L’effondrement d’un immeuble récemment au quartier Minière, dans la commune de Dixinn, relance le débat sur la solidité de certains édifices et du respect des normes dans un contexte de construction tous azimuts. Pour éclairer la lanterne de l’opinion sur cette problématique, un reporter de Guineematin.com a donné la parole à Noël Mousté, ingénieur du bâtiment. Notre interlocuteur est longuement revenu sur les tenants et aboutissants de ce sujet.
Deux immeubles en construction s’étaient écroulés le 10 juillet 2023 à la Cité Nord France de Simbaya II, dans la commune de Matoto, tuant 5 personnes. Un autre bâtiment R+3 s’est effondré il y a quelques jours à la Minière, sans faire de victimes. Ce qui relance le débat sur le respect des normes de construction dans notre pays.
Noël Mousté, ingénieur en Bâtiments, qualifie ces effondrements de gâchis. « Je ne peux que considérer cela comme un gâchis. Quand on vous confie un projet de construction, c’est un investissement. Voir cet investissement s’écrouler ne peut être qu’un gâchis », dit-il.
Pour ce spécialiste, les causes de l’effondrement des bâtiments sont multiples. « Elles peuvent être liées soit à la négligence, soit au client. Quelque soit la pression que le client peut mettre sur l’ingénieur, généralement c’est comme ça en Guinée, le client pense bien connaître plus que l’ingénieur. Ce sont eux qui proposent des modifications et la plupart d’entre nous les ingénieurs, ce sont des gens qui sont affamés, ils ont peur de perdre le marché. Ils le font à la guise du client. Il y a aussi un phénomène qui est là, qui peut s’expliquer par l’incompétence de l’ingénieur parce qu’un projet, ça s’étudie, les calculs qu’on effectue pour réaliser le projet quelque soit, car un bâtiment représente un certain nombre de tonnages. Quand ça s’effondre, ça cause des dégâts. Nous avons aussi la négligence des services de l’État. Le manque de suivi. En principe, un projet immobilier quelque soit, est accompagné d’un permis de construire. En Guinée, dans la plupart des cas, nous construisons des maisons sans permis parce que les gens voient que cela est coûteux. Pourtant, pour avoir un permis de construire, il faudrait envoyer l’armure du bâtiment, et c’est à travers ça que les élites de l’habitat, à travers les services techniques, se disent quelque part que oui, ce bâtiment est conforme. Il y a également la qualité du matériel. La plupart des gens, il y a l’inconscience professionnelle qui les pousse à des dérives. On vous finance un projet, vous voulez plus gagner, vous utilisez des matériaux qui ne sont pas adaptés. Ça peut être l’une des causes de l’effondrement des bâtiments. Il y a le problème d’étude du sol aussi. Il y a des endroits où vous pouvez construire une villa, des endroits où vous pouvez faire des R+2, 3 jusqu’au niveau demandé, mais cela dépend des études. Si vous venez sans faire des études, savoir ce qui est en dessous de ce sol, peut peut aussi être l’une des causes de l’effondrement », a fait savoir Noël Mousté.
Par ailleurs, l’ingénieur indique qu’un bâtiment mal construit comporte des risques multiples. « Quand on prend un exemple sur une villa simple de 3 chambres, 4 chambres, représentent plus ou moins 450 tonnes. Quand vous prenez les briques 15, ce qui fait 15kg multiplier par 4 mille briques que vous allez poser pour avoir une petite villa. Ça vous fait déjà 60 tonnes sans compter le point de la fondation, le poids de la toiture, le sable, le ciment de jointage, le granite, les carreaux et autres. Vous vous retrouvez à un certain nombre de tonnages qui est très élevé. Si déjà, vous vous amusez à faire du n’importe quoi pour mal construire une maison, moi je vous considère comme étant un criminel. Une maison, ça ne se bricole pas. Elle se fait avec des matériaux lourds. Une maison, c’est un abri », martèle-t-il.
En outre, Noël prodigue d’autres conseils. « Le conseil que je peux donner à tout le monde, c’est de se référer à un professionnel. Quand vous donnez un travail à quelqu’un qui n’est pas professionnel, vous-même vous dilapidez votre argent que vous voulez investir pour votre progéniture. Demandez toujours aussi à ce que votre ingénieur vous garantisse le travail qu’il a effectué », a-t-il laissé entendre.
Kadiatou Barry pour Guineematin.com
