« Nous demandons à l’Etat des enseignants professionnels, pas des clients », dit le maire de Koumbia

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba, maire de Koumbia
Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba, maire de Koumbia

A l’occasion d’un entretien qu’il a accordé à des médias dont Guineematin.com, le maire de la commune rurale de Koumbia s’est prononcé sur la situation de cette collectivité relevant de la préfecture de Gaoual. Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba a évoqué le constat par secteur et les mesures prises ou envisagées par son équipe pour améliorer la situation, loin d’être reluisante sur le terrain. C’est notamment le secteur éducatif qu’il considère comme étant abandonné. L’autorité communale déplore un manque d’enseignants et de bonnes infrastructures, et interpelle l’Etat mais aussi les ressortissants de Koumbia sur la question.

Décryptage !

Depuis fin 2018, vous êtes à la tête de la mairie de Koumbia, dans la préfecture de Gaoual. A votre prise de fonction, comment avez-vous trouvé cette commune rurale ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : je rappelle que Koumbia est une grande commune rurale. L’une des plus importantes en Guinée avec 29 conseillers élus pour une population estimée à près de 50 mille âmes. La superficie de cette commune rurale de Gaoual est de 2324 km2 pour une densité d’environ 25 habitants par km2. Sur le plan de l’élevage, Koumbia dispose de la moitié du cheptel national, composée essentiellement de la race Ndama. Cette commune compte quelques 200 mille têtes de bœufs sans compter les ovins et les caprins.

Donc à notre arrivée, nous avons mis en place 10 commissions de travail : agriculture, élevage, sécurité, éducation, environnement, santé, finances, … Et chaque commission dispose en son sein de sous-commissions. C’est dans ce cadre d’ailleurs, que nous avons constaté la présence de la fièvre aphteuse, une maladie qui avait commencé à tuer nos bêtes, et nous avons saisi le préfet sur la question. Et très vite, la maladie a été circonscrite et maîtrisée. Actuellement d’ailleurs, des équipes du département de l’élevage sont en place pour la campagne de vaccination.

Sur le plan de la santé, nous avons constaté un gros déficit. L’unique centre de santé est en reconstruction depuis 2015. Le Président de la République nous a offert un centre de santé amélioré mais les travaux de construction ont pris du retard. Nous avons cherché à rencontrer l’entrepreneur, en vain. Donc actuellement, ce secteur reste malmené puisque cet édifice attendu est à 80% réalisé depuis 2015 et on ne parle toujours pas de son équipement. Des localités qui ont la chance d’abriter de postes de santé se plaignent du manque de personnel et de médicaments. Voilà ce qui prévaut dans ce secteur à Koumbia.

Sur le plan environnemental, vu l’état de dévastation actuelle, le conseil communal a décidé de suspendre provisoirement la coupe du bois en attendant des mesures plus efficaces. Au niveau de l’éducation, la situation n’est pas du tout reluisante.

Nous allons revenir sur certains de ces secteurs pour parler des mesures envisagées par le Conseil. A présent, est-ce qu’on peut savoir les projets contenus dans le plan de développement local (PDL) de la commune pour cette année ?

Cette année, nous avons tiré de notre PDL, un plan d’investissement annuel (PIA) se chiffrant à près d’un milliard 400 millions de francs. Une société a payé ses taxes superficiaires 2018 en décembre pour un peu plus de 500 millions de francs et nous attendons pour 2019. Dans ce PIA, nous avons envisagé de construire un hangar pour le marché central de Koumbia, restaurer et relancer la radio rurale de Koumbia, clôturer le centre d’accueil…Et ensuite, nous avons demandé un diagnostic de tous les forages publics pour nous enquérir de leur état de fonctionnement. Il semble que 60% ne fonctionnent pas mais nous attendons le rapport final.

Il convient de souligner que pour cette année, un Fonds de Développement Local (FODEL) a été créé et il est financé par l’Agence Nationale de Financement des Collectivités locales (ANAFIC). Est-ce qu’on peut savoir les projets sélectionnés et soumis par le conseil communal à cette agence pour l’année 2019 ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : il faut saluer cette initiative du gouvernement. Pour 2019, en commun accord avec l’ANAFIC, nous avons sélectionné trois projets. Le premier portant sur une piste rurale comportant trois ouvrages de franchissement. Il s’agit de la route Koumbia-Kembéra, longue de 25 km. Kembéra c’est le grenier de Koumbia et mieux, c’est une route coloniale. Cet axe est impraticable en saison des pluies. En hivernage, la route est coupée. Les véhicules ne traversent pas et les gens se débrouillent avec des motos. En plus de cette piste, viennent s’ajouter la maison des jeunes et une école à Guidali.

