Libération des emprises des routes à Conakry : plusieurs boutiques et kiosques visés à Ratoma

72 heures ! C’est le délai qui a été donné depuis, mardi 25 janvier 2021, aux occupants des boutiques, magasins, kiosques, parkings, ateliers de coutures et autres qui sont contigus à la chaussée pour quitter les lieux avant les opérations de démolition qui visent à libérer les emprises de la route Kipé-Taouyah, dans la commune de Ratoma. Des agents sont déjà sur le terrain pour marquer au rouge les constructions concernées par la démolition.

Rencontré par un reporter de Guineematin.com hier, mardi 26 janvier 2021, certaines potentielles victimes de cette initiative des autorités de Conakry ont exprimé leur angoisse. Ils sont désemparés et se demandent aujourd’hui à quel saint se vouer pour éviter de perdre une partie de leurs concessions.

Voici quelques réactions !

Doyen Sékou Traoré

Doyen Sékou Traoré : « J’ai construit ici avec mes propres moyens au temps de Sékou Touré (le premier président qui a dirigé la Guinée entre 1958 et 1984). Mais, c’est la première fois qu’on met une croix sur ma maison, excepté au temps du président Lansana Conté, au moment où la route était en construction. Par après, ils sont venus enlever la croix, puisque ma maison n’était pas sur la route. Je suis malade et j’ai près de 30 personnes qui vivent ici, sans compter 15 de mes enfants. Quand on vient me dire de quitter dans les 72 heures, où est-ce que je vais aller ? En plus, personne n’est venu vers nous. Ils (les agents marqueurs) sont venus mettre les croix là sans avertissement. Je suis dans ma maison, si le gouvernement vient dire qu’il va m’enlever dedans, je laisse ça à Dieu ».

Emmanuel Delamou, artiste peintre

Emmanuel Delamou, artiste peintre : « c’est vraiment triste de voir démolir en un clin d’oeil des petites entreprises que les jeunes font pour gagner dignement leur vie. Je crois que depuis quelques années, c’est toujours comme ça. Ils viennent casser sans rien faire, juste pour fatiguer la jeunesse.

C’est le seul pays au monde où il n’y a pas un centre artisanal. Donc, nous nous battons pour donner de la valeur à cette activité. Si on n’a pas de subvention, au moins, qu’on nous laisse faire tranquillement nos activités. Mais, l’État vient démolir ces petites entreprises sans aucune mesure d’accompagnement.

Dans mon atelier, j’ai commencé déjà à tout vider ; parce que c’est dans leurs habitudes, le matin, à la première heure, ils peuvent venir casser. Alors, je ne veux pas prendre le risque avec cette situation. Après, c’est de traiter les jeunes de bandits. Moi, j’ai terminé mes études depuis 2014 et je me suis lancé dans l’entrepreneuriat juste pour éviter de me retrouver dans la rue, je n’ai reçu aucune aide de l’État, je me suis battu pour voler avec mes propres ailes et mettre en place cette entreprise qui me permet de prendre en charge ma famille. Donc, c’est la deuxième fois qu’on me fasse cela. Pour la première fois, j’étais à petit lac, ils ont marché sur mon petit container, sous prétexte que l’État a besoin de faire quelque chose. Mais, aller voir là-bas, il n’y a rien et les gens commencent à revenir petit à petit. C’est dans ses circonstances que je suis venu ici.

L’État doit savoir que c’est grâce à cette petite entreprise que je me suis marié, que je prends en charge ma famille. Je ne vais pas baisser les bras. Seulement, ce n’est pas bien ce qu’ils font, parce que c’est ce qui rend un jeune délinquant et bandit. Ils sont conscients que le chômage bat son plein. Le mieux, c’est de penser à cette jeunesse, encadrer ceux qui se sont lancés dans la bonne vie ».

Ibrahima Diakité, un jeune menuisier

Ibrahima Diakité, un jeune menuisier : « Cette situation nous préoccupe. On est inquiet depuis qu’ils ont mis la croix sur notre atelier, parce que nous cherchons notre quotidien ici. Ce qui fait plus mal, ils vont venir nous enlever sans rien faire comme travail sur place. Les agents sont juste venus cocher sans nous donner des explications. Donc, nous sommes là juste pour éviter de faire du mal à quelqu’un. Il y a des jeunes qui sont ici aussi et cette activité les aide à ne pas rester dans le quartier. C’est pourquoi, je me demande bien lorsqu’on nous enlève ici où on va aller. La situation est trop compliquée, puisque le délais donné est trop court ».

Mohamed Kaba Diaouné, cordonnier

Mohamed Kaba Diaouné, cordonnier : « Hier, dans la matinée, on a constaté les croix sur nos conteneurs, ça nous fait mal. Par contre, si c’est un principe qui participe au développement d’un État, c’est un acte salutaire, il faut qu’on se soumette aux lois. Mais, pour la plus grande majorité, les déguerpissements au bord de la route ne sont pas dans les normes. Parce qu’après démolition où est-ce que les victimes vont partir ? Il y a des pères de famille qui ont fondé leurs familles dans ça. Donc, pour éviter de faire beaucoup de dégâts, l’Etat devait construire d’abord des marchés dans des lieux sécurisés. Parce que faire quitter les gens ici, c’est créer beaucoup plus de chômage ; alors, l’État a l’obligation de suivre le quotidien, l’éducation, l’épanouissement de chaque individu dans ce pays ».

Ismaël Diallo pour Guineematin.com

Tel : 624 69 33 33

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