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Guinée : les victimes du Camp Boiro trainent l’Etat guinéen en justice à cause de l’aéroport Ahmed Sékou Touré

Me Tall Ahmadou Baïdy Habib, avocat

Dans une démarche audacieuse, les victimes du Camp Boiro ont décidé de porter plainte contre l’État guinéen. Leur grief : la dénomination de l’aéroport de Conakry en l’honneur du président Ahmed Sékou Touré, une figure controversée en raison des exactions commises durant ses 26 ans de règne. Dans un entretien exclusif accordé à un journaliste de Guineematin.com ce vendredi, 31 mai 2024, maître Ahmadou Baidy Habib Tall, l’avocat des plaignants, est revenu sur les raisons et les attentes des victimes de cette action en justice. Pour l’avocat au barreau de Guinée, il est inadmissible pour la mémoire des victimes de rebaptiser l’aéroport au nom de ce personnage “clivant”.

« Pendant qu’on parle de réconciliation nationale, pendant qu’on parle d’assise nationale, le CNRD à travers son président a pris un décret pour donner le nom de l’aéroport à un personnage aussi clivant que l’ancien dictateur qui était au pouvoir de 1958-1984. En face, il y a des victimes de ses 26 ans de dictature qui sont là et qui mènent un combat depuis sa mort en 1984. Donc, ça fait 40 ans que des combats sont menés pour un certain nombre de choses. Un combat mémorial. Pendant que ceci n’évolue pas, des actes aussi graves sont menés par le président de la République en termes de décret de changement de dénomination de l’aéroport » , a-t-il déclaré.

Plus loin, Me Tall a intenté cette action pour dit-il restaurer la dignité humaine et du droit à la mémoire des victimes du camp Boiro et leurs familles. Il affirme que l’affaire pendante devant la cour suprême a été renvoyée à la demande de la partie civile.

« Depuis février 2022, la cour suprême a été saisie pour qu’elle annule ce décret. Ça a trainé là-bas. C’est seulement hier que le dossier a été appelé pour la première fois. Il y avait des choses que la cour devait faire avant le procès d’hier (jeudi 30 mai 2024), par exemple nous transmettre les écritures de la partie adverse qui est l’agent judiciaire de l’État. Nous souhaiterions réagir à ces écritures. Des écritures qui disent que, pour caricaturer un peu : s’ il y a eu crime avant, c’est comme ça le président à l’époque voyait les choses. C’est une façon de dire que tous les gens qui sont morts, qui sont tués, ce n’est pas grave. Les avocats qui ont leurs noms sur le document n’étaient pas présents à l’audience. Je crois que c’est un d’entre eux qui s’est fait représenter par un de ses collaborateurs. Puisqu’on a reçu ces écritures-là, on aimerait bien réagir à ce document. Normalement la loi dit que quand nous on envoie une requête pour excès de pouvoir comme c’est le cas, à la suite de ça, la partie adverse a deux mois pour répondre. Et quand elle répond, nous avons deux mois aussi pour répliquer à ces réponses. Mais pendant tout ce temps on n’a pas reçu ça. C’est à quelques jours de l’audience qu’on a reçu. Donc, on a demandé seulement deux semaines pour pouvoir réagir à ça. C’est pourquoi c’est renvoyé au 13 juin à notre demande », a précisé l’avocat.

Ces victimes et les parents des victimes comptent, à travers ce procès, obtenir l’annulation pure et simple de ce décret du président de la transition guinéenne, général Mamadi Doumbouya. Car l’acte représente pour eux un second assassinat.

« Nous demandons l’annulation pure et simple du décret. Parce que c’est un personnage clivant, c’est un criminel. Le retard actuel de ce pays est dû à sa mauvaise gestion, à ses 26 ans de dictature. On ne peut pas unilatéralement changer de nom sans qu’il y ait eu en amont un consensus national, sans qu’il y ait eu une conférence, justice, vérité et réconciliation, sans qu’on ait soldé du processus historique de cet État. Unilatéralement dire comme ça telle personne mérite le nom d’avoir à l’aéroport, la porte d’entrée principale d’un pays. Moi, quand je passe même devant l’aéroport, je détourne ma tête pour ne pas voir son nom affiché. Donc, on ne peut pas imposer ça en tuant une seconde fois les victimes, c’est un second assassinat pour eux. C’est quelque chose de très choquant. C’est quelque chose d’inadmissible », a déclaré Me Tall.

La plainte déposée par les victimes du Camp Boiro et leurs familles contre l’État guinéen pour la dénomination de l’aéroport Ahmed Sékou Touré est un acte de revendication de justice et de mémoire selon les plaignants. Maître Mamadou Diallo, en représentant ces voix, espère l’aboutissement du procès sous CNRD. Ce, malgré le contexte actuel ne s’y prête pas. Toutefois, il espère continuer le combat. “Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain”, a-t-il dit, tout en précisant qu’ils sont “prêts aussi à en tirer toutes les conséquences juridiques”.

 Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27 

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