Le diabète et le jeûne du Ramadan : ce qu’en dit Dr. Amadou Bah

Dr Amadou Bah, médecin chef adjoint du service de diabétologie de l'hôpital Donka
Dr Amadou Bah, médecin chef adjoint du service de diabétologie de l’hôpital Donka

Les musulmans sont aujourd’hui au 19ème jour du jeûne du Ramadan, une prescription religieuse qui commande aux fidèles de surtout s’abstenir de s’alimenter la journée. Mais, cette période de jeûne est souvent pénible pour les diabétiques. A cause des bénédictions et tous les autres bienfaits de ce mois de pénitence, de nombreuses personnes diabétiques, malgré leur état, s’obstinent à observer le jeûne. Mais, le diabète est-il vraiment compatible avec le jeûne ? Quels sont les risques pour les diabétiques d’observer le jeûne ? Pour avoir des réponses, un reporter de Guineematin.com a rencontré pour vous Dr Amadou Bah, endocrinologue et médecin-chef adjoint du service de diabétologie et endocrinologie de l’hôpital régional Donka.

Décryptage !

Guineematin.com : Avant d’entre dans le vif du sujet, dites-nous ce que c’est le diabète.

Docteur Amadou Bah : le diabète est une maladie métabolique caractérisée par l’élévation permanente du taux de sucre dans le sang. Le diabète fait partie des maladies non transmissibles. Malheureusement, dans nos pays à faibles revenus, le diabète est diagnostiqué au stade de complication. Au moment où on ne peut pratiquement rien pour les malades. C’est pour cela, après la quarantaine, tout le monde doit faire un bilan de santé pour vérifier son niveau de taux de sucre, sa pression artérielle et le taux de cholestérol. C’est ce qui va nous permettre de dépister tous les diabétiques et de pouvoir mieux les prendre en charge.

Guineematin.com : combien de types de diabètes y a-t-il et quelles sont leurs symptômes et caractéristiques ?

Docteur Amadou Bah : il y a plusieurs types de diabètes. Mais, de façon caricaturale, nous avons 2 types de diabètes. Il y a le type 1 qui est le diabète de l’enfant. Son organe qui doit produire de l’insuline est défaillant où il ne produit pas de l’insuline. Donc, le signe de diabète se manifeste chez l’enfant. Il commence à boire beaucoup d’eau, urine beaucoup, il mange et il ne grossit pas. Dès que vous remarquez cela chez un enfant, il faut penser au diabète et aller dans un centre de santé le plus proche faire un test de glycémie pour voir s’il est diabétique ou pas.

Le diabète du type 2, c’est le diabète de l’adulte. De la phase du début jusqu’à l’apparition des signes cliniques, il y a une période lente très prolongée. C’est pour cela qu’avec le diabète de type 2, c’est à la phase de complication qu’on fait le diagnostic. Il y a d’autres types de diabète tels que le diabète de la femme en grossesse qu’on appelle le diabète gestationnel et le diabète lié l’utilisation des produits vermcosmétiques. Malheureusement, chez nos sœurs, l’utilisation des produits vermocorticoïdes peut entraîner le diabète. Il y a aussi le diabète lié à certaines maladies, les endocrinopathies. Voilà en gros les différents types de diabète.

Guineematin.com : Nous sommes actuellement en plein Ramadan, un mois de jeûne qui commande aux musulmans de surtout s’abstenir de manger la journée. Mais, est-ce que le diabète est compatible avec le jeûne chez les fidèles qui en souffrent ?

Docteur Amadou Bah : Nous sommes dans le jeûne ; et, la Guinée est majoritairement musulmane, tout le monde ou presque veut jeûner parce que le jeûne est une prescription divine. Donc, c’est obligatoire. Mais, c’est écrit quelque part que « ce n’est obligatoire que pour celui qui en a l’aptitude physique ». « Tout musulman adulte qui a la capacité physique doit jeûner ». Mais, il y a des exemptions. Donc, « quiconque d’entre vous est malade ou en voyage peut compter ». Ou, « ceux qui se sentent incapables nourrissent des pauvres ». Ça ce sont les prescriptions du Coran. Malheureusement, certains malades diabétiques ne viennent pas voir les médecins avant le ramadan au risque d’être interdits de jeûner. Mais, qu’est-ce qui est dit sur le plan international ? Selon les recommandations pré-ramadan, il faut faire des consultations. Ces consultations se font 2 ou 3 mois avant le ramadan pour déterminer ceux qui peuvent jeûner de ceux qui ne peuvent pas ou bien pour connaître ceux qui voudraient jeûner pour qu’ils soient assistés par un professionnel de santé. C’est pour cela que les recommandations internationales validées par les autorités religieuses placent les diabétiques en 3 catégories de risques. C’est à travers les risques là qu’on pourra accompagner les malades diabétiques à faire le ramadan.

