Accueil A LA UNE Faits marquants 2017 : Dansa Kourouma fait le bilan du CNOSCG (entretien)

Faits marquants 2017 : Dansa Kourouma fait le bilan du CNOSCG (entretien)

A l’occasion de la fin de l’année 2017, Dr Dansa Kourouma le président du conseil national des organisations de la société civile guinéenne a accordé un entretien à Guineematin.com hier, jeudi 28 décembre 2017. Avec lui, nous avons parlé du bilan de l’action du CNOSCG au cours de l’année 2017, mais aussi des faits qui l’ont marqué durant ces douze derniers mois.

Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien

Guineematin.com : Bonsoir Dr Dansa Kourouma. Nous voici au terme de l’année 2017, et traditionnellement c’est le moment de jeter un regard dans le rétroviseur pour revoir ce qui a été fait en vue de mieux se projeter sur le futur, que peut –on retenir de l’action du CNOSCG au  cours de cette année ?

Dansa Kourouma : Merci beaucoup, le CNOSCG a réalisé plusieurs actions en 2017 conformément à son  plan d’action dont la colonne vertébrale est le suivi des politiques publiques. Nous avons constaté que l’Etat guinéen fait beaucoup d’efforts en matière de programmation, en matière d’identification des priorités, mais il se trouve que malgré ces efforts les citoyens continuent à vivre au-dessous du seuil de pauvreté. La pauvreté au lieu de baisser augmente d’année en année, elle est autour  de 55,3% aujourd’hui, d’ailleurs un peu plus peut-être parce qu’on n’a pas encore les chiffres de 2017 et la paupérisation gagne du terrain malgré les promesses de financement, malgré l’adoption par la Guinée du PNDES le programme national de développement économique et social, les populations guinéennes continuent à tirer le diable par la queue. Nous nous avons estimé que le rôle d’une société civile est de veiller à ce que ces politiques tiennent compte des préoccupations de la population et que leur mise en œuvre ne souffre pas de problèmes majeurs, qui puissent leurs objectifs et qui puissent minimiser leur impact sur la population. Donc à ce niveau, le premier document que nous avons suivi c’est l’accord politique du 12 octobre 2016. Et en 2017 il s’agissait de suivre l’adoption du code électoral par l’Assemblée nationale  et de suivre l’adoption du code civil par l’Assemblée nationale, où nous avons mené des plaidoyers avec les organisations de défense des droits de l’Homme pour que ce code soit adopté et que ses dispositions permettent de régler les problèmes liés aux droits socio-économiques en République de Guinée. Ensuite on a travaillé dans le cadre du lobbying pour le rejet du point 2 de l’accord du 12 octobre 2016, qui privait les populations de leurs droits de désigner leurs chefs de quartiers et de districts, mais malgré le combat qu’on a mené notre requête n’a pas été examinée par la cour constitutionnelle parce que il fallait le président de l’Assemblée nationale ou le président de la République pour soumettre les recours en cas de contrôle de constitutionnalité. On n’a pas désarmé, on a continué le combat, aujourd’hui les candidatures indépendantes qui sont une réalité lors des élections locales à venir sont le fruit de notre combat. Parce que la première mouture du code électoral mettait des conditions insupportables pour les candidatures indépendantes. Le plaidoyer et le lobbying de la société civile ont permis de lever ces obstacles même si on n’a pas réussi le combat contre le point 2 de l’accord. Toujours dans le cadre du suivi des politiques publiques, nous avons travaillé sur un projet conjoint Balai citoyen, CONASOC et le CNOSCG qui portait essentiellement sur le suivi des politiques en santé et éducation. Ce travail en 2017 a été marqué essentiellement par l’organisation de huit concertations régionales et d’une concertation nationale.  Ces concertations avaient pour but de passer au peigne fin  les prévisions des ministères de la santé et de l’éducation en matière d’amélioration des services publics dans les domaines de l’éducation et de la santé, de croiser ces documents de planification avec les préoccupations des populations à la base et consulter les populations sur le contenu de ces documents et politiques. On s’est rendu compte en effet, que le plus souvent, les intentions qui sont formulées à Conakry ne se répercutent pas sur le quotidien des guinéens à la base, donc nous avons fait ces concertations, on a sorti des recommandations qui ont été présentées en présence du ministre porte-parole du gouvernement. Et le document final sera soumis au gouvernement, à l’Assemblée nationale et au conseil économique et social pour la prise en compte des recommandations formulées par la société civile. Une autre activité qu’on a menée pendant l’année 2017, naturellement c’est l’observation de la vie politique à travers les manifestations politiques. En partenariat avec le Balai citoyen et d’autres structures de la société civile, le CNOSCG a déployé une centaine de moniteurs et des observateurs lors des marches, pour suivre les marches de près afin d’éviter des cas d’escalades entre les forces de l’ordre et manifestants et s’il y’a des cas d’escalades pour pouvoir se renseigner et se prononcer sur ce qui s’est passé en toute impartialité. Ce travail nous a permis d’avoir beaucoup sur les facteurs qui expliquent l’utilisation des balles réelles  par les forces de l’ordre, mais aussi le comportement des manifestants lors des différents mouvements organisés par l’opposition. Nous avons également organisé pour la première fois en janvier 2017, les assises sur les institutions républicaines au Palais du peuple, où toutes les institutions de la République ont été conviées, on a réfléchi sur les faiblesses des institutions, sur les forces et sur les différentes contraintes qui se posent à leur fonctionnement et à leur opérationnalisation correcte. Ce travail a été fait avec le financement d’OSIWA et ça nous a permis de ressortir les insuffisances des institutions de la République. Et les insuffisances majeures, c’est naturellement le problème de financement. Les institutions sont mises en place avec enthousiasme, mais elles ne disposent pas de ressources nécessaires pour recruter des personnes ressources de qualité pour faire leur travail, elles n’ont pas de ressources pour faire des missions de contrôle et d’évaluation sur le terrain. Alors, c’est comme si on crée les institutions juste pour satisfaire les exigences populaires ou les exigences des bailleurs, mais on n’est pas encore prêt à prendre en compte le principe de la séparation des pouvoirs dans la conduite des actions publiques. Le deuxième problème que nous avons, c’est que les institutions fonctionnent sans manuels de procédure. Alors, il n’y a pas de redevabilité dans la gestion des institutions. Et c’est pourquoi la plupart de ces institutions (La HAC, la cour constitutionnelle, le Médiateur de la République, la CENI) ont été gangrenées par des crises à cause des problèmes de gouvernance interne. Le choix des personnes est biaisé par des affiliations politiques, ça fait que les gens sont incapables de jouer leur rôle en toute impartialité. Nous avons mobilisé des vivres en faveur des victimes de l’éboulement survenu à la décharge de Dar es-Salaam, participé à la commission d’enquête et nous avons mis en place un cadre de concertation dans le cadre de l’assainissement. Nous avons participé à la semaine nationale de la citoyenneté et de la paix, à l’occasion de laquelle, nous avons organisé un forum qui a regroupé autour d’une même table les hommes de loi et les hommes de foi, c’est-à-dire les magistrats, les avocats et les religieux, pour réfléchir sur l’éducation civique de la population. Nous avons également dans le cadre d’une tournée nationale, dans les régions et les préfectures de la Haute-Guinée, évalué les chantiers des fêtes tournantes de l’indépendance, ressorti les écarts dans la réalisation et on les a adressés aux autorités pour que les écarts enregistrés soient corrigés. Après la tournée nous avons adressé notre rapport au chef de l’Etat et une mission de l’agence nationale de contrôle des grands projets a été mise en place pour aller contrôler le niveau de réalisation et vérifier ce qui est prévu, le CNOSCG a  participé aussi au niveau africain, à la mission d’observation de la Mano River union au Libéria et nous avons assisté à la formation des acteurs de la société civile africaine sur les droits socio-économiques à Banjul.

