Pour parler de cette question, un reporter de Guinematin.com a rencontré ce jeudi, 30 août 2018, Alghassimou Diallo, expert polyvalent en Développement et acteur de la société civile guinéenne. Ce membre actif des Forces Sociales s’est également exprimé sur ce mouvement, aujourd’hui en perte de vitesse, mais « qui n’a pas dit son dernier mot ».
Guineematin.com : quel regard portez-vous sur les premiers cent (100) jours que Kassory Fofana a passés à la Primature ?
Guineematin.com : pouvez-vous en donner des exemples concrets ?
Alghassimou Diallo : je peux prendre un certain nombre d’exemples. Monsieur Kassory Fofana avait promis de restaurer l’autorité de l’Etat. Mais, je viens de comprendre à travers les faits qui viennent de se passer récemment, notamment la répression contre les forces sociales et les syndicalistes, qu’il considère que restaurer l’autorité de l’Etat, c’est de faire en sorte de violer les lois de la nation, notamment la Constitution. Donc, le fait d’interdire les manifestations publiques, le fait de prendre une mesure sur toute l’étendue du territoire national pour empêcher des acteurs sociaux d’user de leurs droits d’organiser des protestations, cela aussi prouve qu’en réalité, il ne s’agit pas de restaurer une autorité de l’Etat. Mais, il s’agit plutôt d’instaurer un Etat de non-droit. Et, c’est ce que nous avons vécu avec les forces sociales, c’est ce que les syndicalistes son entrain de vivre et je pense que c’est ce que les guinéens vont certainement à vivre si on ne se lève pas tous pour réclamer nos droits. Vous prenez aussi la lutte contre la corruption, quand il est arrivé, il semblerait que c’était un travail plus tôt entamé par le gouvernement de Mamady Youla. Nous avons vu que deux responsables d’établissements publics ont été suspendus et remplacés (Paul Moussa Diawara de l’Office Guinéen de Publicité et Sékou Camara de l’Office Guinéen des Chargeurs). Clairement, il a été dit qu’ils ont été suspendus pour des malversations. Un dossier judiciaire a été ouvert. Mais, à l’état actuel, la population n’est pas située…. Mais, quand on regarde comment ceux-là qui les ont remplacés ont été nommés, on ne peut pas se dire qu’on est dans une posture de lutte cintra la corruption. Monsieur Kassory avait dit que l’Etat guinéen perd à peu près 600 milliards de francs guinéens dans les pots-de-vin. Ça, c’était extrêmement osé de dire des choses comme ça même si nous savons tous que c’est une réalité en République de Guinée. Mais, aller jusqu’à estimer le chiffre à 600 milliards et aujourd’hui poser des actes qui contrecarrent, ces marchés de gré-à-gré là, ça pose un problème.
Guineematin.com : la situation au Port Autonome de Conakry ne va pas dans le même ordre des marchés de gré-à-gré ?
Alghassimou Diallo : nous avons justement vu la cession du Port de Conakry à une entreprise Turque, dénommée Albayarak. Et, le ministre des transports a tenté de défendre pourquoi on a recouru plutôt à un marché de gré-à-gré. Ensuite, la réparation du pont, au niveau de Linsan, le ministre des Travaux Publics a parlé d’un montant de plus d’un million de dollars, et nous avons aussi que c’est un marché de gré-à-gré. Ça veut dire que, malgré les dénonciations, malgré la prise de conscience de monsieur le Premier ministre, jusqu’à présent des ministres qui appartiennent à son gouvernement continuent à user du gré-à-gré. Ça veut dire que, l’engagement qu’il a pris de lutter contre la corruption n’est pas ne application. Il avait aussi promis de faire en sorte que les guinéens retrouvent un pouvoir d’achat. Malheureusement, avec l’augmentation du prix du carburant, aujourd’hui dans tous les secteurs de la vie, que ce soit pour les biens ou les services, tout a augmenté. Les parents s’en rendront compte prochainement, quand il s’agira d’inscrire ou de réinscrire leurs enfants à l’école. Avec la fête de Tabaski, nous nous en sommes rendus compte, vous avez vu combien de fois les gens ont souffert pour célébrer la fête, notamment l’achat des moutons, des habits, des aliments. Tout ça, les guinéens ont réellement compris que le coût de la vie a connu malheureusement, une hausse vertigineuse. Ensuite, tous les jours nous avons un scandale, en ce qui concerne l’instauration de la démocratie et de l’Etat de droit. Vous avez les sorties de l’imam de Kindia et du Kountigui de la Basse Côte. Tous ces gens là, si nous étions dans un Etat de droit, c’est des gens qui auraient été interpellés et jugés par rapport aux propos qu’ils ont tenus. Mais, on n’est pas dans ça.
Guineematin.com : l’UFDG a fini par retirer sa plainte contre l’imam de Kindia. N’est-ce pas une manière de préserver la quiétude sociale ?