Guineematin.com : Quels sont les risques pour les diabétiques d’observer le jeûne, surtout sans assistance médicale ?

Docteur Amadou Bah : Les risques sont très élevés. Quand le diabétique a des risques très élevés, il ne doit pas jeûner. Quels sont ces risques ? Un malade qui fait ses hypoglycémies sévères, c’est que son taux de sucre baisse trop, là dans les 3 mois précédents le ramadan, le malade faisaient des hypoglycémies. Dans le traitement du diabète, il y a des médicaments à prendre pour baisser la glycémie. Maintenant, si quelqu’un prend ces produits et ne mange pas, la glycémie va trop baisser. Et, quand ça baisse de trop, il faudra manger quelque chose ; sinon, il risque de tomber dans le coma.

Nous avons l’acidocétose. C’est quoi l’acidocétose ? C’est des malades qui ont un taux de sucre très élevé et qui ont des cétones dans les urines. Si on ne les prend pas en charge, ils risquent d’être dans le coma cétosique. Et, c’est une urgence médicale. Alors qu’en d’urgence médicale, le malade doit être dans le service de réanimation. Un malade qui a fait ça ou un malade qui fait le coma hyperosmolaire est un malade à risque élevé. Il ne doit pas jeûner.

Nous avons le diabète de type 1 qui est le diabète chez l’enfant dont le pancréas ne produit pas de l’insuline. C’est l’apport extérieur de l’insuline qu’on donne. Le rôle de l’insuline est de baisser la glycémie. Et si tu te pique alors que tu es en jeûne, tu vas faire l’hypoglycémie. Donc, un diabétique de type 1 est un diabétique à risque très élevé.

Nous avons les maladies infectieuses, les personnes qui font des travaux physiques intenses, les femmes enceintes. Ça c’est les facteurs de risque très élevés dont les sujets ne doivent pas jeûner.

Nous avons des risques très élevés qui ne devraient pas jeûner, mais en général qui jeûnent sans le consentement des médecins. Chez les malades qui ont des hyperglycémies modérées, le taux de sucre est très élevé autour de 11.50 à 3 grammes ou qui ont un taux d’hémoglobine gluqué Supérieurà 9 %. Le taux de l’hémoglobine gluqué, c’est un paramètre d’équilibre de glycémie pendant les 3 derniers mois. C’est avec ce paramètre là qu’on saura que tel malade est équilibré, tel autre n’est pas équilibré. Quand ce taux est à 9%, logiquement tu ne doit pas faire le ramadan.

Les malades qui ont des complications comme les complications macrovasculaires avancées qu’on appelle les AVC ou les pieds diabétiques qui ont des insuffisances rénales qui sont jusqu’au stade des dialyses ou les patients seuls sous traitement à l’insuline, ou c’est des comprimés qui jouent le rôle de l’insuline, du coup qui font des hypoglycémies ou des personnes âgées qui ne sont pas autonomes. Vraiment quand un patient est à ce stade là, normalement il ne devrait pas jeûner.

Guineematin.com: à la lumière de vos propos, on comprend aisément qu’il y a des diabétiques qui peuvent bien observer le jeûne. Mais, qui sont ces diabétiques ?

Docteur Amadou Bah : Nous avons maintenant les risques modérés ou risques faibles. Là, le patient peut observer le ramadan, mais c’est avec l’autorisation et l’accompagnement de son médecin traitant. Quels sont ces risques ? C’est les malades qui sont bien contrôlés par les médicaments telle que la medformine 500, parce que la medformine ne baisse pas top le taux de glycémie, ça facilite l’utilisation de l’insuline dans le corps. Nous avons les patients qui peuvent contrôler sous le régime seulement. Donc, ils ne prennent pas des médicaments. Nous avons les autres classes des médicaments : les antidiabétiques qui ne sont comme l’insuline et les sulfamides hypoglycémiants et les personnes en bonne santé. Ça c’est les patients qui peuvent jeûner avec surveillance médicale. Voilà les risques liés à la pratique du jeûne chez les diabétiques.

Guineematin.com : merci docteur !

Docteur Amadou Bah : C’est à moi de vous remercier.

Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com

Tel: +224622919225

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