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Histoire des gangs à Conakry : « Si tu n’étais pas dans un clan, tu n’étais pas en sécurité » (ex gangster)

Younoussa Baba Diallo, ancien membre d'un clan

Depuis quelques semaines, des échos de violents affrontements entre gangs dans certains quartiers du Grand Conakry se font entendre. Ces gangs (communément appelé Clan en Guinée) seraient formés en majorité par des adolescents. Et, les nouvelles des violences auxquelles ils se livrent, parfois en pleine journée (comme les heurts de cette semaine à Kagbelen), commencent à inquiéter certains habitants de la capitale guinéenne. Au micro de Guineematin.com ce jeudi, 15 mai 2024, d’anciens gangsters ont brisé le silence pour appeler l’Etat à prendre ses responsabilités pour éradiquer rapidement ce phénomène qui est une source d’insécurité.

Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler des “clans” à Conakry. Entre 1995 et 2005 (sous le régime Lansana Conté), ce phénomène et son lot de violences avait gagné toutes les grandes villes de Guinée. Bad Boys, FBI, Blood Boys, Wu-Tang Clan et bien d’autres étaient tenus par des jeunes qui régnaient en maître dans leurs quartiers et même au-delà. La rivalité entraînait ces gangs dans des affrontements qui se soldaient parfois par des morts. Younoussa Baba Diallo a adhéré à plusieurs clans dans sa tendre jeunesse à Hamdallaye (dans la commune de Ratoma). Il explique cela aujourd’hui par une “quête de sécurité” et il appelle les jeunes à éviter ces mouvements de violences.

« C’est après les élections présidentielles de 1993 que les clans ont commencé à voir le jour à Conakry. On s’est mobilisés dans les différents quartiers pour former des staffs, pour se défendre, parce qu’à l’époque il n’y avait pas la sécurité. Si tu n’étais pas dans un clan, tu n’étais pas en sécurité. Pour assurer ta sécurité, il faut être dans un mouvement de clan, en cas de problème tu a des éléments qui peuvent te défendre. C’est à cause de çà j’ai intégré un clan à l’époque. J’ai fait trois clans : Jouce Révolution, Union Jamaïca et Freedom Fighter. Partout où vous voyez un clan, il y a des bagarres, des embuscades. C’était des bagarres inutiles pour se montrer, pour dire que c’est moi le meilleur, c’est moi qui doit régner. Si par exemple on a la même copine, je dois tout faire pour t’humilier devant notre copine pour montrer c’est moi le king (roi) ou bien je viens te déshabiller devant la fille. La guerre des clans à l’époque, c’était soit pour un problème de fille ou un problème de casquette, ou pour un objet quelconque. Ce n’est pas des bagarres qui avaient de l’importance, c’est juste dire : c’est moi le fils de mon père. Quand on se rencontre, on se montre la force… Donc, ce que je peux dire à cette nouvelle génération : l’ancienne époque et aujourd’hui, c’est différent, le problème de clan ne peut pas finir. Pendant notre époque, les clans c’était des bagarres avec des armes blanches, des fusils, d’autres se tuaient, d’autres se blessaient. Ce que je peux dire à la jeunesse, chacun n’a qu’à s’orienter dans un mouvement pour chercher de l’argent, pas un mouvement de clan pour faire des bagarres inutiles. Il faut être dans un mouvement pour monter des projets, pour avoir des bonnes relations dans le but d’avoir de l’argent et de réussir. Je conseille aux jeunes de laisser l’affaire de clan pour des bagarres inutiles », a dit Younoussa Baba Diallo.

Abondant dans le même sens, cet autre ex gangster, Algassim Bah, demande à l’Etat de s’impliquer pour freiner la résurgence des clans à Conakry.

« À Hamdallaye ici, il y avait beaucoup de clans. Mais les leaders, c’était Blood Boys de Hamdallaye à Kagbelen, tous les petits clans se soumettaient au Blood Boys. En ce moment, il fallait que tu adhères à un groupe, sinon tu n’es pas en sécurité. Si tu te bagarre avec quelqu’un, il faut t’attendre à retour avec ses amis et ils viennent jusqu’à chez vous. Je me suis bagarré avec quelqu’un, il connaissait chez moi, il est revenu avec ses amis. C’était une obligation d’adhérer aux clans, sinon tu n’es pas en sécurité. Même pour suivre une fille, il fallait être dans un clan. Il y avait des violences entre les clans, chacun voulait être leader. Il y avait beaucoup de clans à Hamdallaye ici, mais les plus grands c’était les Blood Boys, les communautés Ona… Donc, il faut que l’Etat s’implique pour éradiquer ce phénomène. Ici à Hamdallaye, le phénomène a beaucoup diminué, parce tout le monde a eu une occupation, certains ont eu des métiers, d’autres ont voyagé, certains travaillent à Madina, d’autres sont des sociétés de gardiennage. Il faut que les jeunes aient des occupations, là où ils vont travailler, il ne faut pas abandonner la jeunesse. Même moi j’ai fait des bêtises à Hamdallaye ici. Une fois on a attaqué un gendarme, je m’excuse pour ça », a indiqué Algassim Bah.

Amadou Lama Diallo pour Guineematin.com

Tel : 669681561

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