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CAN Égypte 2019 : la mauvaise performance du Syli n’est pas la fin du monde

(El Béchir) Les rideaux sont tombés sur la CAN Égypte 2019 il y a une semaine mais les passions sont toujours déchaînées en Guinée et ne peuvent être arrêtées au lasso. Les médias et les réseaux sociaux servent encore et toujours de supports aux jugements les plus simplistes et aux commérages les plus insensés. Info et infox y rivalisent dans le bruit et la fureur. Les oreilles d’Antonio Souaré sifflent sans cesse. Haro sur le baudet.

Par une manip savamment orchestrée, ce mécène du football guinéen, hier applaudi, est aujourd’hui peint sous les traits les plus sombres. Chacun se fait docteur ès football et s’exprime avec autorité. On désigne par dessus la jambe les coupables de l’élimination du Syli national par l’Algérie en huitième de finale. Les opinions sont rarement objectives et bien souvent malveillantes. Et pourtant, si le onze national n’a pas avancé cette fois encore, il n’a pas reculé non plus. C’est le statu quo ante bellum. Le Syli a buté contre le mur fatidique du premier match à élimination direct.

D’autres équipes plus grandes que lui, mondialistes et favorites de surcroît, sont tombées au premier tour. Le Maroc de Hakim Ziyech, le virevoltant demi-finaliste de la coupe d’Europe 2019, a été défait comme Carthage par Rome. Sextuples champions d’Afrique, les altiers Pharaons d’Égypte de Mo Salah, champion émérite de la C1 européenne, ont, devant leur public, perdu en huitième de finale leur superbe pshent à l’uraeus face à l’Afrique du Sud, la dernière des meilleures troisièmes. Autres surprises, le Bénin et Madagascar qualifiés au second tour dans des poules difficiles sont allés aux quarts de finale. La Tunisie, mondialiste repêchée à l’issue du premier tour, ne s’est inclinée qu’en demi-finale contre le Sénégal (0-1). Le football, quel capharnaüm des fois ! Bien souvent, une chatte n’y retrouverait pas ses petits.

En football le facteur chance et le facteur malchance sont des paramètres cachés. Ils ne se révèlent que dans la compétition. Une équipe, nonobstant sa valeur intrinsèque, peut être portée par des vents favorables ou bourlinguer. Alors, contre toute attente, on voit un géant mettre un genou à terre prématurément et un petit poucet planer haut avant de chuter.

La Seleção des coupes du monde 1982 et 1986 est sans doute un des meilleurs collectifs jamais alignés par le Brésil. Mais, malgré une génération de qualité et un jeu qui enchante les spectateurs, ce Brésil de Sócrates, grandissime favori, ne parviendra pas à remporter le titre mondial.

À la coupe du monde Brésil 2014, le petit Costa Rica a défait l’Uruguay et l’Italie et tenu en échec l’Angleterre et la Grèce avant de quitter la compétition aux tirs aux buts contre les Pays-Bas en quart de finale. L’Espagne (détentrice du trophée mondial), l’Italie, l’Angleterre et la Croatie, elles, sont éliminées au premier tour par des équipes de moindre renom. C’était à n’y comprendre. Plus ahurissant encore, le Brésil de Neymar, en naufrage mental aussi subit qu’inexplicable, est étrillé par l’Allemagne 1-7 devant son public en demi-finale de la coupe du monde 2014.

La contingence dans le football

Une compétition met aux prises plusieurs équipes, au sens large – coach, staff technique, casting, niveau des joueurs et du collectif, moyens matériels et financiers, degré de préparation, niveau de la politique sportive nationale, déterminants psychologiques, conflits ou compatibilités d’égos, etc. À ce compte, l’issue des joutes est souvent incertaine. En intégrant tous les paramètres, on connaît plus ou moins sa propre force et pas forcément celle des adversaires. La force de chaque équipe est la résultante de plusieurs autres qui sont précisément les différents facteurs qui entrent en ligne de compte. Le mental collectif peut aussi chanceler à un rien et rendre l’équipe prenable sans coup férir. Toutes ces raisons font que peu de gens peuvent pronostiquer l’issue d’une compétition. Et encore, c’est moins par déduction logique implacable que par pure probabilité.

D’emblée, la Guinée a quelque peu joué de malchance avec la méforme de Naby Keïta Deco pour le peu qu’il a joué et ensuite par son forfait avant que la compétition ne se corse pour le Syli. Organisateur de haut vol de Liverpool et champion de la C1 européenne, il avait été blessé aux adducteurs sur la pelouse de Barcelone, en demi-finale. Tous les experts du football avaient prédit que le Syli national serait grandement handicapé par sa blessure et son absence aux matches décisifs.

