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La devise de la Guinée se reflète-t-elle dans sa vie quotidienne ? Ce qu’en dit Vincent Kéréma Gbilémou, enseignant et activiste

Vincent Kéréma Gbilémou, enseignant et acteur de la société civile

La devise de la Guinée est Travail-Justice-Solidarité. Mais, de nombreux compatriotes s’interrogent sur la réalité de ces mots sur le quotidien des guinéens. Notre pays végète encore dans des difficultés quotidiennes. Si du côté du Travail et de la Solidarité, il y a une certaine satisfaction, ce n’est pas le cas pour la Justice, qui laisse à désirer. Telle est la position défendue par Vincent Kéréma Gbilémou, enseignant de profession et acteur de la société civile. Dans un entretien accordé à un des reporters de Guineematin.com basé dans la préfecture de N’zérékoré, l’activiste fait les éloges des guinéens sur le travail et la solidarité, mais s’insurge et dénonce le manque de justice et la non application correcte des textes de loi.

« Il faut le dire que la Guinée a une très belle devise, qui Travail-Justice-Solidarité. Quant à savoir si cette devise reflète le comportement du guinéen, je répondrai que, si c’est le travail, le guinéen travaille. Le guinéen est solidaire. Mais pour la justice, c’est là où il y a le gros problème. Même s’il y a quelques manquements ou anomalies sur les deux autres (travail-solidarité), on pourrait régler facilement. Quand je prends le travail, le guinéen aime le travail, et cela se ressent dans son quotidien. Quand vous prenez dans la sous-région ici, la Guinée est l’un des rares pays où les logements sociaux sont inexistants. Et cela n’empêche pas le guinéen d’être bien logé. Cela montre que le guinéen travaille. Nous assumons notre propre alimentation, et c’est l’effort du travail, surtout des agriculteurs. Nous avons nos braves femmes qui sont les premières à se lever et les dernières à aller au lit, tout cela pour subvenir aux besoins de leurs familles. Chose qui montre que le guinéen aime le travail. Mais il y a un problème. Cette capacité qui permet au guinéen de travailler ou de vouloir travailler est souvent inhibé par la nonchalance ou l’inexistence de l’Etat à certains niveaux », déclare Vincent Kéréma Gbilémou.

Par ailleurs, cet enseignant et acteur de la société civile admet que le mode de vie et le comportement du guinéen se caractérisent par une certaine solidarité, une certaine entraide dans les situations difficiles. « Le guinéen est solidaire. Tout le long de notre histoire, on a vu que la solidarité guinéenne était très forte. Quand vous prenez les agressions dont on a été victime pendant les années 1970, au temps de feu Sékou Touré, c’est un élan de solidarité où la population civile s’est levée pour accompagner les militaires pour mettre hors d’état de nuire les mercenaires qui étaient venus. C’était un élément de solidarité. Quand vous prenez les attaques rebelles que la Guinée forestière a connue, la Basse Côte, dans la préfecture de Forécariah, il a fallu un élan de solidarité entre les guinéens pour que la rébellion n’ait pas sa place en Guinée. Il y a eu encore d’autres catastrophes naturelles, le tremblement de terre à Kindia par exemple, il y a eu un signe de solidarité. Et, tout récemment, pour l’incendie du dépôt des hydrocarbures, il y a eu une solidarité. Les gens sont venus avec tous les objets nécessaires pour accompagner les victimes. Avec le régime actuel, cette solidarité s’est encore manifestée, lorsque le président a pris en charge le rapatriement de nos compatriotes qui étaient en difficulté dans les pays du Maghreb. Donc, la solidarité existe bien », a-t-il indiqué.

Cependant, Vincent Kéréma Gbilémou s’insurge et dénonce le manque de justice et la non application correcte des textes de loi. « Maintenant pour la justice, on pense que c’est ce qui se passe seulement au tribunal. Lorsqu’on parle de justice, il y a une question d’équité. Par exemple dans la répartition des richesses de ce pays, est-ce qu’il y a de la justice dedans ? Dans le régime Alpha Condé, on a tous salué l’initiative des fêtes de l’indépendance tournante. Mais quand vous prenez les budgets qui ont été alloués à chacune de ces régions, il n’y a pas eu de justice. À Kankan, il y a eu plus de 1 000 milliards GNF qui ont été octroyés ; à N’Zérékoré, on était à 70 milliards ; à Mamou, je crois on était dans les 500 milliards ; à Boké aussi, je crois qu’on était dans les 300 milliards. Il y a cette forme d’injustice. Ensuite, la justice devrait être égalitaire. Quand nous prenons l’éducation, c’est un sérieux problème. Les enfants guinéens qui étudient jusqu’à présent sous les arbres. À Conakry, les gens étudient dans les bonnes écoles. Dans les zones urbaines, ça va un peu. Ce n’est pas égalitaire. Est-ce que nous bénéficions des mêmes privilèges que l’État doit nous accorder ? Après ça, cette justice que souvent nous imaginons, c’est ce qui se passe dans les tribunaux. Là aussi, c’est un gros problème. Dans un autre cas, on appelle la justice du plus fort et la justice du faible. Ce sont des faits qu’on considère souvent que c’est banal, mais souvent il y a des gens qui se permettent de vous dire que je crée le problème, mais avec mon argent, j’aurai raison. Si l’argent prend le dessus sur la justice, en ce moment, il y a un problème », a indiqué notre interlocuteur.

Pour sortir de cette impasse, Vincent Kéréma Gbilémou préconise : « Je crois qu’il y a un travail de fond à faire, puisque c’est la conscience du guinéen qui doit être interpellée pour que le guinéen comprenne que cette justice doit être identique. À l’heure-là en Guinée, l’un des problèmes cruciaux, c’est le problème lié à l’accès à la terre. Et souvent, la justice gère mal. Je crois qu’il faut que les gens aillent en fond pour que le guinéen puisse avoir confiance en sa justice. Parce que si le guinéen ne se retrouve pas dans sa justice, c’est ce qui envoie souvent des problèmes. Vous pouvez prendre un présumé auteur d’un cas de vol, on le juge, il se retrouve coupable, on l’emprisonne et quelques jours après, vous le voyez dans la ville… Ce n’est pas normal de se rendre justice, sinon on serait déjà dans un monde invivable. Il faut que le citoyen qui est victime soit rétabli et s’il a tort, qu’on lui prouve pour qu’il reconnaisse réellement qu’il a tort. Quand on prend le cas des éleveurs, il faudrait que la justice s’intéresse à cela et qu’on donne raison à celui qui a raison. Parce que c’est aussi un problème qui est assez récurrent dans notre zone. Si on ne trouve pas de solution, dans les années à venir, on se trouvera dans une catastrophe qu’on ne souhaite pas. Donc la justice, c’est un sérieux problème en Guinée. Cette justice qui consiste à la répartition ou à l’octroi des privilèges aux citoyens, il faudrait que ça soit identique. Et aussi cette justice qui se fonde sur la loi et sur le respect des principes, il faudrait que les arrestations arbitraires cessent. Même au niveau de la presse, il y a une forme d’injustice qu’elle est en train de traverser à l’heure-là. C’est la liberté de presse qui est bafouée, et c’est un sérieux problème », a martelé l’enseignant activiste, Vincent Kéréma Gbilémou.

De N’Zérékoré, Jean David Loua pour Guineematin.com

Tel : (+224) 620-58-60-02

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