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Situation de la presse guinéenne, rôle de la HAC : le doyen Anssoumane Bangoura dit tout à Guineematin.com (entretien)

Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de la presse, la rédaction de Guineematin.com a donné la parole hier, jeudi 2 mai 2024, au doyen Ansoumane Bangoura. Et, avec ce journaliste et ancien président de la l’Association des journalistes de Guinée (AJG), nous avons abordé plusieurs points en lien avec la presse nationale. Ce professionnel de médias a surtout partagé ses réflexions sur l’évolution et les défis actuels de la presse et des hommes de médias en Guinée.

Au cours de l’entretien, le doyen Bangoura a souligné l’ambiguïté de l’évolution de la situation actuelle de la presse en Guinée. Il a mis en avant l’autonomie et la responsabilité de la haute autorité de la communication (HAC). Il estime que le ministère de l’information et de la communication doit être supprimé pour permettre à la HAC de jouer son rôle de veille.

« Il faut rendre la HAC effectivement autonome et responsable. Aujourd’hui la HAC n’a ni la responsabilité de nommer ou de démettre les directeurs généraux des grands médias du service public, encore moins de les sanctionner. La HAC n’a pratiquement pas le droit de regard sur les grands médias du service public. Ensuite, il y a une incongruité. L’existence même du ministère de l’information et de la communication est une anomalie. En régime de démocratie, il n’existe pas un ministère de l’information et de la communication. Le ministère de l’information signifie ministère de l’orientation et de la propagande. Ne vous étonnez donc pas que le gouvernement se comporte d’une certaine manière vis-à-vis des grands médias du service public en particulier, et de manière générale des médias en Guinée. C’est la HAC que nous avons aujourd’hui comme seule institution de la parité. On devrait faire en sorte que la HAC soit émancipée. Mais ça, ça ne peut pas s’obtenir d’un coup de baguette, c’est un chantier à ouvrir sur lequel on doit travailler. Quand je dis que le ministère de l’information doit être supprimé, cela demande que ce soit un dépérissement progressif pour que nous exploitons ce moment de la transition pour qu’au finish l’un des chantiers les mieux aboutis soient l’émancipation des médias de toute suggestion, de toute attache », a-t-il suggéré.

Avec un langage empreint d’expérience, notre interlocuteur évoque avec regret le détournement de certains acquis de la presse en abus par la jeune génération. Car, à l’en croire, la corporation est devenue comme une corporation de magistrats qui jugent.

« Le principal acquis que la Guinée a en matière de presse, c’est le ton. Le ton de la presse en Guinée est le plus élevé en Afrique, et même ailleurs. Quand j’attends certaines choses à la radio ou à la télé, je me dis que ça, ça ne peut pas se faire ailleurs. Cette tolérance est un acquis. Mais cet acquis doit être atténué et modéré. Parce qu’en Guinée, on a l’impression que la presse est un juge ou une corporation de magistrats qui jugent. Il y a de la perversion, alors que notre mission première c’est de relater les faits tels qu’ils sont et non pas tel que nous voulons qu’ils soient. Et à d’autres de faire les commentaires et les opinions. La L02 portant sur la dépénalisation des délits de presse est un acquis dérisoire. Pourquoi allons-nous nous préoccuper de la manière de nous sanctionner ? Préoccupons-nous d’être correct. Comme ça, nous ne nous exposons pas au bâton du gendarme ou au diktat d’un magistrat. Et donnons-nous des organes de jugement adaptés à la presse. On dit que le journaliste n’a de compte à rendre qu’à sa conscience et à l’assemblée de ses pairs. La HAC, en tant qu’administration, devrait se doter par exemple d’un observatoire dans ce sens », a-t-il dit.

Par ailleurs, notre interlocuteur a fustigé cette période de vache maigre que traverse la presse guinéenne en ce moment. Il estime que beaucoup de choses restent à faire sur le chantier de la liberté de la presse.

« L’actualité de la presse en Guinée est ambiguë. D’un côté, nous avons le gouvernement et de l’autre côté nous avons les médias qui ont si bien fait les choses de l’autre côté que nous nous retrouvons dans une situation de blocage. Personnellement, je voudrais dire aux uns et aux autres de calmer le jeu. Au gouvernement, je voudrais leur dire deux choses : aucun gouvernement, aucun régime démocratique n’est en odeur de sainteté avec sa presse en matière de démocratie. Une fois proclamé la liberté de la presse, ça signifie d’abord le droit pour les médias de critiquer le gouvernement. Ça, il faut qu’on se le dise. Deuxième chose, aucun gouvernement, aucun régime n’a eu raison de la presse. À un moment donné, on peut fermer, mais ils seront appelés à être ouverts un jour ou l’autre. Dans ce cas, le conseil qu’on peut donner c’est de faire avec. La presse est libre en Guinée ? Non ! Elle n’est pas tout à fait libre, parce que les chaînes qui rattachent la presse à l’État ne sont pas déverrouillées. Beaucoup de choses restent à faire sur le chantier de la liberté de la presse pour que la presse soit effectivement libre en Guinée », a confié le doyen Ansoumane Bangoura.

Enfin, Anssouma Bangoura invite la jeune génération de journalistes à s’approprier de l’histoire évolutive de la presse guinéenne. Il estime qu’avant de célébrer la journée internationale de la presse, nous devons d’abord célébrer la journée nationale de la presse guinéenne.

« La presse guinéenne fait face à un défi majeur, c’est celui de sa maturité et de son émancipation. Une constatation flagrante, c’est le 3 mai. Nous nous évertuons à célébrer la journée internationale du 3 mai, mais avant de célébrer cette journée, et notre journée à nous-mêmes ? Quand je vous demande quelle est la journée nationale de la presse guinéenne, vous ne serez pas à même de le dire. La journée nationale de la presse en Guinée est la première journée des assises nationales de l’information et de la communication le 20 octobre 1991. Deuxièmement, c’est mettre en position d’ouvrir les chantiers qui vont consolider et élargir les bases de la liberté de la presse en Guinée », a-t-il indiqué.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com 

Tél : 626-66-29-27

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