Les mots et les maux du ministre

Habib Yimbering Diallo
Habib Yembering Diallo

Cher ami,

Dérogeant à la tradition que veut qu’on adresse une lettre de félicitation à un nouveau promu, c’est plutôt moi qui t’écris. Preuve, s’il en était besoin, de la confiance que je fais. Je t’adresse donc ce courrier pour dire ce que tu sais déjà : à savoir ma nomination au poste de ministre. Une nomination qui a suscité beaucoup de réactions. Lesquelles sont assez tranchées. Particulièrement celles des nôtres dont la plupart estiment que ce poste est un cadeau empoisonné. Et que je ne devais pas l’accepter.

Qu’à cela ne tienne, je l’ai accepté volontiers. Et uniquement pour non pas me servir, comme ceux qui estiment avoir mouillé un maillot.Mais pour servir mon pays. Inutile de te dire que si je voulais chercher de l’argent je sais où le chercher. Mais cette fois j’ai préféré mettre ma petite expérience et ma petite compétence au service de notre pays. Lequel pays, en dépit de tout, nous a tout donnés. Il est donc normal voire obligatoire de retourner l’ascenseur à ce pays.

Cher ami, je voudrais te dire du fond de mon cœur que je considère cette nomination non pas comme une promotion mais comme une mission exaltante. Contrarient aux apparences, ce n’est ni un avantage ni un privilège. Bien au contraire, c’est une épreuve. Pour ton information, je n’ai entrepris aucune démarche pour cette nomination. Je n’ai pas pris un engagement politique quelconque. Ma mission n’est pas politique. Elle est technique. Elle ne sera pas au service d’un parti mais au service de la patrie.

Bref, j’espère que je me suis expliqué suffisamment pour que tu comprennes que je ne suis pas un ministre comme les autres. Comme tous ceux qui ont baissé l’échine pour obtenir un poste. Ceux-là  qui ont pris des engagements qui sont aux antipodes de la mission d’un ministre. La différence entre un ministre qui fait les pieds et les mains pour être nommé et celui à qui le chef fait appel pour l’aider à atteindre ses objectifs, cette différence est comme celle qui sépare l’Orient et l’Occident. Le premier est prêt à tout pour se maintenir. Le second n’hésitera pas un seul instant à jeter l’éponge s’il se rend compte que l’opacité a pris le dessus sur la transparence.

J’espère qu’après avoir lu ces lignes tu comprends pourquoi j’ai accepté ce poste. Ceci étant, laisse-moi te montrer l’autre facette de cette nomination. Ce fut pour moi une véritable initiation. Au soir de cette annonce,mon téléphone s’est vidé à cause du nombre excessif d’appels que j’ai reçus. A la fin, il a fallu filtrer les appels. J’ai confié mon téléphone à mon beau-frère. Lequel me disait qui est à l’appareil pour que je sache s’il fallait prendre ou le laisser gérer.

Dès le lendemain matin les gens ont commencé à rallier mon domicile. J’allais dire à l’envahir. Malgré l’interdiction de rassemblement, ils sont venus nombreuxcomme si c’était une cérémonie. Chacun venant avec son commentaire. Même les oncles qui m’ont jamais porté dans leur cœuront estimé qu’ils savaient que je devais être ce qui je suis devenu ce soir-là. Récompense, selon eux, de la soumission de ma mère à mon père.

Nous avons été si envahis qu’il a fallu mettre en place un service d’ordre. Désormais les entrées sont filtrées chez moi. Il n’en fallait pas plus pour créer un incident. Un de mes oncles maternels a très mal pris le fait que quelqu’un lui demande son nom et l’objet de sa visite chez moi. Il a fait un scandale, causant un énorme attroupement de badaudsdevant mon domicile. Absent des lieux, j’ai été alerté. Après quoi, je l’ai appelé pour le supplier de me pardonner.

Parmi ceux qui viennent, chacun pose son problème. Certains  pour aider leur fils à trouer du travail. D’autres demandent de l’argent pour se soigner. Certains ici. D’autres à l’étranger. Un seul m’a proposé un mariageavec sa fille. Estimant qu’il voulait le faire depuis longtemps et que cette promotion n’est qu’une coïncidence. Une proposition m’a faitsourire. Je me suis dit que si jamais la patronne des lieux se rendait compte de l’objet de sa visite, il se retrouvait dehors manumilitari. Car, comme l’a dit Woody Allen« Chez nous c’est moi le patron, ma femme est seulement celle qui prend les décisions ».

C’est par cet aveu que je termine ma lettre dont l’objectif était de justifier auprès de toi l’acceptation de manomination. Espérant que tu seras mon avocat auprès des autres amis, je te prie de transmettre mes salutations à ta petite famille.

Ton ami, le nouveau ministre.

Habib Yembering Diallo, joignable au 664 27 27 47

Toute ressemblance entre cette histoire et une autre n’est que pure coïncidence 

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