Réformes au sein du barreau, difficultés rencontrées : le bâtonnier Me Djibril Kouyaté à Guineematin

Me Djibril Kouyaté
Me Djibril Kouyaté, ancien président du Conseil de l’ordre national des avocats de Guinée

Il y a de cela 7 mois depuis qu’un nouveau bâtonnier a été porté à la tête de l’ordre national des avocats de Guinée. Il s’agit de maître Djibril Kouyaté, qui a remplacé maître Mohamed Traoré en fin novembre dernier. L’avocat a accordé une interview à Guineematin.com, la première depuis sa prise de fonction. Me Djibril Kouyaté est revenu sur les réformes et actions qu’il a engagées à la tête du barreau de Guinée et les difficultés qu’il constate sur le terrain.

Décryptage !

Guineematin.com : cela fait 7 mois exactement depuis que vous avez été porté par vos pairs à la tête du barreau de Guinée, c’était le 21 novembre 2018. Depuis, qu’est-ce que vous avez entrepris comme réformes et comme actions à la tête de l’ordre des avocats de Guinée ?

Me Djibril Kouyaté
Me Djibril Kouyaté

Me Djibril Kouyaté : les nouvelles réformes, comme vous le constatez, j’ai réussi à ce que le tableau soit imprimé. Cela faisait belle lurette que nous n’avions pas de tableau, et nous avons pu, cette année, imprimer le tableau comme la loi 014 le veut. On a pu faire aussi une bonne recette sur le plan de la cotisation. Les avocats, dans leur majorité écrasante, ont payé leurs cotisations. Ça, c’est une des réformes. Pour ce qui est du payement de la cotisation, je crois qu’on a réussi un exploit de ce côté-là.

Donc, les autres réformes, sur le plan de la coopération, j’ai ravivé nos relations avec certains barreaux comme le barreau de Paris et celui de Versailles. Je suis maintenant en rapport avec le Maroc. Et, j’ai rencontré le ministre de la justice du Maroc qui était ici en visite. Sous la recommandation de maître Cheick Sako, ancien ministre guinéen de la justice, j’ai rencontré le ministre marocain, nous avons diné deux fois. Le Maroc est prêt à nous octroyer des bourses de formation. Et, comme je l’ai dit au début de mon élection, ce qui m’intéresse de plus, c’est la formation des jeunes avocats.

Sur ce terrain, je me bats énormément. Vous savez, un avocat sans formation professionnelle, est un danger pour les clients. Parce que ce sont les règles de déontologie qui assurent la sécurité dans nos rapports avec les clients. Un avocat qui méconnaît les règles de déontologie ne peut pas avoir des rapports sereins, des rapports honnêtes avec son client. Donc je suis en train de me battre sur ce terrain. J’avais obtenu deux bourses pour la France, et je reste en contact avec l’organisme qui nous avait octroyé ces bourses. Il y a aussi deux avocats qui doivent aller en formation de juillet à Août.

Je suis aussi en négociations poussées avec le directeur du centre de formation judiciaire parce que je veux que les avocats stagiaires retournent sur les bancs. Qu’ils ne se contentent plus de rester dans les cabinets d’avocats, à aller dans les salles d’audience, demander le renvoi des affaires, faire les courses de leurs maîtres de stage. Désormais, je suis en train de me battre pour qu’ils reviennent suivre les cours normaux au centre de formation, en application du décret 037 de 2004. Donc à défaut d’avoir eu des locaux au niveau de l’université, je suis en discussions poussées avec le directeur du centre de formation.

Nous sommes en train d’élaborer un programme pédagogique, chercher aussi le financement pour permettre aux avocats stagiaires d’être formés. Aussi, je suis en discussion avec « Afrique et Droit », une association de juristes français qui a l’habitude de venir ici pour des sessions de formation. Je leur ai envoyé hier un programme pédagogique, je n’ai pas encore le rythme, mais ils se proposent de venir ici à la mi-novembre. Le barreau de Paris viendra aussi dans la 3ème semaine du mois de juillet. C’est ce qui m’a été promis lors de mon dernier voyage avec madame le bâtonnier de Paris. Nous allons discuter beaucoup de choses, mais ce qui sera au centre, c’est la formation.

