Le président des aveugles de Guinée : « le gouvernement pense que nous ne pouvons pas … »

Niang Georges Sagnane, président de l’Union Guinéenne des Aveugles et Malvoyants
Niang Georges Sagnane, président de l’Union Guinéenne des Aveugles et Malvoyants

Le 04 octobre de chaque année est considérée comme une journée nationale des aveugles et malvoyants dans beaucoup de pays du monde. En Guinée, cette journée n’est pas commémorée. Mais, Georges Sagna Niang, le président de l’Union Guinéenne des Aveugles et Malvoyants, a profité d’un entretien avec Guineematin.com pour se prononcer sur la situation des personnes atteintes de déficience visuelle et interpeller les décideurs là-dessus.

Décryptage !

Guineeamtin.com : nous sommes le 04 octobre, une journée dédiée aux aveugles et malvoyants dans beaucoup de pays du monde. Que représente cette journée pour vous ?

Georges Sagna Niang : je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer en ce jour solennel. Le 04 octobre de chaque année est célébrée par certains pays comme journée nationale des aveugles et malvoyants. C’est une journée comme les autres journées qui permettent aux personnes porteuses de déficience visuelle de s’exprimer à travers le monde, de parler de leurs difficultés, de parler de leurs acquis et de montrer leurs talents.

Guineematin.com : en parlant de cette journée, on n’oublie pas aussi l’écriture Braille qui permet aux aveugles et malvoyants de lire et écrire.

Georges Sagna Niang : oui, cette journée permet à nous déficients visuels de rendre un hommage à notre héros qui est Louis Braille, l’inventaire de l’écriture Braille dans le monde entier. C’est un français qui est né le 4 janvier 1909 à Couvet dans une région de la France et qui a perdu la vue à l’âge de 5 ans dans l’atelier de son père. Et après, c’est un jeune qui s’est battu contre vents et marrées pour créer l’écriture Braille à l’âge de 16 ans, c’est-à-dire en 1825. Et, cet alphabet Braille est composé de six (6) points. Il est tiré de l’alphabet de Charles Barbier, un officier français qui a créé un alphabet tactile de 12 points pour aider l’armée française à s’exprimer dans l’obscurité, dans le silence en temps de guerre.

Donc, c’est de cette écriture que Louis Braille s’est inspiré pour tirer les six points qui nous permettent aujourd’hui de s’exprimer à travers le braille. Le Braille est rentré ici en Guinée en 1988 à travers un monsieur Zoumanigui Nicolas que nous rendons un hommage, qui est le père fondateur de l’écriture Braille ici en Guinée. A ce jour, il n’y a qu’une seule école qui est le centre Sogué des aveugles et malvoyants de Conakry qui se trouve dans la cité de solidarité. A travers le monde, même dans la sous-région, nous avons des grands centres qui sont des instituts. Il y a les instituts des jeunes aveugles du Mali, du Sénégal, de partout. Mais, la Guinée n’a pas encore d’instituts appropriés aux personnes déficientes visuelles.

Guineematin.com : est-ce que le gouvernement vous accompagne dans la célébration de cette journée ? Qu’est-ce qui est fait par le gouvernement pour accompagner les déficients visuels ?

Georges Sagna Niang : d’abord, je vais vous dire que cette journée est répertoriée dans le calendrier des journées mondiales, des journées nationales et internationales des personnes déficientes visuelles, mais c’est une journée méconnue par certains pays. Parce que ce n’est pas toutes les associations de personnes aveugles qui la célèbre. Les pays qui célèbrent cette journée sont souvent accompagnés et soutenus par le gouvernement. Mais nous ici, j’avoue que ce n’est pas toutes les journées liées aux personnes porteuses de handicap en général et celles des déficients visuels en particulier qui sont pris en compte par l’Etat guinéen. Ça, c’est un grand manque à gagner.