Autre adversité du sort, notre onze national a rencontré l’Algérie en huitième de finale. Le meilleur troisième contre la meilleure équipe du premier tour (qui finira par remporter le trophée continental contre le Sénégal 1-0). Quel croisement du diable ! Incompréhensible et fatal.

Malgré tout et malgré la contingence liée à de multiples paramètres, l’élimination du Syli national en huitième de finale par les Fennecs (meilleure attaque, meilleure défense) continue à faire un buzz incroyable, comme si le ciel s’est fendu au dessus de la Guinée. Ce matraquage médiatique s’apparente à la « sociologie de la haine », un concept approfondi dans l’ouvrage collectif du même nom réalisé sur le football par d’éminents intellectuels français, dont Camille Dal et Ronan David.
La défaite de la Guinée contre l’Algérie a été et est encore pour certains l’occasion rêvée de mettre des têtes sur le billot. Des têtes innocentes pour la plupart. En premier lieu, celle du président de la Féguifoot, Antonio Souaré. On oblitère allégrement tout ce que cet homme providentiel a fait pour la renaissance du football guinéen, bien avant qu’il ne devienne président du Horoya Athlétique Club, a fortiori de la Fédération guinéenne de football. Justement, son crime aux yeux de ses ennemis – jaloux et grincheux commanditaires de son lynchage médiatique – est d’être le président de cette fédération. Un titre qu’ils convoitent, eux, pour en faire leur vache laitière, alors que lui il finance de sa poche la montée en indice du football guinéen. Qui d’autre que lui a ranimé le championnat national ? Cette compétition sportive fondamentale pour un pays était en Guinée un serpent de mer. C’était l’arlésienne. Antonio Souaré s’est donné corps et âme pour le foot guinéen. D’une manière ou d’une autre, il a aidé tous les clubs du pays, toutes divisions confondues. C’est toute la différence entre un mécène et un saprophyte.

Une chose est sûre, nul ne peut lui dénier les vertus qui favorisent le succès national, telles que la bonne foi, l’amour du cuir rond, une grande ambition pour le football guinéen dans toute la gamme des compétitions, le désintéressement, la philanthropie, le patriotisme.

À la CAN le Syli se qualifie presque toujours pour le second tour mais ensuite il s’arrête net au premier match. Cette « malédiction » de Sisyphe dure depuis 43 ans. Bien que le Hafia FC ait brandi par trois fois le trophée continental des clubs champions, bien que les Cadets se retrouvent souvent en finale et jouent la coupe du monde, la Guinée Séniors ne parvient pas à rehausser son palmarès au niveau africain et a fortiori au plan mondial. Les fruits ne tiennent toujours pas la promesse des fleurs.

Que de jeunes talents la Guinée a pourtant ! Amoureux du « ballon », ils transforment en aire de jeu le moindre terrain vague, la moindre plage, les criques les plus étroites et même les rues et les carrefours. Quel pays de footeux ! L’univers foot, ses stars, ses matches, ses statistiques et ses anecdotes ne sont des secrets pour aucun Guinéen. Le football est sans conteste ce qui nous fait vibrer tous ensemble, de 7 à 77 ans, et fait oublier les affres du quotidien. Ce sport est le seul capable de transcender les clivages politico-ethniques. Mais hélas, il y a un fatum qui bride le succès.
Un échec fait toujours mal, mais il est un bon maître. Il faut tirer les leçons. Dans la mauvaise performance du Syli, les responsabilités sont partagées. Celle d’Antonio est plus sa bonne foi et sa propension à faire confiance en ses collaborateurs, par esprit d’équipe et de collégialité, qu’un laxisme délibéré ou une incapacité personnelle à atteindre ses objectifs. Il ignorait totalement la fourberie de certains fripons qui l’entourent et le racket organisé ou subi par le staff technique. Homo duplex, l’homme est duplice, autant savoir.

À l’avenir, Antonio Souaré devra être plus regardant dans la distribution de ce précieux capital qu’est la confiance, quitte à se faire taxer d’autocratie dans la Féguifoot. S’il pense pouvoir obtenir de meilleurs résultats en écartant les rebuts de la Fédé, les médiocres, les arrivistes et l’engeance, eh bien, qu’il y aille sans barguigner.

Pour l’intérêt du football national, la fin justifiera les moyens. Face au succès, les médisances des râleurs ne seront pour les amoureux du cuir rond qu’un acouphène dans l’oreille gauche.

El Béchir

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