Guineematin.com : Vous avez cité donc tout une panoplie d’actions menées par le CNOSCG en 2017, quel est l’impact de tout cela, est-ce que ça a permis d’avoir des résultats concrets ?

Dansa Kourouma : Alors, je commence par les infrastructures parce que ça c’est visible, il faut reconnaitre qu’entre les chantiers des fêtes de l’indépendance à Boké et ceux de Kankan il y’a une nette différence. Il y’a eu beaucoup d’améliorations. Parce que l’étude qu’on a faite sur Boké, on s’est rendu compte que le taux de réalisation était inférieur à 35%, 5 ans après le lancement des chantiers. Alors, à Kankan ça s’est amélioré, parce que la pression qui a été faite sur les autorités les a contraints les à changer leur façon de faire. Ça c’est un acquis important, parce que c’est des mesures dissuasives. Nous avons attiré aussi l’attention des dirigeants sur l’inefficacité de l’action publique. Ça aussi nous avons été entendus parce qu’on est en train de peaufiner un programme avec le ministère du budget dans le cadre de l’accompagnement du ministère dans la mobilisation des recettes de l’Etat et leur sécurisation. Ce travail va permettre de mettre en place une équipe de 100 jeunes de la société civile, qui vont travailler dans le cadre de l’identification des imposables, mais aussi aider à moraliser la mobilisation des recettes de l’Etat. Donc ça a permis la prise de conscience du côté du gouvernement  et c’est aussi dissuasif. Si vous  vous rappelez, les cas de détournements se sont limités en 2017 contrairement aux années précédentes. C’est parce que quand la vigilance citoyenne s’accroît, ça dissuade les candidats aux détournements. Mais en tout état de cause, il faut reconnaitre que les conditions de travail entre la société civile et le gouvernement ne sont pas encore au beau fixe. Le plus souvent on est perçu comme des opposants, notre rôle d’amélioration de la gouvernance du pays n’est pas perçu par les dirigeants. Alors, il faut changer de paradigmes pour que la société civile soit considérée comme un partenaire au développement et non un mouvement d’opposition.