A combien est estimé le financement de ces trois projets ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : non, on nous a juste demandé de sélectionner de notre plan de développement annuel trois projets qu’ils vont nous aider à réaliser. Pour nous, ces projets sélectionnés sont de grande importance pour les populations de Koumbia. S’ils sont réalisés cette année, ce serait un grand ouf de soulagement pour tout Koumbia.

Pour réaliser vos propres projets, il vous faut de l’argent. Comment comptez-vous procéder pour mobiliser les ressources locales mais aussi pour les sécuriser en vue de leur bonne utilisation ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : actuellement, nous avons en banque plus de 500 millions de francs guinéens. Nous attendons le paiement de l’AMC pour 2019 peut-être en février et d’autres sociétés minières.

Comme la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG) par exemple ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : c’est différent. Avec la CBG, la convention qui la lie à l’Etat guinéen fonctionne autrement. La CBG ne nous verse aucun franc. Elle nous contacte et nous informe des projets validés par le conseil d’administration. Elle nous envoie la liste et nous confirmons ce qui nous concerne. On sélectionne les entrepreneurs et ils font le travail. Cela, sans que nous ne sachions le montant alloué ou qui revient réellement à la collectivité. Ce que nous voyons, c’est le contenu des cahiers de charge. Je pense que c’est une chose à revoir, puisque les projets réalisés laissent à désirer pour la plupart des cas. Les forages n’ont pas d’eau ; dans certaines écoles, les installations ne sont bien faites, le matériel ne correspond pas aux besoins, sinon même obsolète. Je pense qu’il faut voir comment améliorer tout cela avec la CBG.

A part la contribution des sociétés minières, est-ce qu’il y a d’autres sources de revenus pour votre collectivité ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : pas beaucoup. Puisque nous n’avons pas assez d’activités génératrices de revenus. Nous comptons par exemple sur le parc à bétail. Tous les dimanches, nous avons un marché de bétail. Chaque animal payait 5000 francs guinéens. Si vous multipliez cela par 200 bœufs, vous n’avez qu’un million de nos francs. Dans le mois, vous avez 4 millions. Alors, quand je suis venu, j’ai décidé de rehausser ces taxes à 10 000 par animal et par vendeur et proposer 15 000 par animal et par acheteur. Cela a fait des cris. Les discussions sont ouvertes, je pense qu’on va s’entendre. Actuellement, toutes les hypothèses sont sur la table. Je proposerai même de louer le parc à l’union des éleveurs et des bouchers pour qu’à la fin de chaque mois, ils nous versent un montant acceptable.

On apprend que vous avez proposé aussi de bâtir une clôture pour sécuriser ce marché à bétail.

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : bien sûr. Dès notre arrivée, nous avons bâti un quai d’embarquement à 6 millions 500 mille francs. Et nous envisageons de faire une clôture et un bureau pour les vétérinaires à partir des taxes qu’ils vont nous verser. La clôture qui était là était en bois puis en barbelé. Ce qui ne tient plus. Nous voulons que ce parc soit clôturé en dur en vue de sécuriser les bêtes et empêcher que les animaux malades ne soient mélangés à ceux qui sont bien portant.

A l’entame de vos propos, vous avez souligné avoir entrepris des démarches pour contrer la fièvre aphteuse. Qu’avez-vous fait réellement pour empêcher sa propagation ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : c’est d’abord de circonscrire la maladie. Nous avons interdit pour un premier temps de recevoir au marché de bétail, les bœufs en provenance de Kembéra et environs. Puisque c’est par là-bas que la maladie avait commencé à se propager. Après, nous avons informé les autorités pour que des dispositions soient prises. Actuellement, des vaccins sont disponibles et les équipes de vétérinaires sont sur le terrain pour faire le travail.

