Kateb Yacine est-il à l’aise à la HAC ? «… c’est une situation pénible pour moi ! » (Interview)

Oumar Kateb Yacine Bah, commissaire à la HAC
Oumar Kateb Yacine Bah, commissaire à la HAC

Ce que la Haute Autorité de la Communication (HAC) a pu faire pour les journalistes depuis sa création, l’élection de l’ancienne présidente du CNC et ancienne responsable de communication du RPG (Martine Condé) à la tête de la HAC, ses ambitions, ses conseils aux jeunes journalistes… monsieur Oumar Kateb Yacine Bah, commissaire à la HAC a bien voulu répondre aux questions de Guineematin.com

Guineematin.com: Bonjour monsieur Bah, cher confrère. Veuillez vous présenter aux lecteurs de Guineematin.com 

Oumar Yacine Bah: Merci Monsieur Nouhou Baldé de m’avoir donné cette occasion de m’exprimer sur l’exercice de mes fonctions de Commissaire au niveau de la Haute Autorité de la Communication (HAC). Titulaire d’un DES en Gestion d’Entreprises de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, promotion 1994 (29ème promotion), je suis journaliste depuis 1993. Et j’ai toujours signé mes articles par Oumar Kateb Yacine.

Au départ, je voulais rester juste un  journaliste économique, mais comme vous le savez bien en Guinée, nous souffrons de la non spécialisation par les journalistes dans les médias. Ainsi, j’ai tâté toutes les rubriques dans les différentes rédactions que j’ai eu à servir. Bref, j’ai servi dans plusieurs médias de la presse écrite (Le Lynx, l’Indépendant surtout) et de la presse en ligne (Guinea-Forum et Guineenews) avant de fonder, en 2009, mon site web (Lejour.info) et un journal, Guinée Nouvelle. Auparavant, j’ai créé avec des amis à l’université, en 1993, un mensuel, le Djawiré dont j’étais le Directeur de publication;  en 2002, j’ai créé un bimensuel, Le Jour, puis en 2006, j’ai lancé avec un frère résidant en France, le site web lejourguinee.com. Nous serons rejoints  en 2007 par d’autres partenaires. Malheureusement, il y a eu dissension. Et, en 2009, comme je l’ai dit, j’ai à la fois lancé Lejour.info et l’hebdomadaire Guinée Nouvelle.  En plus, j’ai été correspondant local de Sen’Info, une radio sénégalaise basée à Dakar entre 2006 et 2009.

Membre fondateur de l’Association Guinéenne de la Presse en Ligne (AGUIPEL), j’ai été le vice-président de ladite association de 2007 à 2015. C’est à ce titre que j’ai été choisi par mes confrères de ladite association pour représenter la presse électronique à la Haute Autorité de la Communication (HAC). Et, je siège au niveau de cette institution, suite au décret du président de la République du 10 mars 2015 nommant les membres de ladite institution.

Kateb Yacine BahGuineematin.com: Vous êtes un journaliste confirmé et vous nous représentez à la HAC, nous la presse en ligne comme vous venez de le mentionnez. Mais, qu’est-ce que vous avez pu faire pour nous depuis votre arrivée à la HAC ?

Pour ce qui est du bilan de nos activités au sein de cette institution, il est à souligner que dès l’installation des commissaires, on s’est mis à la tâche pour rédiger le règlement intérieur. Puis, nous avons tenu une retraite de deux jours, à l’issue de laquelle, nous avons sorti un plan d’actions pour les cinq années que doit  couvrir la mandature du présent collège.  En ce qui concerne la presse électronique, il existe une feuille de route.  Je précise que je suis de la Commission NTIC avec le représentant des Télécommunications. Mais, force est de reconnaitre que la HAC a du mal à exécuter  ce plan d’action, faute de moyens financiers. Figurez-vous,  elle n’a bénéficié d’aucune subvention pendant la période électorale. Pourquoi ? Allez savoir ! Cet handicap a réduit ses activités dans un champ restreint. Que cela n’empêche, l’institution a réalisé des prouesses avant, pendant et après le scrutin présidentiel du 11 octobre. Même si certaines de ces décisions ont fait l’objet des polémiques, l’emmenant à une certaine mesure de revenir sur certains point.  Quand même, l’objectif a été atteint, car grâce à la régulation faite par la HAC, on a pu contenir plusieurs dérapages et par conséquent, éviter le pire.

Guineematin.com : Monsieur Bah, nous nous connaissons bien (je rappelle à ceux qui ne le savent pas que c’est vous qui m’avez engagé à Guineenews en 2006), est-ce que vous êtes sincèrement à l’aise dans votre nouveau statut de Commissaire de la HAC ?