Guineematin.com : Au regard de tous les défis qui se posent, de tous les manque-à gagner  j’imagine que vous pensez alors à des perspectives pour l’année à venir ?

Dansa Kourouma : Nos perspectives c’est l’élargissement du suivi des politiques publiques à d’autres secteurs en dehors de l’éducation et la santé. Il s’agit notamment de celui des infrastructures, la passation des marchés, parce que le gros problème de la Guinée c’est les conditions de passation des marchés. Les marchés sont souvent passés de gré à gré, les conditions techniques ne sont pas respectées et la mise en œuvre n’est pas contrôlée. Donc nous allons travailler sur les infrastructures, nous allons travailler aussi sur la sécurité. C’est les deux secteurs qu’on va ajouter à l’éducation et la santé en 2018 dans le cadre du suivi des politiques publiques. Nous allons encourager aussi les candidatures indépendantes aux élections locales pour que les collectivités soient animées par des dirigeants conscients des défis qui interpellent les citoyens, pour éviter la politisation des communes. Les communes sont des entités de développement et non des entités politiciennes. Alors, si ce travail est réussi, nous allons mettre en place un programme de monitoring des communes et la récompense des communes championnes en matière de respect des règles de décentralisation, des communes qui sont parvenues à changer l’image de leurs collectivités vont recevoir des prix significatifs, qui leur permettront de s’investir davantage dans des secteurs de développement plus importants. Et nous allons opérationnaliser les groupes thématiques, c’est-à-dire éducation, santé, sécurité et infrastructures pendant l’année 2018.

Guineematin.com : Vous avez parlé de la promotion des candidatures indépendantes aux élections locales prochaines, on sait le dépôt des candidatures est déjà bouclé, est-ce que vous soutenez donc des listes de candidatures indépendantes ?

Dansa Kourouma : Ecoutez, le rôle de la société civile n’est pas de soutenir des candidats, mais le rôle c’est d’encourager, de susciter des candidatures indépendantes. Parce que nous estimons que quand l’émulation est franche entre les partis politiques et les citoyens, ça permet de dépolitiser les communes. Alors, ce travail-là on l’a réussi parce que dans la plupart des circonscriptions électorales il y’a des listes indépendantes.  Et ces listes nous ne les soutenons pas mais notre rôle était de sensibiliser pour que l’émulation soit beaucoup plus équitable et sereine. Ça on l’a réussi, maintenant leur éligibilité dépend de leurs projets de société et la société civile fera en sorte que, comme les candidats politiques sont soutenus par les états-majors des partis politiques, que nous apportions aussi un appui en matière de formation et de stratégies aux candidats indépendants, afin de les aider à faire la campagne autrement et à bénéficier de la confiance des citoyens.

Guineematin.com : Dernière question Dr Dansa Kourouma, quels sont les faits et événements qui vous ont marqué en 2017 en dehors de l’action de la société civile ?

Dansa Kourouma : Bon, je vais citer brièvement l’acharnement contre les médias, il faut reconnaitre aussi que le CNOSCG était aux côtés des médias à chaque fois que la mobilisation était nécessaire. Donc que des  journalistes soient battus, blessés et leurs matériels de travail endommagés par des gendarmes alors qu’ils étaient venus manifester pacifiquement pour soutenir un des leurs qui a été  injustement arrêté et qu’on n’ait pas de réactions officielles du gouvernement et du chef de l’Etat, ça c’était une grande déception pour moi. L’autre événement qui m’a marqué, c’est l’esclavage des noirs en Libye, parmi lesquels figure un grand nombre de guinéens. Là-dessus je pense qu’il est de la responsabilité des dirigeants d’empêcher le départ des jeunes en créant de l’espoir. Créer de l’espoir, c’est notamment de rendre transparentes les règles de recrutement à la fonction publique, c’est de créer des opportunités pour la création d’emplois, et mettre en place des mesures incitatives et des facilités d’accès des jeunes porteurs d’entreprises aux crédits. Et puis le dernier événement que je vais citer c’est la crise qui a secoué la CENI. Aujourd’hui la nouvelle équipe est en train de faire son possible pour redorer l’image de l’institution qui a été ternie par des conflits d’intérêt qui ne disent pas leurs noms.

Entretien réalisé par Alpha Fafaya Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 628124362

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