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Baisse du taux d’intérêt directeur de la BCRG et ses avatars : et si la BCRG n’avait fait que suivre une règle qui était déjà en application ?

Safayiou Diallo, économiste

Par Safayiou DIALLO, économiste : Nous avons vu avec intérêt, tout comme la plupart des Guinéens, le communiqué de presse du onzième Comité de Politique Monétaire (CPM) paru sur le site de la BCRG le 25 Septembre 2023. A travers ce communiqué, le CPM annonce avoir tenu une session ordinaire du Comité le vendredi 22 septembre 2023. De ce Comité résulte une décision très importante à savoir la baisse des taux d’intérêt directeur et celui des réserves obligatoires. Du coup, le taux directeur s’établit désormais à 11 % et celui des réserves obligatoires à 13 % au troisième trimestre 2023, contre respectivement 11,5 % et 15 % par rapport au deuxième trimestre 2023. Suivant le communiqué, cette décision intervient dans un contexte de ralentissement des activités économiques mondiales et une hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires.

Par ailleurs, pour faciliter la compréhension de nos lecteurs, il est de notre devoir en notre qualité d’économiste de revenir dans le détail sur le taux d’intérêt directeur et ses fondements. Le taux de réserves obligatoires fera l’objet d’une communication ultérieure car, plus pertinent que celui-ci.  Pour faire simple, le taux d’intérêt directeur est un taux fixé par la Banque centrale. Il correspond au taux auquel la Banque centrale prête de l’argent aux banques commerciales qui sont rattachées à elle en tant que prêteur de dernier ressort. C’est aussi le taux auquel elle rémunère les dépôts que ces banques effectuent auprès d’elle.

D’un point de vue théorique, la baisse du taux directeur devrait inciter les banques à distribuer plus de crédits et de surcroît à ne pas conserver leurs liquidités. Ainsi, les ménages et entreprises seront plus enclins à emprunter et donc à consommer, ce qui a pour conséquence de créer de la monnaie et de booster la croissance. Ceci est observé dans une économie rationnelle qui respecte les standards nationaux. Le cas guinéen est tout autre.

Lorsque nous faisions notre stage de perfectionnement à la BCRG entre février et mai 2014, nous avions voulu prendre comme rapport de stage, l’impact du taux d’intérêt directeur sur la croissance économique afin d’en déduire l’effet non linéaire entre les deux (2) variables macroéconomiques. Mais, beaucoup de cadres consultés à l’époque avaient souligné qu’en réalité le taux d’intérêt directeur impactait moins pour ne pas dire n’impacte pas du tout les banques que celui des réserves obligatoires sous prétexte que la plupart des banques sont d’origines étrangères. Par conséquent, elles peuvent se faire refinancer au besoin auprès de leur maison mère même si ce n’est pas le cas suivant notre petite expérience, de nos jours, en la matière.

Toutefois, la simple explication à cela est que le marché monétaire ou interbancaire s’il faut le dire ainsi ne fonctionne pas comme il le devrait. Car, malheureusement, les banques commerciales présentent en Guinée, se servent des faibles ressources captées auprès de leurs clients comme l’indique sa fonction principale pour distribuer des crédits de courte durée. Elles ne font appel à la BCRG que lorsque leur enveloppe est insuffisante au regard des demandes des clients. C’est ainsi que la BCRG leur prête des fonds à 11% alors que généralement elles prêtent à leur tour à leurs clients en moyenne à 12% pour le marché des Particuliers et 13% pour le marché des Professionnels (PME) et cela sans compter sur la TAF qui tourne autour de 5% selon que la durée s’établit à plus de 11 mois et 13% si moins de 11 mois suivant les marchés.

Par ailleurs, il convient toutefois de souligner que la rude concurrence entre les différentes banques permet d’observer parfois des taux de moins de 10%. Comment une banque x pourra-t-elle se marger dans des telles conditions à travers ses réemploi sur cela sans oublier l’inflation ?

Chers amis, la BCRG qui ne fait que suivre le chemin tracé par les banques n’a fait qu’une fois de trop de réagir tardivement face à une situation qui était déjà une règle. Bien que beaucoup de personnes qui ne connaissent pas bien ce marché ne seront pas d’accord avec nous, les banques commerciales présentes en Guinée, fournissent énormément d’efforts pour satisfaire leur clientèle variée dans un contexte parfois très défavorable. Pour preuve, sur un total ressources de 39 154 milliards, 17 034 milliards ont été distribués sous formes de crédits fin juillet 2023. Soit près de la moitié. En dépit de cette situation, le total des engagements en souffrance a atteint 1 777 milliards en juillet 2023, en hausse de 3% par rapport au mois de juin de la même année.

En somme, nous pensons comme beaucoup d’autres observateurs, que la baisse du taux d’intérêt directeur ne vise pas simplement que la relance de l’investissement (quoi que nous ayons démontré son inefficacité plus haut) mais, plutôt la manipulation du taux d’endettement de l’Etat auprès des banques commerciales à travers les différentes émissions des Bons de Trésor et Obligations du trésor futures afin d’emprunter à des niveaux favorables. Puis que l’évolution du taux directeur de la BCRG a toujours entraîné par ricochet l’accroissement du taux d’intérêt des emprunts de l’État également.

Comme nous le savons tous, l’Etat guinéen, pour faire face à ses difficultés de trésorerie mais aussi le lancement des projets de grandes envergures a procédé à différentes émissions des obligations de trésor par adjudication comme le voudrait la théorie économique. Le dernier cas en date est celui du 14 juillet 2023 pour des montants indicatifs de GNF 500 milliards et de 300 milliards avec un taux d’intérêt respectifs de 13,75% et de 14%. Cela n’est pas sans compter sur le fameux article d’Africaguinée.com dans lequel il est fait mention d’une levée des fonds d’une valeur nominale de GNF 5 000 milliards répartie en deux (2) tranches avec des rendements respectifs de 9% et de 13% (dont notre mise au point est en cours de publication). De tels rendements sont très élevés à notre humble avis surtout pour des durées courtes…

Par Safayiou DIALLO, économiste

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