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Guinée : « Pour une révolution agricole, il faut maîtriser toute la chaîne de valeur » (Amadou Thierno Diallo)

Amadou Thierno Diallo, ancien ministre guinéen de la coopération Internationale

L’ancien ministre guinéen de la Coopération internationale, Amadou Thierno Diallo, jette un regard critique sur les causes et les conséquences de l’échec des politiques agricoles en Guinée, tout en proposant des solutions pour améliorer le secteur. Selon lui, il est essentiel de considérer l’ensemble de la chaîne de valeur agricole, de la production à la distribution, en passant par la commercialisation des produits alimentaires. Il l’a dit à l’occasion d’une conférence de presse animée ce samedi, 29 juin 2024 à Conakry, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Amadou Thierno Diallo a critiqué la perception courante du secteur agricole en Guinée, souvent réduite à des campagnes agricoles orchestrées de manière superficielle. Il a souligné que, bien que le pays dispose de ressources naturelles abondantes comme l’eau, la terre, et le soleil, il continue de dépendre des importations alimentaires.

« Quand on parle du secteur agricole ici en Guinée, on pense directement aux campagnes agricoles. A l’approche de l’hivernage, on achète des engrais, on distribue à des amis et connaissances, la campagne est lancée avec tintamarre et le tour est joué. Et pourtant, nous, nous avons de bonnes politiques et de stratégies pour développer le secteur. Nous avons l’eau, la terre, le soleil, l’air et les hommes. Mais nous avons encore faim, nous importons des produits alimentaires. Est-ce que dans ces conditions les politiques sectorielles marchent ou pas ? Je voulais faire une clarification. On parle beaucoup de souveraineté alimentaire, on parle d’autosuffisance alimentaire. Ce ne sont pas des termes interchangeables. Chacun signifie quelque chose. L’autosuffisance alimentaire, c’est de produire ce qu’on peut faire avec un avantage comparatif et importer là où on n’a pas un avantage comparatif. C’est ça l’autosuffisance alimentaire, c’est un terme un peu plus économique. La souveraineté alimentaire, c’est non seulement de produire mais aussi de pouvoir contrôler tout le système alimentaire qui va de la production, à la commercialisation et à la distribution sur la table. Il faut contrôler tout le système. Donc, si l’autosuffisance se concentre sur la quantité produite, la souveraineté alimentaire quant à elle met l’accent sur le contrôle de tout le système d’approvisionnement et de la qualité. Mais l’autosuffisance alimentaire est une condition sine qua none pour atteindre la souveraineté alimentaire. Je donne un exemple, on produit beaucoup du riz, on atteint l’autosuffisance alimentaire. Mais est-ce qu’on a pour autant atteint la souveraineté alimentaire ? Je dirai non ! Parce qu’on importe les équipements, les pesticides et les engrais. Ça veut dire qu’on ne contrôle pas toute la chaîne de production. Ça veut dire qu’on a atteint l’autosuffisance alimentaire mais on n’a pas atteint la souveraineté alimentaire. Un autre terme très usité, c’est la sécurité alimentaire. La sécurité alimentaire, c’est la possibilité physique pour chacun à tout moment d’avoir accès à des produits alimentaires à une quantité suffisante de bonne qualité pour satisfaire ses besoins et les besoins des autres. Chaque pays décide dans ses politiques, de devoir atteindre l’autosuffisance alimentaire, la souveraineté alimentaire ou la sécurité alimentaire », a expliqué Amadou Thierno Diallo.

Par ailleurs, cet ancien cadre de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Banque islamique de développement (BID) a mis en avant les atouts agricoles de la Guinée, notamment sa diversité agro-écologique et sa croissance démographique. Il a déploré que, malgré ces potentialités, le pays continue d’importer massivement des céréales. Un manque à gagner de 425 millions de dollars par an, qui pourrait équilibrer la balance des paiements si ces produits étaient cultivés localement, dit-il. « Nous avons une chance d’avoir une diversité agro-écologique. Nous avons les 4 régions naturelles. Dans chaque région, vous pouvez faire quelque chose. En Haute Guinée, vous trouverez rarement des plaines de plus de 100 ha où il n’y a rien. En Haute Guinée, vous trouverez des plaines de milliers d’hectares. Dans la région de Boké, la même chose. Donc, nous avons la chance d’avoir cette différence agro-écologique qui nous permet de produire tout ce que l’on veut. Toutes les céréales pouvaient être produites en Guinée, y compris le blé. On a un autre avantage qui est la croissance démographique. Il y a une croissance démographique qui est là et qui tourne environ à 3%. Donc chaque année, vous avez au moins une croissance de 3%. Donc la demande est là. Ça ne veut pas dire que si vous produisez des céréales, il faut l’envoyer ailleurs. Non ! La demande est là. Le défi qui est là, c’est que les importations augmentent d’année en année. En 2022, l’augmentation des céréales est estimée à 425 millions de dollars. Donc, on peut produire toutes ces céréales en Guinée. Mais on les importe, 425 millions de dollars américains par an. Vous savez ce que ça représente ? Ça permettrait d’équilibrer la balance de paiement. On a besoin d’importer du riz, du blé, etc. On peut produire ici. Par exemple, pour le riz, on a importé 850 000 tonnes. Donc, je crois qu’il y a le défi, il y a le potentiel. Je crois qu’il faut utiliser ce potentiel pour aller vers l’autosuffisance alimentaire. Toutefois, le secteur est victime de ses propres politiques », accuse Amadou Thierno Diallo.

En outre, l’ancien ministre appelle à une approche intégrée et bien informée pour le développement du secteur agricole en Guinée, soulignant que chaque maillon de la chaîne doit être pris en compte pour assurer la réussite des politiques agricoles. « C’est à regarder sur toute la chaîne de valeur.  S’il y a un seul maillon qui manque, c’est une perte de temps. Et pour cela, en premier lieu, c’est de chercher à avoir la cartographie de la fertilité des sols de Guinée. Ça n’existe pas. On ne connaît pas nos sols. On connaît le sol techniquement, mais on ne connait pas leur fertilité. On ne sait pas semer du maïs et autres. Et par conséquent, on utilise des engrais qui probablement ne servent à rien ou bien ne servent pas à grand-chose. Donc, tant qu’on ne fait pas cette étude des sols, les engrais qu’on est en train de prendre à des coûts de dizaines de millions de dollars, c’est une perte de temps. On gagnerait beaucoup plus si on n’avait pas fait d’investissements », a-t-il déclaré.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél. : 622919225

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