Il faut rappeler également que le secteur éducatif ne se porte pas bien. Quelles sont les mesures que vous avez envisagées à ce niveau ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : c’est un secteur abandonné. J’ai été au collège-lycée de Koumbia, c’est incroyable. Ce que j’ai vu sur le terrain est révoltant. Les parents d’élèves ont démissionné et l’école est en panne. Il n’y a pas d’enseignants presque partout. Au collège-lycée, il y a un manque de 8 enseignants au total. Sans compter que dans les écoles primaires, c’est encore plus sérieux. Donc j’ai convoqué une réunion avec les parents d’élèves et le personnel enseignant. Nous avons décidé que chaque parent versera 10 000 francs par personne et par mois pour payer les contractuels. Et la commune va compléter le reste.

L’année dernière, Koumbia n’a eu qu’un seul admis au Bac. Ce n’est pas acceptable. Je demande à tous les jeunes diplômés sans emploi qui sont dans les villes, de revenir apporter un coup de main à leurs frères et sœurs, en attendant que le problème soit résolu. A l’Etat, nous demandons des enseignants professionnels et pas des clients. Ceux ne sont pas formés pour enseigner, s’ils sont recrutés à la fonction publique, c’est pour tout de suite changer de département et aller ailleurs. Ils refusent de rejoindre leur poste d’affectation et ils n’encourent aucune sanction. C’est ce qui encourage les autres à les imiter et aujourd’hui, notre système éducatif est malade. Mais à Koumbia, nous avons décidé de faire face à ce problème. Nous demandons l’aide de tout le monde pour relever le défi qui est colossal.

La commune rurale de Koumbia est confrontée aussi à un sérieux problème environnemental, avec la coupe abusive des bois. Qu’avez-vous envisagé pour faire face à cette situation ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : il faut le reconnaitre, tout est rasé à Koumbia. Tous les gros arbres et maintenant même les arbres à petit diamètre n’échappent pas aux tronçonneuses. Le conseil communal a décidé de suspendre la coupe du bois jusqu’à nouvel ordre. Nous voulons voir clair et identifier tous les coupeurs de bois. Après, nous envisageons des mesures de reboisement. Nous encourageons les jeunes et les femmes à se constituer en ONG pour restaurer les berges et les têtes des cours d’eau.

Récemment, vous avez rencontré des ressortissants de votre collectivité. De quoi il a été question au cours de cette rencontre ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : nous avons dit qu’on va bâtir un hôtel de ville. Le terrain est là, c’est le camp de marié. Les militaires vont déménager et aller dans leur domaine à Thiankoun N’Diaré. Egalement, nous entendons relancer la radio rurale de Koumbia. Elle sera dotée d’un statut, et puis nous allons l’équiper. Déjà, nous avons contacté le ministre de la communication et nous avons été bien compris. Le projet de relance avance bien. Nous voulons payer dans les meilleurs délais un émetteur de 500 ou 600 watts et puis la rénovation des locaux, la construction d’un studio et son équipement vont bon train.

En plus de ce projet qui nous tient à cœur, il y a l’implantation d’une banque à Koumbia. Nous sommes sur les démarches. A l’image des MUFFA (Mutuelle des femmes africaines), nous sommes en discussion avec la LC2 banque. Le Conseil d’administration est recruté et les gens commencent à faire le dépôt. Ça avance bien à ce niveau également.

Nous arrivons au terme de cet entretien, quel message avez-vous à lancer à l’endroit des ressortissants de Koumbia ?

Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : c’est un message patriotique. Koumbia est chez nous. Où que vous soyez à travers le pays, en Afrique ou ailleurs, participez au développement de notre commune rurale. Elle a besoin de nous tous pour son épanouissement. Des dispositions sont prises pour faciliter la communication entre la municipalité et les ressortissants qui ont le droit d’être informés de tout ce qui se passe sur le terrain. Je sais qu’ils ne vont plus tarder à réagir et à soutenir les actions de développement de notre commune, chacun dans son domaine de prédilection. Ce que j’ai cité dans cet entretien, n’est pas exhaustif. Je rappelle qu’à Koumbia, depuis l’installation de l’exécutif communal, nous travaillons en symbiose, il n’y a pas de partis politiques ou de militants d’un parti. Ce sont les fils et filles de Koumbia qui sont là pour toutes les populations. Nous appelons chacun d’œuvrer au maintien de ce climat de paix, de concorde et de cohésion sociale.

Interview réalisée par Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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