Leçon Ouattara-Gbagbo : pourquoi « mourrir pour un leader politique ? »

La poignée de mains et la chaude accolade entre l’ancien et l’actuel présidents ivoiriens continue à défrayer la chronique sur le continent. Et plus particulièrement en Guinée. Beaucoup présentent les deux anciens frères ennemis comme un bel exemple de pardon et de réconciliation. D’autres, de loin les plus nombreux, disent que cette image est la preuve, selon eux, que nul ne doit mourir pour la politique. Et par ricochet pour un politicien.

Par ce raccourci facile et simpliste, les gens trouvent que ceux qui sont morts pendant la crise post-électorale en Côte d’Ivoire sont morts pour rien. Alassane Dramane Ouattara et Laurent Gbagbo les considèrent comme perte et profit.

Si cette poignée de mains n’a laissé personne indifférent, certains l’exploitent à dessein. D’autres commentent l’image sans aller en profondeur dans la réflexion. En effet, ce n’est pas parce que les deux hommes affichent leur entente qu’il faille estimer que les morts sont morts pour rien. Non. Si, dans le camp Gbagbo, ils sont morts pour rien, en revanche dans celui de Ouattara ils ont fait don de soi pour que l’actuel président soit ce qu’il est aujourd’hui. Et avec lui tout le Nord et même tous les musulmans ivoiriens.

Si Alassane Ouattara, victime d’ostracisme, s’était résigné pour laisser passer le discours selon lequel il était non pas Ivoirien mais Burkinabé, son sort et celui du Nord musulman auraient été scellés. Sachant que nul n’est pas plus ivoirien que lui, il s’est battu. Et la fin a justifié les moyens. Encore une fois ceux qui sont morts pour que tous les Ivoiriens jouissent de leurs droits civils et politiques ne sont pas morts pour rien.

Certains insinuent qu’à l’instar d’Alassane Ouattara et de Laurent Gbagbo, Alpha Condé et Cellou Dalein Daillo devraient faire la même chose en Guinée. Parce que, selon eux, les deux situations sont similaires. Les deux situations ne sont pas similaires. En Côte d’Ivoire la commission électorale avait proclamé l’opposant vainqueur de la présidentielle. C’est le refus du sortant qui avait mis le feu aux poudres. En Guinée, jamais une institution n’a proclamé un opposant vainqueur face au sortant.

En outre, en Côte d’Ivoire les deux hommes ont tous assumé la plus haute responsabilité du pays. La bipolarisation de la situation politique en Guinée est à l’image de ce qui se passait en Côte d’Ivoire avant l’avènement de Ouattara au pouvoir. En réalité, ceux qui appellent les principaux protagonistes guinéens à emboiter le pas à leurs voisins jouent le jeu du pouvoir de Conakry.

Les propos selon lesquels nul ne doit mourir pour la politique n’ont d’autres objectifs que d’emballer et d’émousser les militants de l’opposition. Il est facile aujourd’hui de dire que nul ne doit accepter de mourir pour la politique. Si l’actuel président est au palais présidentiel c’est qu’il a fallu payer le prix fort contre les deux régimes militaires qui se sont succédé au pouvoir.

Pour conclure, si, parce qu’Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo sont en train de faire la paix, il faut arrêter de se battre pour la démocratie, l’alternance et l’Etat de droit, alors, instaurons une monarchie. Comme ça nous allons faire l’économie d’élections et leurs corolaires de division.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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