Pour ou Contre l’excision ? Un débat passionnant organisé à Conakry

Aminata Pilimini Diallo, journaliste, web feministe et initiatrice de la rencontre

C’est un face à face houleux qui a eu lieu ce samedi, 9 janvier 2021, à Conakry. D’un côté, les partisans de l’excision ; et de l’autre, ceux qui sont opposés à cette pratique qu’ils considèrent comme étant néfaste pour la santé des filles. Avec ses arguments, chaque camp a défendu sa position dans un débat passionnant mais courtois, a constaté un reporter de Guineematin.com qui était sur place.

Aminata Pilimini Diallo, journaliste, web feministe et initiatrice de la rencontre

Cette table ronde a été organisée par la journaliste et Web féministe Aminata Pilimini Diallo, avec le soutien de ses partenaires. Selon elle, cette initiative est partie d’un constat personnel qui démontre que cette question suscite beaucoup d’intérêt au sein de la société guinéenne. « Depuis 2015, je parle de l’excision sur les réseaux sociaux. Et, j’ai constaté que c’est un sujet qui est beaucoup débattu et ça intéressait beaucoup plus de gens même par rapport au viol. Du coup, j’ai décidé de faire un projet sur ça et il y a eu des partenaires qui ont voulu m’accompagner », a-t-elle expliqué.

 

C’est ainsi que l’activiste des droits des femmes a lancé un appel à candidature pour la participation à ce débat entre pro et anti excision. Et, à l’issue de ce face à face riche en arguments, l’initiatrice a exprimé sa satisfaction. « Le débat s’est bien déroulé : personne n’a manqué de respect à l’autre, chaque camp a avancé ses arguments. C’est une satisfaction pour moi qu’on ait organisé un débat sur un sujet qui est tabou. On a fait intervenir aussi via WhatsApp une femme qui est Docteur en droit islamique et un médecin qui ont tous les deux démontré les inconvénients de cette pratique. L’idéal dans le débat, c’était de convaincre ceux qui sont pour l’excision à changer de mentalité… Et, tout le débat était en direct sur Facebook. Une manière de faire comprendre que l’excision n’est pas une bonne pratique. Et ce n’est pas non plus une pratique religieuse comme le pensaient certains », a dit Aminata Pilimini Diallo.

Kadiatou Touré, journaliste activiste est contre l’excision

Engagée dans la lutte contre l’excision, la journaliste Kadiatou Touré a participé à ce débat. Elle a fondé son argumentaire sur les résultats d’une enquête qu’elle a menée il y a quelques années sur cette pratique en Guinée. « Je me suis intéressée à ce sujet il y a quelques années, et j’ai eu a réalisé un film documentaire sur cette pratique. Je me suis rendue compte que cette pratique à plus d’inconvénients que d’avantages. J’ai compris que nos parents continuaient à pratiquer l’excision parce qu’ils pensaient qu’il fallait initier leurs enfants, leur apprendre à se comporter dans la société.

 

J’ai encore compris qu’aujourd’hui, l’excision est pratiquée sans l’initiation. Lors de mes enquêtes, j’ai trouvé qu’il y avait une jeune fille de 5 ans qui a perdu la vie à Guéckédou parce qu’on l’a excisée. Et, il y a des enfants qui naissent avec des hématomes parce que leurs mamans ont souffert pendant l’excision. Ils font les crises d’épilepsie, après on va dire que ce sont les enfants qui sont avec des Djinns, alors qu’ils ont eu des traumatismes pendant l’accouchement », a-t-elle expliqué, avant de souhaiter l’abandon total de cette pratique.

Ibrahima Mansaré, chercheur en étude islamique est pour l’excision

De son côté, Ibrahima Mansaré, chercheur en études islamiques, a défendu la position contraire. Pour lui, si l’islam n’a pas interdit l’excision, c’est que cette pratique n’a pas d’inconvénients sur la santé des filles. « Ce débat, je le traite sous trois angles. C’est-à-dire sur les côtés religieux, culturel et scientifique. Par rapport à la religion, dans tous les livres de jurisprudence, vous trouverez un chapitre qui traite de cette question (l’excision). Cela veut dire que l’islam a un regard sur ça. Si Dieu qui a créé la femme et qui connait ses conditions de vie savait que cette pratique était dangereuse pour la vie et la santé de la femme, le prophète allait nous dire cela.

 

Si vous voyez que le prophète ne l’a pas interdit, c’est que cela n’a pas d’inconvénients sur la vie de la femme, comme le prétendent certains. Secundo, quand on prend le côté historique et culturel, vous trouverez que c’est une pratique qui existe depuis des années dans notre société. Mais l’espérance de vie et la santé des Hommes d’avant notre époque étaient beaucoup plus que ce que nous connaissons aujourd’hui. Donc, pour moi, la raison des problèmes de santé qu’on a avec nos jeunes filles se trouve ailleurs », a dit cet autre participant.

 

L’organisatrice de cette table ronde compte multiplier ce genre de débat pour favoriser un changement de mentalité par rapport à cette question sensible en Guinée, pays qui occupe le deuxième rang mondial des Etats qui pratiquent l’excision.

Malick Diakité pour Guineematin.com

Tel : 626-66-29-27

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