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Les enseignants contractuels de N’Zérékoré en colère : « Nous ne voulons pas entendre parler de cours, si notre situation… »

Moriba Doualamou, coordinateur régional des enseignants contractuels de N'Zérékoré

Face aux multiples promesses et accords non respectés par les autorités dans le cadre de leur engagement à la fonction publique, les enseignants contractuels de N’Zérékoré sont de nouveau montés au créneau. Ils accusent les autorités de n’avoir pas la volonté de prendre en compte leur situation, malgré la signature des multiples protocoles d’accord. Invités à la rédaction de Guineematin.com dans la soirée d’hier, jeudi 18 juillet 2024, ces enseignants contractuels, visiblement décidés à en découdre, et prêts à abandonner les classes, ont exprimé leur ras-le-bol. Ils ont mis l’occasion à profit pour interpeller la coordination d’intervenir pour sauver ce qui peut l’être avant qu’il ne soit trop tard.

Les enseignants contractuels, particulièrement ceux de N’Zérékoré, sont très remontés contre le comportement des autorités qui, jusque-là, peinent toujours à résoudre définitivement leur situation. Ils demandent ainsi à l’État et aux autorités de prendre leurs responsabilités et toutes les dispositions utiles pour en finir une fois pour tout avec leur situation avant la rentrée prochaine des classes.

C’est Moriba Doualamou, responsable régional des enseignants contractuels, qui a ouvert le bal. « Le premier protocole avait été signé au mois d’octobre 2023 et qui devait prendre fin le 31 janvier 2024. Ça veut dire que tous les enseignants contractuels, répondant aux critères, devraient être engagés à la fonction publique le 31 janvier dernier. Mais, nous avons constaté un manque de volonté de notre État. Nous sommes restés dans ce trimbalement, et nous nous sommes retrouvés dans des situations compliquées au mois d’avril 2024. Pendant ce moment, ce même État a invité encore la coordination et le collectif des professionnels de l’éducation avec le soutien des syndicats, notamment le Syndicat National de l’éducation (SNE), d’aller encore autour de la table des négociations pour signer un nouveau protocole d’accord qui fut baptisé « protocole additionnel ». Ce protocole additionnel définissait les points ci-après : assainir le fichier des enseignants contractuels. Et, selon leur argument, qui est la loi de la fonction publique, il fallait avoir 40 ans pour les enseignants de l’élémentaire et 45 ans pour ceux du secondaire. Ceux qui étaient frappés par l’âge ont été exclus. Après ce toilettage, il avait été dit qu’on devrait procéder à l’enrôlement biométrique des enseignants contractuels et un test ; parce que nous (enseignants contractuels), nous avions dit qu’on reconnaît le bon maçon au pied du mur, puisque la loi Guinéenne dit qu’il faut passer par le concours pour accéder à la fonction publique. C’est ainsi que nous avons fait le concours (test en pratique de classe), dont les résultats ne sont pas encore connus. L’un des points de ce protocole additionnel précisait que les résultats de ces pratiques de classe devraient être affichés à partir du 21 du mois de juin dernier, l’arrêté d’engagement devrait être signé et publié le 30 juin, et la prise en charge (paie) avec rappel de salaire des six (6) mois en fin du mois de juillet 2024. Mais depuis la pratique des classes et la date du 21 juin, nous avons été surpris par un autre sabotage qui est le non-respect de ce protocole qui devrait être sanctionné par la publication des résultats et de l’arrêté. Nous avons été surpris de ce que nos collègues responsables de Conakry (Alseny Mabinty et Moussa Doré) qui nous avaient rassurés que c’était des petits retards qui étaient indépendants de l’État, et que nous devions juste garder patience pour un petit temps. Dans cette attente depuis la semaine passée, on nous avait fait savoir que ces résultats ont été présentés aux secrétaires généraux des départements concernés, qui ont aussitôt validé. Il était maintenant question de présenter les mêmes résultats à la coordination et aux syndicats comme le SNE et le SLECG pour les approuver afin d’être affichés. A notre grande surprise, le jour arrivé, on nous fait savoir encore que ces résultats souffrent de certaines imperfections, et qu’il fallait appeler ceux qui se trouvaient dans cette situation (une liste de 200 et quelques enseignants contractuels) pour lesquels certains renseignements manquaient. Et là, j’ai aussi été surpris, parce que les enseignants contractuels ont été identifiés lors des opérations d’identification. Ensuite, s’en est suivi l’opération de la biométrie au cours de laquelle tous les enseignants contractuels ont été enregistrés avec les renseignements qui se trouvent logés dans ces départements. Si jusqu’aujourd’hui, certains responsables contractuels et les autorités nous disent qu’il y a encore des choses à régler, cela nous plonge dans un doute indescriptible. Aujourd’hui, nous demandons à l’État et à la coordination, de publier ces résultats au plus tard le lundi 22 juillet 2024, et de prendre en charge les enseignants contractuels plus tard le 5 août 2024 », a indiqué Moriba Doualamou.

