Mamadou Sylla n’est pas chef de file de l’opposition : « il fait une usurpation de titre », dit ADC-BOC

Honorable Dr Ibrahima Sory Diallo, président de l’ADC-BOC
Honorable Dr Ibrahima Sory Diallo, président de l’ADC-BOC

« Je ne reconnais pas Mamadou Sylla comme chef de file de l’opposition. Le statut de Mamadou Sylla en tant que chef de file de l’opposition souffre de légitimité. Lors de la dernière présidentielle, celui qui prétend être chef de file de l’opposition a été incapable de participer aux élections. Par contre, il s’engage à accompagner le président de la République ; donc, la majorité présidentielle. Il s’est mis dans un directoire de campagne d’une commune, Dixinn… Nous sommes contre ce titre. On ne peut pas se réclamer chef de file de l’opposition avec seulement 3 députés et lui. Il est en train de faire une usurpation de titre. Il mérite même d’être poursuivi », a dit Dr Ibrahima Sory Diallo qui s’est également prononcé sur la privation de visites des détenus politiques à la maison centre de Conakry et le déguerpissement des emprises des voiries en cours dans le grand Conakry.

Désigné chef de file de l’opposition avec seulement quatre députés (au soir du scrutin législatif du 22 mars dernier en Guinée), Mamadou Sylla, le président de l’UDG (union démocratique de Guinée) a encore du mal à assoir sa légitime au sein de ses pairs de l’opposition, même au sein de l’Assemblée nationale. Malgré ses récentes rencontres de prise de contact avec les institutions du pays et l’ouverture de son cabinet à des leaders politiques non élus, son statut de chef de file de l’opposition est toujours contesté jusque dans le bureau de l’Assemblée nationale. On lui reproche principalement des accointances avec le pouvoir, l’infime nombre de ses députés et sa non-participation à la dernière élection présidentielle en Guinée.

Dans un entretien accordé récemment à un reporter de Guineematin.com, l’honorable Dr Ibrahima Sory Diallo, le président de l’ADC-BOC a accusé Mamadou Sylla « d’usurpation de titre ». Ce membre du bureau de l’Assemblée nationale a aussi indiqué qu’il compte saisir la Cour constitutionnelle contre Mamadou Sylla à cause de ce statut qu’il s’est adjugé en violation de la loi.

Décryptage !

Guineematin.com : on apprend que vous ne reconnaissez toujours pas le statut de chef de fila de l’opposition attribué à Mamadou Sylla. Qu’est-ce qui motive ce positionnement ?

Honorable Dr Ibrahima Sory Diallo, président de l’ADC-BOC

Ibrahima Sory Diallo : je ne conteste rien. Je me base sur la loi. C’est une base juridique qui me permet de dire que je ne peux pas reconnaître l’homme en tant que chef de file de l’opposition. Mais, certainement je serai mal compris par ceux qui ne lisent pas ou par ses partisans. Qu’est-ce que je veux dire ? Il y a eu des élections législatives, tous les partis politiques ont compéti pour être à l’Assemblée nationale. La charte des partis politiques en son article 4, dit qu’après une élection législative, tous les partis politiques doivent faire une déclaration publique et officielle pour définir leur positionnement au ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation. Dans la même disposition, en son alinéa 2, il revient au bureau de l’Assemblée nationale de désigner le chef de file de l’opposition conformément aux dispositions constitutionnelles. Cela veut dire que le premier qui a eu plus de député, c’est bien lui (Mamadou Sylla). Mais, lorsqu’il ne respecte pas ce que dit la loi, ça veut qu’il n’est pas de l’opposition. Il est aussi dit dans l’alinéa 3 de la même disposition que le chef de file de l’opposition est le porte-parole attitré de l’opposition. Donc, par conséquent, il doit réunir tous les partis politiques ayant fait la notification de l’opposition avec copie à l’appui pour les convoquer afin de discuter pour la mise en place d’un cabinet. C’est ce que Mamadou Sylla n’a pas fait. Donc, je ne reconnais pas Mamadou Sylla en tant que chef de file de l’opposition à ce titre-là. Deuxièmement, le statut de Mamadou Sylla en tant que chef de file de l’opposition souffre de légitimité. Lors de la dernière présidentielle, celui qui prétend être chef de file de l’opposition est incapable de participer aux élections. Par contre, il s’engage à accompagner le président de la République, donc la majorité présidentielle. Il s’est mis dans un directoire de campagne d’une commune, Dixinn. Je parle sous le contrôle de ce directeur de campagne, monsieur Soumah, qui dit que le directoire dont il est à la tête a bénéficié de 250 tonnes de riz et que Mamadou Sylla lui seul a reçu 50 tonnes de riz. Et, ce dernier, qu’est-ce qu’il a fait, même un sac il n’a pas donné à quelqu’un. Lorsque celui qui se réclame être chef de file de l’opposition se comporte ainsi, il pense être le chef de file de quelle opposition ? Honorable Mamadou Sylla n’a pas été désigné par quelqu’un comme chef de file de l’opposition. C’est lors d’une plénière que nous avons entendu l’honorable Mamadou Sylla dire que l’Assemblée nationale prend acte du chef de file de l’opposition à Mamadou Sylla. Nous sommes contre ce titre. On ne peut pas se réclamer chef de file de l’opposition avec seulement 3 députés et lui. Nous souhaitons que Mamadou Sylla passe par le respect de la loi. Il est en train de faire une usurpation de titre. Il est en train de rencontrer les institutions alors qu’il n’a pas respecté les dispositions réglementaires, il mérite même d’être poursuivi. Il est dit que les contentieux doivent se régler autour de la cour constitutionnelle. La cour constitutionnelle règle les contentieux liés au chef de file de l’opposition. Donc, moi je le conteste. Je lui ai fait un écrit la dernière fois, il n’a pas répondu. Maintenant, je compte faire un écrit contre lui au niveau de la cour constitutionnelle pour que celle-ci dise si ce que je dénonce est conforme à la loi.