Alors que tout gouvernement membre des Nations Unies ayant ratifié les conventions internationales relatives aux lois et aux droits des personnes porteuses de handicap doit accompagner les OPH (Organisation des Personnes Handicapées) dans leur pays à célébrer les différentes journées liées aux personnes porteuses de handicap qui sont les seules journées qui leur sont données, qui leur permettent de s’exprimer dans le monde entier. C’est une occasion pour nous d’attirer l’attention du gouvernement, les décideurs politiques, pour qu’ils prennent en compte les personnes qu’ils sont en train de minimiser dans le monde.

Guineematin.com : quelle est la contribution que votre structure apporte pour faciliter la formation des aveugles et malvoyants de Guinée ?

Georges Sagna Niang : notre association, en partenariat avec des associations françaises comme Guinée Solidarité et autres ainsi que des personnes de bonne volonté, nous avons pu mettre sur place un système qu’on appelle le système de parrainage qui nous permet de suivre les enfants après le primaire, le secondaire et jusqu’à l’université. Ce système s’appelle le système d’intégration, qui évolue dans les autres pays. Le système d’intégration permet aux personnes atteintes de déficience visuelle de suivre les mêmes cours, au même moment que les personnes non-porteuses de handicap, les enfants qu’on appelle les clairvoyants. Ce système marche bien. Parce que grâce à ce système, nous avons aujourd’hui des cadres au niveau de certains départements ministériels, chose qui est salutaire. C’est minime, c’est peu par rapport à la sous-région, mais c’est quelque chose que nous apprécions et que nous pensons que l’Etat pourra améliorer.

Guineematin.com : après la formation, les déficients visuels sont confrontés à d’autres problèmes dont celui de l’employabilité. Quel est votre apport dans ce sens ?

Niang Georges Sagnane, président de l’Union Guinéenne des Aveugles et Malvoyants

Georges Sagna Niang : nous menons un combat, celui de défendre les droits de ces personnes déficientes visuelles. Nous sommes les voix des sans voix. Ça veut dire que nous représentons leur voix auprès de toute personne, de toute autorité. Déjà, vous savez que la scolarisation fait défaut. Ça veut dire que nous avons des problèmes par rapport à la scolarisation, par rapport à des parents qui sont réticents quant à la solarisation de leurs enfants déficients visuels. Il y en a qui ne connaissent pas jusqu’à présent que le Braille existe. Il y en a jusqu’à présent qui ont des aveugles dans les maisons et qui les utilisent pour faire de la mendicité, avoir de l’aumône. Et, le gouvernement n’a encore mis en place aucun système de sensibilisation, de porte-en-porte pour permettre à ces personnes de voir qu’il y a une école malgré le fait qu’elle soit la seule pour des personnes déficientes visuelles.

Maintenant, après les études, après tout le calvaire traversé par la personne atteinte de déficience visuelle, elle est confrontée encore au problème d’employabilité. Et ça, c’est un très grand problème. Mais, nous nous sommes battus il y a trois à quatre années de cela, lorsqu’il y avait le concours d’accès à la fonction publique concernant l’enseignement pré-universitaire, il y a eu 4 candidats qui ont passé le concours et il y a eu trois admis avec mention qui sont au niveau de la fonction publique. Mais réellement, je pense que le gouvernement pense que nous, nous ne pouvons pas faire quelque chose. Mais, je dis qu’ils se trompent. Il faudrait qu’ils prennent langue avec la sous-région, pour savoir que nous pouvons faire quelque chose, il faudrait qu’ils voyagent. Nous aussi, nous sommes une partie de la population. Ce n’est pas au gouvernement seulement que je vais m’adresser, mais c’est aux politiciens en général.

Dans les autres pays, nous avons des personnes déficientes visuelles qui sont des députés à l’Assemblée nationale, nous en avons vu qui sont des ministres. Mais, qu’est-ce que l’Afrique fait jusqu’à présent ? Qu’est-ce que les dirigeants africains font de ces déficients visuels ? Alors, c’est une journée qui me révolte mais je remercie le bon Dieu de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer en ce jour, lancer un appel à mes frères porteurs de handicap en général et ceux des déficients visuels, pour que nous nous donnions la main et que nous menions le même combat en vue d’atteindre nos objectifs. Personne ne viendra faire notre plaisir à notre place.

Entretien réalisé par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematibn.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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