Décryptage !
Sur initiative de notre association, on devait l’évacuer en Tunisie. Mais, c’est après qu’on s’est rendu compte que le frère n’avait pas de documents de voyage. On a donc contacté le ministre de la Sécurité, M. Damantang Albert Camara, que je remercie aussi, qui après avoir constaté que le malade ne pouvait pas se déplacer, a fait venir la valise du ministère afin qu’on puisse faire les empreintes de notre frère. Mais, on nous a fait savoir que l’hématome était assez volumineux et qu’on ne devait pas le mettre dans un avion s’il n’est pas médicalisé.
Donc, il était question qu’on le garde afin que le sang puisse être absorbé. Mais, malheureusement, Dieu en a décidé autrement. Le frère nous a quittés. Abdoul Jabbar n’est pas mort parce que ses œuvres vont défier le temps, j’en suis sûr. Je disais à mon frère Takana hier, que si le reggae guinéen, on l’a mis à un niveau africain, c’était bien sûr avec Abdoul Jabar. Mais aujourd’hui, il nous quitte. Moi, il m’amène à combler ce vide. J’avais décidé de ne plus prendre de micro, mais je pense que je vais toucher le micro à cause de lui ».
Mais, je tiens à dire qu’il a vécu comme un moine qui a choisi la pauvreté et sa voix, il n’a lutté que pour sa musique. Il a gardé ses problèmes que pour lui, vous l’avez tous vu à Conakry, il a marché seul, il a marché la main dans les poches, mais il a marché pour sa musique non-stop. Il n’a rien voulu d’autre que cette musique-là. On a monté ce label ensemble. Et quand on avait des activités, il portait au dos où il portait le sac dans lequel il y avait notre argent pour les dépenses. C’est lui qui tenait les comptes, parce c’était vraiment mon ami de tous les jours. On a monté ce label ensemble.
Un jour, on a mené des activités. A la fin de la journée, on devait payer les travailleurs, et c’est lui qui payait les travailleurs. Donc, il a payé tout le monde, après il m’a remis le sac et il est parti. C’est mon chauffeur qui me dit : Abdoul Jabbar a payé tout le monde, mais il ne s’est pas payé lui. Donc, je tourne la voiture et je vais de l’autre côté, je le vois en train de marcher. Je lui ai dit : tu ne prends pas le taxi ? Il m’a répondu : tu m’as dit de payer les travailleurs, donc je les ai payés. Je dis : mais toi aussi tu as travaillé. Il a dit : moi, je ne suis pas un travailleur, je suis ton ami. C’est ça Abdoul Jabbar ».
Et, quand il a fini cette session de formation, il m’a appelé un jour et m’a dit : je voulais sortir mon album. Alors ce jour-là, nous avons longuement échangé et je lui ai dit qu’au moment opportun, nous allons être à ses côtés pour pouvoir l’accompagner. Mais, Dieu n’a pas voulu que cet album sorte devant lui. Mais, je voudrais ici ensemble que nous nous engagions tous à faire de cette sortie une sortie mondiale. Ceux qui sont là, ce sont eux les acteurs de la culture. À la sortie de cet album, que chacun d’entre nous s’implique réellement et sérieusement pour faire de cette sortie, une sortie mondiale ».
Et, une fois, je me suis posé la question de savoir s’il était guinéen ou jamaïcain. Il avait une force naturelle musicale en lui et une expression mélodique qui est tellement si forte que quand je l’écoutais, je me disais est-ce qu’il est guinéen. Les bonnes choses ne restent pas longtemps. Paix à son âme et que Dieu l’accueille dans son paradis. Je pense qu’il n’est pas mort. Quand un artiste meurt, il n’est pas mort, parce qu’il a laissé quelque chose. Je pense que nous devons tous faire comme Élie qui s’est engagé, qui s’est battu pour la survie de Jabbar. Parce que nous sommes une famille, on doit se protéger, on doit s’aimer ».
A noter que l’artiste Abdoul Jabbar sera inhumé demain, dimanche 7 février 2021, à Fria.
Mohamed DORÉ pour Guineematin.com
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