Guineematin.com : pour revenir au prix du carburant, qui est monté à la surprise générale, vous avez fait partie des forces sociales qui se sont faites entendre. Le slogan 8000 FG c’est Bon a fait le tour de la toile. Où en est-on aujourd’hui avec les Forces Sociales que les gens considèrent comme mortes ?
Alghassimou Diallo : je voudrais rassurer le peuple de Guinée et tous ceux qui sont épris de paix et de justice, notamment la justice sociale, que le combat des forces sociales est loin d’être terminé. Jusqu’ici, nous avions adopté une posture de lutter contre l’injustice sociale à travers l’augmentation du prix du carburant, mais quand on regarde le contexte national, on se dit qu’au-delà du carburant, il y a plein de problématiques auxquels il faut s’attaquer. Il faut qu’il y ait donc une nouvelle dynamique et cette dynamique-là ne peut être que la société civile. Il faut qu’il y ait un contre-pouvoir. Vous avez dû peut être le constater, depuis l’arrivée du président Alpha Condé au pouvoir, toutes les institutions ont été phagocytées, aucune n’est crédible. Donc, la société civile doit se mobiliser et doit jouer un rôle de contre-pouvoir. Nous savons qu’à l’intérieur de cette société civile, tout n’est pas aussi rose.
Guineematin.com : on a parlé de certains membres des forces sociales qui auraient reçu de l’argent sans compter les guerres de leadership.
Alghassimou Diallo : au niveau des forces sociales, nous avons connu trois problèmes majeurs. Le premier, c’est la répression. Nous nous sommes inscrits dans une logique de légalistes. Nous avons tenu jusqu’au bout à faire de sorte que notre démarche soit pédagogique, apaisée. C’est-à-dire que ceux qui se sont levés de manière spontanée pour réclamer la justice ne sont pas des gens qui veulent du mal pour ce peuple. C’est des gens qui souhaiteraient, à travers les actions qu’ils mènent, contribuer à éduquer et à faire comprendre que, dans une nation, c’est la loi qui doit contrecarrer l’injustice. C’est pourquoi la répression utilisée par le pouvoir en place est condamnable. A la place de la répression, nous avons usé de la justice. Aujourd’hui, des procédures judiciaires sont en cours contre le gouverneur de Conakry, contre le ministre de l’administration du territoire. Le second problème que nous avons rencontré, c’est la corruption. Nous sommes dans un pays où la majorité des jeunes vit dans la précarité absolue et il n’y a pas beaucoup de guinéens qui font foi à la conviction, beaucoup de guinéens qui se battent indépendamment d’un agenda derrière eux. Monsieur Kassory Fofana, qui a promis de lutter contre la corruption, nous avons vu qu’il y a des membres des fores sociales qui ont été appelés chez lui et à qui on a proposé des enveloppes. L’argent public a été donné à des individus. Normalement, les guinéens devraient s’indigner par rapport à cette situation plutôt que de condamner les jeunes qui défendent le peuple. J’ai compris donc à travers la lecture que le peuple en a faite de cette situation, le peuple était plutôt dans le sensationnel en majorité. Au lieu de se préoccuper du fiat qu’un premier ministre ait tenté de corrompre un groupe ou une dynamique sociale pour l’étouffer, on s’est dit plutôt que les membres des forces sociales sont corrompus. Et, malheureusement, en le disant, ils disent toutes les forces sociales, alors qu’il y a des gens qui se battent et qui par la grâce de Dieu parviennent à gagner leur vie et qui ne se battent que pour le peuple. Le troisième et dernier problème a été l’incompréhension. Le mouvement social, composé de la société civile et du syndicat, a décidé à un moment donné d’unir ses forces et dans cette unité d’actions, il a été proposé d’aller à la signature d’un accord. Au sein des forces sociales, il y eu deux tendances. Un groupe a signé l’accord alors que l’autre n’en voulait pas. Le groupe qui était allé à la signature est minoritaire. Cela a eu des conséquences énormes par rapport au fonctionnement interne des forces sociales.
Guineematin.com : est-ce qu’on peut s’attendre à revoir très bientôt les Forces Sociales à l’avant-garde du combat pour la défense du peuple ?
Alghassimou Diallo : rassurez-vous et rassurez le peuple que les forces sociales ne mourront pas. Nous promettons de revenir très bientôt, parce que nous sommes confiants des attentes du peuple de Guinée, nous sommes conscients qu’il y a nécessité aujourd’hui d’avoir un contre-pouvoir objectif pour lutter contre la mauvaise gouvernance en Guinée. Nous sommes conscients que la société civile a comme credo de travailler à rétablir la justice sociale. Nous travaillons actuellement, en essayant de tirer les leçons, mais aussi et surtout en essayant de mieux s’organiser pour que les leçons tirées nous servent par rapport à l’avenir du combat.
Propos recueillis par Alpha Mamadou Diallo pour Guineematin.com
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