Guineematin.com : de plus en plus les détenus politiques voient leurs droits restreints. Aujourd’hui, ils ne sont plus permis de recevoir la visite de leurs proches et même de leurs avocats. En temps de leader politique, membre du bureau de l’Assemblée nationale, quelle analyse faite-vous de cette situation ?

Ibrahima Sory Diallo : si tel est le cas, ce n’est pas normal. Les autorités judicaires doivent rectifier le tir. Egalement, tous les détenus qui ne sont pas jugés, qui ne connaissent pas leur sort, la justice doit diligenter le jugement afin qu’ils soient situés et condamnés à la hauteur de leur forfaiture s’ils sont coupables. Mais, si on continue à garder les gens, je demanderai personnellement au président de la République d’instruire au près de son ministre de la Justice afin qu’il puisse diligenter ce jugement le plus rapidement possible. On ne peut pas continuer à garder les gens comme ça. Car, ça commence à salir l’image du pays. Lorsque les gens sont en prison et qu’ils sont rentrés sains et qu’on entend après que tel est décédé, tel autre est décédé, ça ne donne pas une bonne image au pays.

Guineematin.com : Est-ce que vous menez des démarches afin de faciliter la libération de ces détenus politiques ?

Ibrahima Sory Diallo : une fois qu’il y a un juge qui est saisi du dossier, l’Assemblée nationale est dessaisi. Personne ne peut mener des démarches tant que la justice ne termine pas son travail. S’il s’agissait des arrestations auxquelles le procureur n’est pas associé, le juge d’instruction n’a pas émis de mandat de dépôt, on allait faire une mission d’information. Mais aujourd’hui, à partir du moment où il y a un procureur, le dossier est instruit, on ne peut donc plus nous mêler. Cependant, par rapport aux actions politiques, on peut faire des annonces pour dénoncer par exemple la lenteur du dossier ; mais cela, c’est en dehors de l’Assemblée nationale. Donc, nous invitons toute la chaine pénale à diligenter au plus vite ce dossier des détenus politiques.

Guineematin.com : une opération de déguerpissement est en cours actuellement dans le grand Conakry. Plusieurs maisons et autres encombrants physiques sont en train d’être dégagés sur la route. Quelle appréciation vous en faites de cette situation ?

Ibrahima Sory Diallo : l’opération n’est pas mal en soit ; mais, c’est la forme qui est mauvaise. On devait aujourd’hui donner un plan d’aménagement pour chaque commune, pour chaque préfecture. Ce plan d’aménagement devrait être affiché partout : sur les panneaux publicitaires et autres supports de communication. Cela pour monter aux citoyens les actions qui doivent être menées. Comme ça, les gens pour lesquels on veut casser les maisons vont comprendre le programme. Maintenant, lorsque vous commencez à casser sans en informer les gens, on doit forcément s’attendre à des représailles. Seulement, comme la population guinéenne est mature, c’est pour cette raison que tout se passe bien sans aucune résistance. Cependant, il faut faire remarquer que cette campagne est en train de créer la précarité chez les citoyens. La preuve est que la plupart des citoyens ne parviendront pas à satisfaire leurs besoins. Et, cela constitue un danger. Parce que les gens dont les commerces ont été cassés, et qui ne travaillent plus, vous allez penser avoir créé des problèmes alors que vous en créés des problèmes plus graves. On devait plutôt étudier l’impact de ces casses, recenser les personnes qui seront dans la précarité et les accompagner. Je ne suis pas contre l’opération de déguerpissement, il faudrait qu’il y ait des mesures d’accompagnement.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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