Par ailleurs, le responsable des enseignants contractuels de N’Zérékoré menace de battre le pavé pour se faire entendre si rien n’est fait d’ici le 22 juillet. « Si cela n’est pas fait, nous serons obligés, dans la souffrance, de demander à nos collègues contractuels de battre le pavé, c’est-à-dire d’organiser des sit-in devant les DPE, les mairies, les gouvernorats et devant toutes les autorités compétentes pouvant nous aider à trouver une issue favorable à cette situation », a fait savoir l’enseignant contractuel, sur un ton ferme.

De son côté, Blaise Fanghamou, chargé à la mobilisation des enseignants contractuels de N’Zérékoré, a déploré les pénibles conditions de vie que traversent les enseignants contractuels.

Blaise Fanghamou, chargé à la mobilisation des enseignants contractuels de N’Zérékoré

« C’est pour vous dire qu’une fois que je touche le dossier des enseignants contractuels, j’ai les larmes aux yeux parce qu’un sac vide ne peut pas se tenir debout. Comment est-ce que des pères et mères de famille peuvent travailler durant neuf (9) mois sans salaire ? Que pouvez-vous imaginer par rapport à ces conditions de vie pénibles ? Nous connaissons la cherté de la vie actuelle. Quand vous partez aujourd’hui dans les petits villages, il y a des enseignants contractuels qui sont devenus des contractuels de champs, qui travaillent dans les bas-fonds pour nourrir leurs familles. En ville ici, certains, indépendamment de leur volonté, ont organisé des cours de vacances pour nourrir leurs familles, même si dans ces classes, vous ne pouvez compter que deux (2) à trois (3) élèves. Certains, à cause du manque de moyens, ont fait des accidents et ont rendu l’âme. Tout récemment, dans un village de Lola (Kegnada), la semaine passée, un enseignant contractuel qui n’avait pas de quoi nourrir sa petite famille, a trouvé la mort en chutant d’un arbre », a déploré Blaise Fanghamou.

Devant ce calvaire, monsieur Fanghamou affirme qu’ils ne sont plus prêts à reprendre les activités si leur situation n’est pas résolue. « Nous ne voulons pas entendre parler de cours, si et seulement si notre situation n’est pas réglée avant la reprise prochaine des classes. Nous avons été trahis à plusieurs reprises. Tant que notre arrêté d’engagement n’est pas signé, la prise en charge n’est pas faite, nous ne prendrons plus le chemin de l’école. Nous ne voulons même plus entendre parler de communauté, ni d’APEAE. Les gens passent dans les salles de classe avec pour slogan, nous avons des enseignants contractuels à payer, et ils motivent les élèves à payer 80 mille ou 100 mille GNF et autres comme APEAE. Mais, une fois que l’argent là est encaissé, les contractuels n’en bénéficient plus, et ne savent même plus la destination de ce montant. Il y a eu dans certaines écoles cette année où des contractuels n’ont bénéficié que d’un mois de primes. D’autres chefs d’établissements n’ont absolument rien fait, ils ont orienté cet argent dans des constructions pour faire souffrir les contractuels. Nous n’accepterons plus rester dans les mains de la communauté, parce que ça revient toujours à la même souffrance. Nous sommes prêts à abandonner, nous ne pouvons pas continuer à travailler sans salaire et sans même recevoir les primes qu’on devrait avoir ».

D’ailleurs, il interpelle ses collègues enseignants contractuels. « En ma qualité de chargé à la mobilisation, je lance un appel solennel à tous les enseignants contractuels de la Guinée, en particulier ceux de N’Zérékoré, de se tenir prêts. Si d’ici le lundi à venir, rien n’est fait, nous ferons appel à ces enseignants contractuels pour une prise de décision. À la coordination nationale aussi de prendre toutes les dispositions pour amener l’État à publier les résultats des pratiques de classe. Nous demandons à ce que l’État nous engage et qu’il nous prenne en charge comme les autres. Si alors, l’État n’a pas la volonté de le faire, qu’il nous dise la vérité. Mais nous ne sommes plus dans les promesses. Ce que je veux transmettre aux autorités, à messieurs le DPE et à l’inspecteur, c’est de comprendre que nous sommes leurs fils et filles. De nous aider à transmettre le message, que les enseignants contractuels sont en train de traverser des moments difficiles de leur vie. Demander aux nouvelles autorités de prendre ce dossier au sérieux. Nous n’avons pas choisi l’enseignement par hasard. Nous l’avons choisi pour contribuer à la formation des jeunes gens. C’est étonnant pour nous qu’en le faisant ainsi, de nous voir dans de telle situation. Je demande une fois de plus aux nouvelles autorités de prendre à bras le corps notre situation », a lancé Blaise Fanghamou.

De N’Zérékoré, Jean David Loua, Aimé Marie Loua et Cécé Gbamou pour Guineematin.com

Tél : (+224) 620.58.60.02

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