Propos de l’imam de Kindia, accords politiques, Port Autonome… Ce qu’en dit le président du GOHA

Chérif Mohamed Abdallah, président GOHA

L’actualité nationale est toujours dominée par les propos jugés « ethnocentristes » de l’imam de Kindia et le « bradage » du Port Autonome de Conakry à l’entreprise Turque Albayarak. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com hier, mercredi 22 août 2018, Cherif Mohamed Abdallah, président du Groupe Organisé des Hommes d’Affaire (GOHA) est revenu sur ces sujets et sur bien d’autres.

Guineematin.com : comment avez-vous accueilli la prise de position de l’imam de Kindia qui a dit son opposition face à l’installation d’un maire qui n’est pas originaire de la région ?

Cherif Mohamed Abdallah : comme vous le savez, nous sommes très surpris et très déçu par rapport aux propos de cet imam de Kindia. Nous, nous ne nous attendions pas à ce genre de propos de la part d’un imam. Mais, ce n’est pas étonnant parce que les politiques et la société civile laissent les imams s’ingérer dans la politique comme s’ils devaient le faire.

A travers le pays, c’est connu. Donc, tout ce que je vais dire à l’ensemble des citoyens de Kindia et à l’ensemble des musulmans du pays, c’est de ne plus accepter de prier derrière cet imam, parce qu’il ne le mérite plus. En tout cas moi personnellement, je ne prierai plus derrière cet imam. Parce que, quelqu’un qui cherche à faire des divisions ethniques, il est carrément sorti de la religion islamique. Parce que, l’Islam interdit ça totalement. Nous le savons, le premier muezzin de l’islam était un noir. C’est parce que le prophète Mohamed (Paix et Salut sur lui) avait interdit de parler… Donc, si quelqu’un qui se dit imam cherche à faire des divisions ethniques dans le pays, la première personne pour moi qui devrait réagir et le sanctionner tout de suite et donner l’exemple, c’est le président de la République.

En deuxième position, c’est le secrétariat général des Affaires religieuses qui doit le sanctionner. A défaut de ça, les citoyens doivent le sanctionner en n’acceptant plus de s’arrêter derrière lui pour faire la prière en République de Guinée. C’est tout. En le faisant, ils donneront un signal aux imams qui veulent rentrer dans la politique. Le rôle des imams, ce n’est pas la politique, mais c’est de rassembler tous les citoyens du monde. Et, ils doivent savoir que personne n’est étranger en Guinée. Je donne un exemple simple : si vous regardez la Guinée, depuis l’indépendance, le premier président de la Guinée n’est pas originaire de Conakry ; mais, ça ne lui a pas empêché d’être à Conakry et d’être président de la République de Guinée ! Le deuxième, Lansana Conté n’est pas originaire de Conakry, il est de Boffa, mais ça ne l’a pas empêché de diriger la Guinée. Le troisième, il était de la Guinée Forestière, mais ça ne l’a pas empêché d’être à Conakry. Celui qui est là présentement, il n’est pas de la région de Conakry, mais ça ne l’a pas empêché de diriger la Guinée. C’est parce qu’ils ont la nationalité guinéenne, qu’ils ont dirigé le pays. Personne n’est étranger sur cette terre. Partout où on peut respirer, on est chez soi. Ce sont les hommes qui dirigent, mais Dieu a créé la terre pour les hommes. Donc, nul n’est étranger sur cette terre.

Guineematin.com : l’autre actualité, c’est la cession d’une partie du Port Autonome de Conakry aux turcs. Vous qui êtes président du GOHA, vous êtes forcement concernés par ce qui se passe au Port. Quelle lecture faites-vous de cette actualité ?

Cherif Mohamed Abdallah : nous sommes très étonnés par rapport à ce qui se passe au Port Autonome de Conakry ! D’abord, la directrice générale du port autonome, était secrétaire générale du ministère du Commerce. Elle, c’est une amie à nous, c’est une amie au GOHA, on a travaillé beaucoup ensemble. On a fait des conférences, nous avons même organisé des réceptions dans les grands marchés de Conakry, une chose qu’on n’a jamais fait pour un cadre dans ce pays. Donc, si elle signe ce contrat, sans au moins nous informer, je pense que c’est très étonnant. Si vous voyez qu’elle revendique d’être informé, c’est parce que le Port Autonome de Conakry n’appartient pas à quelqu’un, il nous appartient tous. Il doit y avoir de la transparence. On signe des contrats sans qu’il n y ait de la transparence, sans que les commerçants, ces opérateurs économiques ne soient informés. Nous, on ne va pas s’opposer à ce que ce port soit donné à des sociétés valables, dignes de nom pour pouvoir travailler. Mais à condition que cela ne puisse compromettre les anciens travailleurs, que cela ne soit pas un facteur pour amener les nouveaux responsables à licencier les travailleurs. On ne connaissait pas la société qui a pris le port, on ne connaissait pas comment elle fonctionne. Cette société n’est pas aussi connue que ça. Puisqu’on ne connait pas la société, on ne sait pas comment elle a obtenu ce contrat. C’est pourquoi nous disons que nous sommes étonnés. Mais, on ne va pas prendre de position d’abord tant qu’on ne lit pas le contrat. Et, nous pensons que la direction générale du port va nous remettre officiellement le contrat. Si nous ne recevons pas officiellement le contrat en tant qu’organisation, et on cherche nous même à obtenir le contrat, on va le lire. Et, on va faire notre opinion et on va agir conséquemment.

