Un régime fiscal et douanier pour RUSAL : « la Guinée est perdante sur toute la ligne »

L’Assemblée nationale de la République de Guinée a adopté hier, vendredi 16 juin 2017, un nouveau régime fiscal et douanier favorable à l’usine de bauxite Friguia, détenue par la compagnie RUSAL, en Guinée depuis 2001.
Mais, avant d’arriver au vote, les débats ont été houleux entre les députés opposés à de nouvelles concessions en faveur de la compagnie russe et ceux qui en sont favorables, avec l’argument de satisfaire la demande des cent mille compatriotes qui vivent dans la ville de Fria quoi que devenus exposés aux caprices des responsables de Friguia.

Avant même l’ouverture des débats sur le dossier, le doyen Elhadj Ibrahima Sila Bah a dénoncé « les pleins privilèges accordés à RUSAL ». Selon le président du PGRP, « RUSAL attend toujours de mettre le couteau à la gorge de la Guinée pour demander de négocier ». En conclusion, estime t-il, « cette convention est gagnant-perdant. Et, c’est la Guinée qui est la perdante sur toute la ligne ».

Pour des questions populistes et électoralistes, nous acceptons de sacrifier l’avenir de la Guinée

Pour sa part, Aboubacar Soumah, récemment démissionnaire de l’UFDG estime qu’au lieu de parler d’une reprise de l’usine Friguia, RUSAL devrait construire une raffinerie d’alumine à Boké pour valoriser les mines de Dian Dian (les plus riches au monde), selon l’annexe 12 de la convention. « Nous avons abandonné cet accord au profit de la reprise de Friguia. Dans le même cadre, cette société a soumis à la Guinée un nouveau régime fiscal et douanier où la Guinée n’a rien à gagner. Pour des questions populistes et électoralistes, nous acceptons de sacrifier l’avenir de la Guinée. Quel avantage la Guinée peut-elle tirer d’un tel accord ? », demande finalement l’honorable Soumah au ministre des Mines.

De son côté, Elhadj Abdoulaye Diouma Diallo de l’UFDG, troisième Vice-président de l’Assemblée nationale dénonce en substance « le trop de facilités accordées à RUSAL pour la relance de l’usine Friguia. La contribution forfaitaire de Friguia, l’accord précise que RUSAL paiera 950 millions l’an contre 2 milliards 300 millions à la relance avec une production de 650 mille tonnes ».

Aboubacar Sylla, le leader de l’UFC qui n’entend pas réveiller les morts « ne cherchera pas à savoir de par qui la faute est arrivée dans l’affaire Friguia, l’essentiel, dit-il est de chercher à relancer les activités de l’usine. On n’a pas anticipé ; sinon, on ne serait pas là. Ce qui a amené le gouvernement à faire des concessions à n’importe quel prix ».

Connaissant cette usine, cet élu du peuple « veut savoir si le partenaire est sérieux dans son engagement pour l’augmentation de la production ; sinon, Friguia sera toujours déficitaire à 650 mille tonnes d’alumine l’an », dit-il, demandant qu’on évite de donner un chèque en blanc à cette société.

Abdourahmane Sinkoun Camara, président de la commission des mines, appelle les députés à mettre la balle à terre. Et pour cause, « beaucoup de débats ont eu lieu pour demander la reprise de Friguia, à cause de la situation sociale catastrophique provoquée par la fermeture de l’usine. Nous avons l’occasion de sa relance avec cet accord, je vous invite à le faire », dit-il, avant de regretter les visions minimalistes de certains de ses collègues.

D’ailleurs, l’honorable Sinkoun Camara a rappelé qu’au « temps de la révolution, la Guinée n’avait qu’un dollar par tonne et aucune taxe spéciale pendant deux décennies. Ce qui n’est pas le cas maintenant avec l’introduction d’une taxe de 1,5 $ la tonne de bauxite. Pour le bonheur des populations et des travailleurs de Friguia, je vous demande de voter cet accord ».

Le plus jeune député du Parlement et natif de Fria, Habib Baldé estime qu’avec « cet accord, c’est la Guinée qui gagne avec la reprise des activités de cette usine. J’invite tout le monde de voter cet accord pour donner une vie à la population de Fria ».

Sékou Benna Camara, président de la commission environnement lui, s’intéresse aux questions environnementales et de la vie des populations de Fria après l’usine. Au Burkina Faso, dit-il « on a posé la question de savoir pourquoi ils ont réussi dans les mines? Ils nous ont dit que l’Etat réduit les taxes tout en privilégiant la situation des travailleurs ».

L’élu de Lélouma, Ibrahima Diallo s’intéresse pour sa part de l’accord Guinée-Turc sur la foresterie. S’adressant au ministre, il demande s’il y a une politique de reboisement, avant de soulever une inquiétude dans le domaine de l’éducation. Dernièrement, la Turquie a imposé la Guinée la fermeture de l’école la Citadelle,… Il finit par perdre le file de son intervention.

Mohamed Aliou Bah, l’uninominal de Ratoma, souligne que le rapport sur la foresterie est tellement explicite « qu’il sert de feuille de route au département. D’où sa peur qu’il ne se mue pas en société du genre Forêt forte, décriée par les environnementalistes ».

L’honorable Djalikatou Diallo, vient au secours des défenseurs de la reprise de Friguia. « L’escarcelle de l’Etat n’est pas privée de revenus. Il suffit de voir la taxe versée à l’Etat par la société. En votant ce texte, on aura un double dividende : premièrement, la reprise de l’usine et le second, la population de Fria va sortir de sa détresse dans la quelle elle est tombée depuis l’arrêt de l’usine ».

Même son de cloche du fiscaliste Ibrahima Sory Traoré qui rappelle que l’exécutif a dans ses capacités d’abandonner totalement ou en partie son impôt selon le caractère politique, économique ou social de l’entreprise. Le cas de Fria, est un accord social. Cet accord n’est pas correct mais il est privilégié », conclut- le président de commission comptabilité.

Chez Dr. Cissé, l’uninominal de Fria, c’est la fête. Il se réjouit des sacrifices fournis par le gouvernement qu’il invite à être vigilant dans l’application de l’accord établi avec RUSAL.

Dr Ousmane Kaba, ancien membre de la majorité présidentielle dit avoir des sentiments très mitigés. « En ce qui concerne Fria, c’est une bonne avancée malgré les sacrifices fiscaux. Avec Friguia, on va arrêter d’exporter la terre rouge ». cet opposant du Pr Condé, « félicite le gouvernement pour ce choix et souhaite que la Guinée ait beaucoup d’usines de transformation sur son sol ».

L’uninominal de Kindia, Demba Fadiga, de son côté dénonce le détournement des fonds par certaines personnes. Quand on regarde ce qui est arrivé à la population de Friguia, je rejoints les autres pour demander de voter cet accord ».

Cette intervention a mis fin aux questions des députés et a permis aux ministres de se relayer au pupitre pour répondre aux nombreuses préoccupations exprimées par la représentation nationale.

Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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