Le sous-préfet chassé de Koumban (Kankan) : « ils m’ont versé de l’essence pour me brûler »

En séjour dans la commune urbaine de Kankan où il s’est « réfugié » depuis qu’il a été contraint par des jeunes de quitter son poste à Koumban pour sauver sa vie, le sous-préfet Mamadou Djouma Diallo s’est confié à Guineematin.com ce samedi, 14 novembre 2020. Lors d’un entretien téléphonique avec notre rédaction régionale à Kankan, l’administrateur territorial est revenu sur la scène terrifiante qui l’a conduit à prendre la poudre d’escampette de Koumban deux semaines plutôt.

Mamadou Djouma Diallo jure que des jeunes ont voulu le brûler vif en marge d’une rencontre visant à sensibiliser les populations dans le but d’éviter les attaques contre les éleveurs et leurs bœufs (comme c’est le cas actuellement) dans cette zone de la Haute Guinée.

C’est un administrateur encore terrifié, profondément bouleversé et abasourdit que le correspondant local de Guineematin.com a eu au téléphone. Plus de deux semaines après son agression, le sous-préfet de Koumban a toujours du mal à réaliser ce qui lui est arrivé dans la matinée du mercredi 28 octobre dernier dans sa juridiction géopolitique. Mamadou Djouma Diallo a failli être immolé au feu. A cause de son patronyme, il a été accusé (sans le savoir) de prendre position en faveur des éleveurs peulhs qui sont victimes de violences dans cette zone de Kankan. Et, c’est pour cette raison qu’il aurait été pris à partie par des jeunes qui lui ont aspergé de l’essence avec pour intention délibérée de le brûler vif.

« Le mardi 27 octobre, j’ai été appelé, avec le maire de Koumban, par monsieur le préfet de Kankan. Le préfet nous a chargés d’aller réunir les responsables de Koumban, de Koumban Koura et de Marmoriah pour leur demander de sursoir à leur décision d’aller sortir les animaux (les bœufs des éleveurs peulhs) du territoire de Koumban. Le mercredi matin, je me suis rendu à Koumban vers 8 heures 30, je suis allé rencontrer le maire pour lui demander s’il a pu joindre les autres responsables auxquels on doit s’adresser, il m’a dit oui. C’est ainsi que nous sommes partis à la commune de Koumban, à la rentrée du village. Tous les responsables étaient présents ; à savoir : les responsables des districts de Koumban 1 et 2, les responsables du district de Koumban Koura, les responsables du district de Marmoriah, les responsables des jeunes et quelques représentants des sages. Du coté des autorités de Koumban, il y avait le sous-préfet, le maire, le 3ème vice-maire, le responsable des jeunes, le 2ème vice-maire et certains conseillers. Mais, à ma grande surprise, dès que le maire a commencé de donner l’objectif de notre rencontre, un groupe de jeunes est venu entourer la mairie, armé de bâtons, de cailloux. Et, certains d’entre eux avaient des bouteilles d’essence, je me suis même demandé pourquoi », s’est remémoré Mamadou Djouma Diallo avec des soupirs.

S’agissant de sa terrible mésaventure, le sous-préfet de Koumban assure qu’il a été sauvé de justesse d’une mort affreuse.

« Dès que le maire a commencé à faire passer le message, c’est des jets de pierres qui venaient par-ci par-là, ils sont même arrivés à nous faire sortir de la salle et ils ont fermé la porte. Mais, Dieu merci, j’ai été entouré par certaines bonnes personnes pour sauver ma vie. Et, dans ce tas de jeunes malintentionnés, il y avait un jeune du nom de Aly Condé qui détenait une bouteille d’essence au vu et au su de tout le monde. Les gens m’ont trimballé jusque derrière la cour ; mais, le jeune Aly m’a suivi là-bas encore avec des injures grossières sur moi. Ce que j’ai retenu de ce qu’il a dit en malinké est ‘’An di idjanin bi, Idi fa bi foulakè (on va te brûler aujourd’hui, tu vas mourir aujourd’hui le peulh)’’. Je me suis arrêté, les gens m’ont dit de fuir, j’ai dit non. Parce que je n’ai rien fait, je suis en mission du préfet, s’ils vont me tuer, ils me tueront ici. C’est le 2ème vice-maire et deux autres personnes qui sont venus m’entourer pour me sécuriser. Je n’ai pas voulu fuir pour les raisons suivantes : si je tournais le dos pour dire que j’allais fuir, c’est les cailloux qui allaient tomber sur ma tête. Entretemps, le jeune Aly est venu verser de l’essence sur ma tête pour dire qu’il va me tuer. Il a demandé une boite d’allumette ; mais, il n’en a pas trouvé dans la foule. Ce sont les gens qui m’ont fait sortir et m’ont donné ma moto pour me dire de rentrer à Kankan. Je me demande pourquoi cet acharnement des jeunes contre ma personne ; mais, comme on a l’habitude de le dire, le jour où on fait le sacrifice, ce n’est pas le même jour que Dieu l’accepte ; sinon, j’allais perdre la vie », a expliqué le sous-préfet, Mamadou Djouma Diallo.

Cependant, malgré cette mésaventure qui a fait découvrir à ses dépens les démons et la terreur de certains de ses administrés à Koumban, Mamadou Djouma Diallo qu’il compte bientôt mettre fin à son « exil » dans la ville de Kankan. « Je vais bientôt retourner à Koumban », a fait savoir le sous-préfet.

A noter que les attaques contre les bœufs des éleveurs que cet administrateur a tenté de prévenir ont malheureusement fini par arriver à son absence. Car, depuis quelques jours, des attaques préméditées contre des bœufs et des éleveurs sont enregistrées dans la sous-préfecture de Koumban.

De Kankan, Abdoulaye N’koya SYLLA pour Guineematin.com

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