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Me Vincent Brengarth sur la plainte du FNDC contre Alpha Condé à la CPI : « Nous voulons que ça aboutisse à des condamnations…»

Vincent Brengarth, avocat français du FNDC
William BOURDON et Vincent Brengarth, avocats français du FNDC

« Il y a un moment, je pense, où tout un chacun doit faire face à ses propres responsabilités. Personne ne doit bénéficier d’une impunité, quelle qu’elle soit. Evidemment, ce que nous voulons, c’est qu’à terme, Alpha Condé fasse tout simplement face à ses propres agissements ; et, éventuellement, à la demande qui sera faite par la Cour Pénale Internationale », a notamment indiqué Me Vincent Brengarth, un des avocats français du FNDC, joint au téléphone par Guineematin.com hier, vendredi 1er mai 2020.

Comme annoncé précédemment, les avocats français du FNDC (Front national pour la défense de la constitution) ont saisi la cour pénale internationale (CPI) d’une plainte contre le régime Alpha Condé. Dans leur adresse à la CPI, Me William Bourdon et Me Vincent Brengarth dénoncent les « répressions violentes » exercées ces dernières années par le pouvoir de Conakry sur l’opposition guinéenne ; et, en particulier sur les leaders et partisans du FNDC en Guinée.

Des répressions meurtrières qui sont « fondées sur des considérations politiques et ethniques » de nature à justifier la qualification de « crimes contre l’humanité ». Et, la présente plainte vise l’actuel chef de l’Etat guinéen et l’ensemble des dignitaires de son régime qui se sont rendu auteurs ou complices d’exactions sur ceux qui sont opposés à la présidence à vie du Pr Alpha Condé à la tête de la Guinée.

Depuis l’avènement du Pr Alpha Condé à la magistrature suprême en Guinée, plus de 200 guinéens ont été tués lors des répressions sanglantes des forces de l’ordre pendant les manifestations politiques et sociales dans le pays. Plusieurs centaines d’autres ont été blessés, arrêtés ou kidnappés et déportés dans des garnisons militaires, dont la plus célèbre ces derniers temps est le « camp militaire de Soronkoni » dans la préfecture de Kankan. Par peur d’être emportées par le déluge de manifestations, les autorités guinéennes ont opté pour l’épreuve de forces et la brutalité contre ces détracteurs. Ainsi, les leaders et partisans du FNDC (qui regroupe l’essentiel des partis politiques d’opposition, de la société civile et du syndicat) se sont vus menacés, persécutés… A lui seul, le FNDC pleure aujourd’hui plus de 75 morts depuis le début de ses manifestations contre l’adoption d’une nouvelle constitution et un pouvoir à vie pour le président Alpha Condé. Des morts pour lesquels les auteurs n’ont jamais fait l’objet d’une poursuite judiciaire dans le pays. C’est pourquoi, avec le refus des juridictions nationales de juger, les avocats français du FNDC ont saisi avant-hier, 29 avril 2020, la Cour Pénale Internationale d’une plainte visant le régime en place en Guinée.

« En menant une répression violente contre l’opposition politique depuis plusieurs années, le gouvernement du Président Alpha Condé s’est en effet rendu coupable de violations graves et répétées des droits fondamentaux d’une partie de la population. Ces persécutions qui visent ces derniers mois le Front National pour la Défense de la Constitution et ses partisans, sont fondées sur des considérations politiques et ethniques, de nature à justifier la qualification de crimes contre l’humanité… », lit-on dans le communiqué qui a été rendu public le jeudi.

Joint au téléphone par Guineematin.com hier, vendredi 1er mai 2020, Me Vincent Brengarth (un des avocats français du FNDC) a expliqué que « l’objectif, pour l’instant, c’est d’obtenir un examen préliminaire de cette plainte. Et, qu’à l’issue de cet examen, le procureur de la République auprès de la Cour Pénale Internationale prenne la décision d’ouvrir une enquête sur la situation en Guinée ; et, que cette enquête aboutisse à ce que toutes les responsabilités soient déterminées et engagées, y compris celle d’Alpha Condé ».

Mais, selon cet avocat au barreau de Paris, la présente plainte a été initiée avec le souhait de mettre fin à l’impunité dont jouissent aujourd’hui les dirigeants de la Guinée.