Il y a aussi la CARPA (Caisse de Règlement Pécuniaire des Avocats). Là, nous sommes très en avance. Nous avons déjà une banque prête. On a toujours une réunion avec les représentants de cette banque. On va bientôt ouvrir le compte, on va créer l’association la CARPA. Ça sera vraiment une réforme parce que c’est ce qui permet de sécuriser les fonds que les avocats reçoivent des clients. Les fonds des clients seront sécurisés par la CARPA. Les fonds ne seront plus maniés par les avocats, mais ils vont directement sur le compte CARPA.

Donc, je suis sûr que si on réussit cela, ça serait une bonne chose. En même temps, le compte va produire des intérêts. Parce que jusqu’ici nous vivons que des cotisations. Mais avec les intérêts que la CARPA va produire de plus en plus, je crois que nous serons autonomes. Parce qu’on attend depuis longtemps la subvention de l’Etat, qui semble ne pas venir. Donc on ne va pas se mettre à attendre encore sans chercher des sources de revenus.

Guineematin.com : quelles sont les difficultés que vous rencontrez le plus souvent dans l’exercice de vos fonctions ?

Me Djibril Kouyaté : les difficultés que je rencontre, c’est sont les mauvaises habitudes qui se sont créées dans l’exercice de la profession. Les avocats qui se sentent déjà bien installés sont très souvent très paresseux. Ils ne vont pas aux audiences, ils envoient leurs assistants. Donc, quand on vient dans les audiences, il y a une certaine anarchie. Un avocat ne peut pas venir à la barre comme ça, entrer dans un dossier par effraction. Il faut qu’on corrige ça. Les principes essentiels qui régissent la profession sont méconnus par beaucoup d’avocats. Parce qu’ils n’ont pas eu la chance d’être formés. Il y a souvent des manques à la probité, le manque de devoir de délicatesse. Le principe de confraternité n’est pas aussi très respecté. Donc, ça, c’est des problèmes qu’il faut chercher à résoudre.

Guineematin.com : on sait que les avocats se plaignaient aussi du comportement des Officiers de Police Judiciaire (OPJ) qui les empêchaient souvent de rencontrer leurs clients pendant l’enquête préliminaire. Il y a même eu quelques fois des avocats qui se sont plaints ici de violences verbales et physiques à leur égard. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Me Djibril Kouyaté : entre les OPJ et nous, je ne peux dire que c’est le parfait amour. Mais depuis que je suis là, il n’y a pas eu de problème majeur entre eux et nous. Peut-être que j’ai cette chance parce que jusqu’ici il n’y a pas eu d’accrocs entre nous.

Guineematin.com : tout à l’heure, vous avez dit que la majorité écrasante des avocats ont payé leurs cotisations pour cette année. Mais, il y en quand même qui ne l’ont pas fait. Quelles sont les sanctions que le barreau peut infliger à ces derniers ?

Me Djibril Kouyaté : c’est d’abord les défendre de plaider. Cette année, j’ai eu à prendre deux arrêtés d’interdictions. Si vous remarquez, même si vous partez au tableau de la Cour d’Appel de Conakry, il y a des noms, je crois une dizaine d’avocats, qui sont interdits de plaider.

Guineematin.com : avez-vous un dernier mot ?

Me Djibril Kouyaté : je demande à la presse d’être à mes côtés. Je ne suis pas un avocat médiatisé, je ne dis pas que je me méfie des medias, mais je suis incapable de contrôler les médias…Je préfère poser des actes et c’est après avoir posé des actes que le constat se fait et que tout le monde sera mis au courant. Je ne fais pas des effets d’annonce, je suis très méfiant là-dessus.

Entretien réalisé par Saidou Hady Diallo pour Guineematin.com
Tél. : 620 589 527/654 416 922

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