tous les paysans, pour la fabrication de gari de manioc. La transformation des produits maraîchers représente une valeur ajoutée importante dans ces localités.

Propos recueillis par Abdallah Baldé avec le décryptage de B. Oumar

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