Vincent Brengarth, avocat français du FNDC

« Elle (la plainte) a vocation, véritablement, à concerner l’ensemble des personnes qui se sont rendues complices de graves exactions qui ont lieu sur le territoire depuis plusieurs années et qui sont en train de s’intensifier, compte tenu de la volonté d’Alpha Condé de vouloir se maintenir au pouvoir. Et, finalement, ce qui a justifié aussi le dépôt de cette plainte, c’est que vous avez aujourd’hui un pays qui poursuit sa fuite en avant, malgré les nombreuses alertes de la part de la communauté internationale. Donc, c’est véritablement pour qu’il soit enfin mis un terme à l’impunité dont jouissent aujourd’hui des représentants de la République de Guinée que nous avons initié cette plainte. C’est une plainte qui rappelle un certain nombre d’obligations qui sont notamment liées à la déclaration de la protection des personnes contre les disparitions forcées, à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples… Autant de textes qui engagent formellement le régime et les autorités. Ce qu’on observe depuis plusieurs années, ce sont des mesures d’intimidations qui ont lieu contre les membres de l’opposition qui se concrétisent par des menaces et par des meurtres », a expliqué Me Vincent Brengarth.

Si la CPI donne une suite favorable à cette plainte, des enquêtes voire des auditions et des poursuites pourraient en découler. Ce qui, apparemment, ne sera pas sans conséquences en Guinée.

« Les conséquences, en tout cas celles qui guident la plainte que nous avons déposée, c’est que ça suive un circuit classique ; et que, par conséquent, les responsabilités soient engagées, voire que ça aboutisse à des condamnations à terme. Ce qui nous semble essentiel à court terme, c’est véritablement que la CPI se saisisse enfin du cas qui concerne la Guinée, compte tenu de ce qui se passe depuis plusieurs années ; et, compte tenu du fait que, malheureusement, on ne peut pas attendre des juridictions nationales qu’elles jugent les personnes qui se sont rendues coupables de ces exactions. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs nous nous sommes tournés vers la Cour Pénale Internationale », a précisé Me Vincent Brengarth.

Ces dernières années, la Cour Pénale Internationale n’a pas bonne presse auprès des chefs d’Etat africains. Ces derniers se plaignent constamment d’une chasse aux sorcières dirigée contre eux par la CPI. Ce qui explique en partie d’ailleurs leur refus d’exécuter les mandats d’arrêt émis par ladite Cour contre certains dignitaires du continent. Mais, pour Me Vincent Brengarth, une éventuelle poursuite des autorités guinéennes devant la CPI n’est pas à exclure, d’autant plus que nulle ne doit jouir d’une impunité, surtout quand il s’agit de crimes contre l’humanité. Et, poursuivre le président Alpha Condé (pendant ou après le pouvoir) dépend d’un certain nombre de facteurs.

« Ça dépendra surtout du temps que pourrait durer l’enquête qui serait diligentée par la Cour Pénale Internationale. C’est difficile d’anticiper sur ce que pourra être la solution. Mais, je pense que ça sera aussi à travers le droit de regard que pourra exercer la communauté internationale si jamais la CPI exprime son souhait de voir Alpha Condé traduit. Il y a un moment, je pense, où tout un chacun doit faire face à ses propres responsabilités. Personne ne doit bénéficier d’une impunité, quelle qu’elle soit. Evidemment, ce que nous voulons, c’est qu’à terme, Alpha Condé fasse tout simplement face à ses propres agissements ; et, éventuellement, à la demande qui sera faite par la Cour Pénale Internationale. C’est vrai qu’on a vu dans d’autres affaires des difficultés matérielles ; mais, je crois aussi que même s’il peut y avoir des difficultés par rapport à certains cas, ça n’enlève en rien au besoin fondamental de justice qui peut se poser. Et, ce besoin fondamental de justice est d’autant plus important et c’est notamment les éléments que nous produisons à l’appui de notre plainte lorsque ce sont plusieurs centaines de personnes qui sont décédées, notamment dans le cadre de cette fameuse journée du 22 mars 2020. On voit que les choses ne peuvent plus véritablement durer. Il faut qu’il y ait des investigations qui soient diligentées, des auditions. Il faut que toute la lumière soit faite sur ces agissements ; et, que cette lumière permette d’aboutir à déterminer toutes les responsabilités pour que la démocratie puisse vivre de façon normale », a indiqué l’avocat français du FNDC.

A suivre !

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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