En ce moment, personne ne pourra nous faire reculer quand on va prendre des décisions pour agir. S’il s’agit d’agir et aller avec le syndicat, on ne va pas hésiter un seul instant à le faire. S’il s’agit d’agir aussi pour soutenir l’idée de l’Etat, mais s’il ne nous a pas donné des informations, on va le faire. De toutes les façons, nous nous travaillons pour l’intérêt des guinéens. Ce qui se passe au port nous concerne, ça concerne les opérateurs économiques. Parce que s’il y a des mouvements au port : grèves et tout ce qui s’en suit, ça nous retarde au niveau de l’importation et au niveau de l’exportation. Ça nous fait perdre de l’argent et de la confiance au niveau des banques, au niveau de nos fournisseurs et au niveau de nos clients. Dans tous les sens, les opérateurs économiques sont concernés. Jusqu’à l’heure où je vous parle, aucune autorité du port, aucune autorité du ministère des Transports et même le syndicat n’a pas informé le GOHA officiellement. C’est pourquoi, nous sommes à l’écoute, nous sommes entrain d’observer. Si nos intérêt sont touchés et ça continue comme ça, on va agir et on va agir sérieusement. Et, l’opinion nationale et l’opinion internationale va comprendre que les intérêts des opérateurs économiques sont touchés. Pare ce quand on commence à agir, ça va être chaud et ça va se ressentir.

Guineematin.com : vous dites que si vos intérêts sont menacés vous allez agir. Qu’est-ce que vous allez faire comme actions ?    

 Cherif Mohamed Abdallah : nous avons plusieurs manières d’agir. Si nos intérêts sont menacés, nous allons demander à tous les opérateurs économiques de bloquer toute importation en destination de la Guinée jusqu’à ce que la situation soit claire. Et, soyez sûr que quand on le demande, ils le feront. Et, ceux qui vont refuser, on va demander à tous ceux qui détiennent la chaîne de distribution de refuser d’acheter avec eux. Donc, de toutes les façons, on a plusieurs leviers et personne ne peut contredire cela.

Guineematin.com : six mois après la tenue des élections locales, mouvance et oppositions viennent de trouver une solution sur les communes qui faisaient objet de contentieux. Ainsi, ils ont signé un accord politique qui prend en compte l’indemnisation des victimes de pillages. Comment vous, les opérateurs économiques, avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Cherif Mohamed Abdallah : nous faisons partie de ceux qui ont encouragé et félicité non seulement l’opposition républicaine, mais aussi la mouvance présidentielle pour l’apaisement qu’il y a eu parce que sans l’apaisement, on ne peut pas s’entendre sur quelque chose. Mais, nous restons très vigilants parce que nous commençons à sentir que les intérêts des opérateurs économiques ne sont pas bien défendus dans lesdits accords. Soyez-sûr que nous allons agir, car on ne peut rester assis qu’on nous parle politique seulement ou de l’installation de ceci ou cela, alors que les opérateurs économiques ont été victimes de pillages par rapport à ces évènements et ces activités politiques.

Donc, les politiciens de tous bords doivent prendre le dossier des opérateurs économiques victimes de pillages et les mettre devant. Si les dossiers des opérateurs économiques ne sont pas mis devant, soyez sûrs que ces accords-là seront du vent comme toujours. Parce qu’il faut qu’on prenne les opérateurs économiques au sérieux. Nous avons fait des travaux de recensement sérieux, nous avons dépensé des milliards pour soulager les opérateurs économiques victimes de pillages à tous les niveaux, nous avons fait des sensibilisations pour calmer le terrain. S’il n’y avait pas la paix, qui allait parler des élections ? Donc, ce n’est pas le résultat des élections qui est intéressant. C’est l’environnement que nous avons créé pour qu’il y ait la paix et faciliter la tenue des élections qui est important. Et, personne ne peut nier, c’est nous qui avons contribué à cela sur le terrain. Donc, on doit prendre les opérateurs économiques et leur dossier au sérieux en le mettant carrément devant. En tout cas, nous suivons les politiciens dans leur ensemble. Il n’y aura pas de démagogie et il n’y aura pas de cadeaux, si nos intérêts ne sont pas bien défendus, nous allons réagir conséquemment.

Guineematin.com : avez-vous un dernier mot à placer ?

Cherif Mohamed Abdallah : je demande à tous les guinéens de ne jamais écouter les gens qui cherchent à nous diviser. Nous sommes condamnés à vivre ensemble dans ce pays. J’ai vu récemment les attaques dirigés contre monsieur Ousmane Kaba. Puisqu’à un moment il avait fait du bien pour protéger les opérateurs économiques au niveau de Kankan afin d’éviter qu’ils ne soient attaqués, nous avons attirés l’attention de tout le monde sur le bien fait qu’il a fait. Encore, il y a Elhadj Cellou Dalein Diallo qui a été attaqué ! Personne ne peut nier qu’Elhadj Cellou Dalein Diallo est un patriote par excellence. Je ne fais pas de la démagogie, si Elhadj Cellou Dalein Diallo a accepté les résultats des élections de 2010, c’est parce qu’il est patriote. Car, s’il ne les avait pas accepté, le pays allait être en crise et à sang. Donc, aucun guinéen ne doit oublier cet acte d’Elhadj Cellou Dalein Diallo. Donc, ce sont ces genres d’actes que Docteur Ousmane Kaba a fait, qu’Elhadj Cellou Dalein a fait qu’on doit saluer. Nous avons une expérience de plus de 15 ans maintenant sur le terrain, nous connaissons tout le monde, nous connaissons ce que chacun a fait. Donc, à un moment donné nous pouvons dire halte, à un moment donné nous pouvons engager des procédures en tant qu’organisation de défense des droits de l’homme pour dire halte à ceux qui le font. Parce que, nous allons alerter nos partenaires qui sont les membres des organisations de défense des droits de l’homme à travers le pays.

Propos recueillis et décryptés par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. (00224) 621 09 08 18

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