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Les mots et les maux du ministre

Habib Yimbering Diallo
Habib Yimbering Diallo


Cher ami,

Une fois n’est pas coutume, je prends la plume et le papier,avec leur piège en termes de fautes, pour te parler d’unesituation qui prévaut dans notre pays. Une situation avec en toile de fond un événement qui était le moins attendu du monde. Il s’agit de la sortie d’un livre écrit par un ancien ministre. Si tu as lu un extrait de ce livre ou tout au moins son titre, tu conviendras avec moi que le titre à lui seul en dit longsur la partialité du contenu de ce livre. L’auteur parle de« Détention arbitraire ».

D’un côté, et comme tu peux l’imaginer, l’ancien ministre fait les éloges de son mentor. De l’autre, il incrimine l’actuelPremier ministre ainsi qu’un autre ancien ministre. Mais  pour ce dernier, c’est déjà entendu. En revanche pour le PM, c’est la toute première fois que son nom est cité dans cette affaire. Et s’il te plaît à un moment où sa démission est imminente. C’est dire que si l’objectif est de le débarquer à la tête du gouvernement, le nouvel écrivain tire sur une ambulance.

Je ne sais pas si tu l’as appris, celui que l’auteur couvre d’éloges, qu’il présente comme une victime innocente, aurait sommé l’éditeur de suspendre la vente du livre. L’auteur soutient que c’est lui qui, au vu de la polémique suscitée par son ouvrage, a demandé de suspendre de la vente. Mais personne n’est dupe.

La réalité est tout autre. Probablement voire sûrement, c’est le grand patron qui a donné cet ordre. Curieusement, notre nouvel écrivain aurait déposé un exemplaire de son livre au patron avant sa dédicace. D’où cette interrogation : le patron n’a-t-il pas jeté un coup d’œil sur un livre qui parle de son histoire personnelle avant qu’il ne soit mis sur le marché ? Ou, comme soutiennent d’autres, il joue double jeu ? En effet, dans un pays où la crise de confiance a dépassé toutes les limites, certains estiment que c’est lui-même qui aurait commandité la rédaction de cet ouvrage pour en finir une  fois pour toutes avec son Premier ministre. Lequel a accompli sa mission qui consistait à faire de lui le premier président de la quatrième République.

L’opinion publique a du mal à comprendre comment unmilitant de la première heure, enseignant et syndicaliste de son rang, ayant réalisé ses rêves les plus fous en devenant ministre, peut prendre une telle initiative sans l’aval du parti encore moins celui de son mentor. Et pourtant, l’hypothèse selon laquelle ce dernier aurait commandité « ce travail » pour ensuite le désapprouver me semble moins plausible.

Même si cette affaire est loin de connaitre son épilogue, les premières leçons à tirer d’elle est que certaines initiatives sont très risquées. Et pour cause, même notre parti a pondu un communiqué pour se désolidariser avec l’auteur de l’ouvrage. Il ne pouvait en être autrement, me diras-tu dans la mesure où quand le patron est enrhumé ce sont les cadres et militants qui éternuent. A partir du moment où le leader historique du parti a désapprouvé une chose, tous les autres lui emboitent le pas.

En réalité, et je voudrais terminer par ça, je suis plus quesatisfait de la tournure que prend cette affaire. Tu n’es pas sans savoir les raisons. Au cas où tu as oublié, je te rappelle que moi-même je fis partie du système dénoncé par le fameux livre. Inutile de te dire dans ce cas combien de fois je me réjouis de l’interruption brutale de cette délation.

Même si, nulle part, mon nom n’a été cité dans ce fameux ouvrage, si celui-ci avait bénéficié de la bénédiction du palais, on ne sait jamais si d’autres zélés, voulant régler leurs comptes avec tous ceux qu’ils qualifient de militants de la 25ème heure, n’auraient imité cet auteur dans le but de nuire d’autres comme moi.

Dans tous les cas, et comme je le disais plus haut, cette affaire n’a pas encore connu son épilogue.  Si le parti a pris ses distances, d’autres font exactement le contraire. Comme le plus célèbre écrivain de notre pays qui a pris faits et causespour l’ancien ministre. Dans ce qu’ils appellent désormais une tribune, cet écrivain a apporté son soutien à l’auteur. Sans compter que la meilleure façon de faire la promotion d’un document quelconque, c’est de le censurer. Ce qui fait que c’est la première personnalité du pays qui pourrait être le premier promoteur dudit livre. A mon avis, la bonne décision était de se focaliser sur les éventuelles contrevérités qui pourraient contenir dans ce livre.

Malheureusement la suspension de la vente du livre a rendu un grand service à son auteur. De l’accusateur contre deux anciens barrons de l’ancien système, il devient la victime d’une censeure et d’un abus de pouvoir. Mais encore une fois je ne verse pas des larmes de crocodiles pour lui. Exhumer un dossier comme l’arrestation de notre patron dans un contexte comme celui que nous traversons n’est jamais anodin. L’objectif était difficilement avouable. Il viserait à ce que les militants de la première heure appellent de tous leurs vœux : rendre à César ce qui appartient à César. C’est-à-dire le parti aux vrais militants. Ceux des années de plomb. Ce qui de factoexclut le duo mis en cause dans le livre. Mais aussi quelqu’un comme moi.

En attendant la suite et la fin de cet épisode, j’attends anxieusement le prochain remaniement ministériel qui pourrait faire de moi un ancien ministre. C’est pourquoi, je vais terminer par le plus important. Je souhaite que tu uses de te relations avec les amis et proches du grand patron et pourquoi pas lui-même afin qu’il accepte de me maintenir à mon poste.

Tout en comptant sur toi, je m’arrête là dans l’espoir que tu mettras tout ton poids dans la balance pour faire de mon problème la priorité de toutes tes priorités. Transmets mes salutations à madame et aux enfants.

Ton ami, le ministre inquiet pour son avenir.

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