Oumar Yacine Bah: Ce n’est pas facile. Sincèrement, il faut l’avouer. Lorsque,  pendant plusieurs années, on est habitué à exprimer librement ses idées à travers les médias en tant que journaliste indépendant ;  et paf ! un jour arrive, vous êtes obligé de vous confiner à ne pas écrire, à observer un droit de réserve sur des sujets d’actualité,  j’avoue que c’est une situation pénible pour moi ! Mais, j’ai choisi librement d’être là. Les confrères ont eu confiance en moi et le chef de l’Etat a entériné ce choix par un décret. C’est exaltant quand on trouve l’occasion de servir son pays à ce niveau là. Le reste, c’est moins important. Mon souhait est de sortir tête haute pour ne pas démériter de la confiance placée en ma modeste personne.

Guineematin.com: Est-ce que la première faute de la HAC n’est pas d’avoir reconduit l’ancienne présidente du Conseil National de la Communication (CNC), Martine Condé, qui est connue pour avoir milité au sein du parti au pouvoir où elle a géré la communication lors de la campagne présidentielle de 2010 ?

Oumar Yacine Bah: Je ne sais pas ce que vous appelez première faute. Tout comme j’ignore s’il y a eu deuxième ou troisième faute (rires). C’est votre opinion. Je la respecte, même si je ne suis pas d’accord avec vous sur ce point là. Je ne le conçois pas ainsi. Je suis convaincu qu’au niveau de la HAC, nous sommes tous des mortels, donc nous ne sommes pas parfaits. Ainsi, j’estime que ce n’est pas le passé de Mme Martine Condé qui est important que ça soit son passage au sein du parti présidentiel, que ça soit sa gestion de l’ancien CNC. A mon entendement, c’est la façon dont elle mène la nouvelle institution qu’est la HAC qui sera jugée. Si son élection au poste de la présidente par ses collègues a été une bonne ou mauvaise chose, attendons de voir. On n’a que dix mois de fonctionnement quand même.

Guineematin.com : Est-ce que vous pensez réellement que la HAC satisfait aujourd’hui les médias et les structures connexes qu’elle est sensée représenter ?

Oumar Yacine Bah : Avant de répondre à votre question, permettez moi de vous dire que la HAC n’est pas un tribunal. C’est une institution républicaine qui régule les médias en République de Guinée.  Comme nous le confère la loi, nous protégeons les citoyens contre les abus de la presse, mais aussi nous protégeons les journalistes contre les exactions d’où quelles viennent, empêchons la manipulation de l’information de la part de qui que se soit. Ceci dit, je pense que la HAC fait son mieux. C’est vrai, elle devait faire peut-être plus. Mais, par le dynamisme de ses membres sans exception, elle a pu marquer sa présence en tant qu’organe régulateur des médias. Progressivement, les journalistes ont confiance en nous. Les citoyens aussi, quand ils sont brimés dans leurs droits par la presse, ils font recours à l’institution. Nombre de Guinéens commencent à comprendre son rôle régalien dans notre jeune démocratie. Ce qui est à saluer.

Guineematin.com : Qu’est-ce que vous craignez de plus durant votre mandat de commissaire ?

Oumar Yacine Bah : C’est d’agir contre mon gré et ma conscience. Je tiens beaucoup à la valeur morale telle que je l’ai eue au cours de mon éducation.

Guineematin.com : On peut agir dans le bon sens sans être compris. Mais, qu’est-ce que vous souhaiteriez qu’on retienne de votre passage à la HAC le jour où vous ne serez plus à votre place ?

Oumar Yacine Bah : Un homme honnête et intègre qui a servi son pays à ce niveau pour le bonheur de la presse guinéenne en particulier et la démocratie en général.

Guineematin.com : « Koto » est âgé, quand c’est moi qui parle. Mais, pas si vieux que ça ! Des projets qui vous tiennent à cœur ?

Oumar Yacine Bah: J’ai opté pour l’écrit. Je resterai toujours non loin de ma vocation. Le reste, c’est Dieu qui détient le secret de ce qui arrivera demain.

Guineematin.com: Quels conseils aux jeunes journalistes qui souhaitent emboiter vos pas ?

Oumar Yacine Bah: Ah! Je ne sais pas si je suis un modèle. Mais, je leur dirai seulement de bien apprendre, se fixer un objectif et rester constant et assidu. La Nature fera le reste.

Guineematin.com : Un dernier mot ?

Oumar Yacine Bah : Je dirai merci à Guineematin.com que je félicite et encourage d’aller de l’avant. La situation des médias est très complexe en Guinée. Mais, vous êtes sur la bonne trajectoire. A travers vous, je dirai à tous les autres organes de presse de primer toujours la rigueur dans le traitement de l’information. Et, surtout aux confrères, je leur dirai de s’approprier de la Loi 02 portant sur la liberté de la presse et de la Loi 03 concernant la création et le fonctionnement de la HAC, puis de se cultiver. Un journaliste culturellement pauvre est un danger, pire qu’un terroriste.

Entretien réalisé par Nouhou Baldé pour Guineematin.com

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