Accueil A LA UNE Alpha Condé : Grandeur et décadence

Alpha Condé : Grandeur et décadence

Alpha Condé aura été le premier dirigeant guinéen dont l’image de fin de règne fera le tour du monde. Il est aussi le premier président de la République éjecté du fauteuil présidentiel. Moussa Dadis Camara avait fait une transition entre l’attentat, qui a failli lui coûter la vie, et son remplacement par Sékouba Konaté. En dépit d’une réprobation générale, c’est un homme ayant le statut de chef de l’État qui avait quitté son pays avec les honneurs dus à son rang pour aller se faire soigner au Maroc.

Pour le cas présent, c’est un fugitif très mal en point qui est neutralisé par un groupe armé que l’on voit. Ce qui constitue un contraste terrible avec la vie que l’homme a menée ces onze dernières années. Les internautes font le parallèle entre d’une part les images de Laurent Gbagbo, capturé au palais présidentiel ou celle de Blaise Campaoré fuyant son pays et d’autre part l’image du professeur Alpha Condé aux mains de ceux qui ont renversé son régime.

Dans cette situation, qui est sans doute l’une des pires qu’il a vécues, le vieil homme se rappellera sûrement et amèrement de toutes les mises en garde que des journalistes guinéens, ses amis étrangers et autres présidents d’institutions locales lui avaient faites. Les premiers lui disant que les thuriféraires d’aujourd’hui seront toujours les pourfendeurs de demain. La deuxième catégorie, Comme Mahamadou Issoufou du Niger, Abdoulaye Bathily et Boukounta Diallo du Sénégal, le suppliant de ne pas remettre en cause le combat qu’il a mené pendant près de quatre décennies pour la démocratie. Enfin, le cas le plus célèbre est celui de feu Kéléfa Sall. Lequel, en prenant son courage à deux mains pour mettre en garde un chef d’État payera le prix fort.

Avec le recul, Alpha Condé apprendra à ses dépens que ses vrais et sincères amis étaient ceux-là qui lui disaient ce qu’il ne voulait pas entendre. Malheureusement comme Mamadou Tanja du Niger hier, le trop tard aura joué son rôle. L’homme ne s’est pas rendu compte que les temps ont changé. Les thuriféraires lui chantaient à tout bout de champ que Sékou Touré et Lansana Conté ont régné respectivement 26 et 24 ans et qu’il devait faire autant. Le ton avait été donné à N’Zérékoré par un Directeur général de la police. Dans un pays où les opportunistes cherchent par tous les moyens à se faire une place au soleil, l’intervention du policer trop zélé fera boule de neige.

Sans tous ces messieurs, celui que les dirigeants du Comité National du Rassemblement et du Développement (CNRD) ont qualifié d’ancien président aurait pu quitter le pouvoir non pas en fugitif comme il était ce dimanche matin mais comme un nouvel héros national. Même victime de coup d’État, Sékou Touré et Lansana Conté auront eu plus de baraka que lui. Tous les deux n’ont pas connu leur successeur. Ils sont morts avec leur statut de chef d’État. Le président Conté avait été arrêté et conduit au camp Alpha Yaya le 03 février 1996 ; mais, les mutins, incapables d’accorder leur violon, avaient fini par renoncer à leur projet de renversement du pouvoir.

On raconte que Sékou Touré aussi s’était retrouvé dans une situation pareille lors de l’agression de 1970. Prenant des officiers venus à son secours pour des agresseurs, le premier président de la Guinée aurait demandé à ses visiteurs de le tuer au lieu de le livrer au peule. De toute manière, dans le premier comme le deuxième cas, les deux hommes avaient repris la situation en mains et évité de justesse l’humiliation.

Si Alpha Condé n’est pas à sa première épreuve, avec notamment son arrestation à Piné, lors de l’élection présidentielle de 1998, la situation est totalement différente entre sa première et sa deuxième arrestation. La première fois, l’homme bénéficiait du soutien et de la sympathie tant de l’intérieur que de l’extérieur. Depuis, beaucoup d’eaux a coulé sous le pont. La première fois, l’opinion plaidait pour sa libération. Cette fois les Guinéens ont chanté et dansé dans les rues de Conakry et de certaines villes de l’intérieur du pays. A l’exception de condamnation de principe, il est fort probable que l’extérieur exigera, dans le meilleur des cas sa libération. Quant à la restitution de son pouvoir, cela semble aujourd’hui être un mirage.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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