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Condamnation de Dadis Camara et Cie : « Nous sommes fiers de la tenue de ce procès, mais il y a eu des insuffisances… »

Emmanuel Moussa Sagno, président des collectifs des droits de l'homme de N'Zérékoré

Le procès des évènements du 28 septembre 2009 a pris fin au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. Dans la décision rendue le mercredi 31 juillet, huit (8) des accusés, dont l’ancien chef de la junte du CNDD, Moussa Dadis Camara, ont été condamnés à de lourdes peines, allant de 10 ans à la réclusion criminelle à perpétuité. Interrogé par la rédaction régionale de Guineematin.com au lendemain de l’énoncé du verdict, Emmanuel Fassou Sagno, président du collectif des organisations des droits de l’homme à N’Zérékoré, salue la décision du tribunal avant de relever ce qu’il appelle des insuffisances.

« Personnellement, à la lumière de ce procès, je tire trois leçons. Premièrement, nous sommes fiers d’avoir une justice qui peut valablement porter nos problèmes. Ça veut dire que nos instances peuvent tenir un jugement de cette taille, nous en sommes fiers parce qu’on a vu le bout du tunnel dans cela. Donc, c’est une joie parce que c’est une disposition de la cour pénale internationale qui dit que si les juridictions à l’intérieur ne sont pas compétentes, la CPI peut s’autosaisir d’un dossier pour lequel la juridiction de l’Etat concernée n’est pas compétente. Et donc, nous voyons que nous avons été compétents », introduit-il.

Poursuivant, Emmanuel Fassou Sagno relève les autres enseignements qu’il tire de ce procès. « Deuxième enseignement, c’est un appel qu’on lance à l’endroit de tous ceux qui ont une parcelle du pouvoir en République de Guinée et ailleurs, notamment envers la junte qui est au pouvoir. Ça veut dire que nul n’est au-dessus de la loi. Au cours du procès des événements du 28 septembre, ils ont été jugés, des hauts dignitaires qui ont géré le pouvoir en 2009, notamment un ancien président de la République, Moussa Dadis Camara, qui a été jugé. C’est une première en Guinée qu’un ex-président soit jugé et condamné avec d’autres hauts responsables de l’Etat. C’est pour dire à toutes les autorités en République de Guinée que vous n’êtes pas au-dessus de la loi. Vous serez demain comptables de vos responsabilités dans la gestion des affaires publiques. Enfin, la troisième leçon qu’il faut retenir de ce procès, il y a eu des insuffisances qu’il faut signaler et celles-ci peuvent être une leçon à tirer pour les prochaines fois », a laissé entendre le président du collectif des organisations des droits de l’homme à N’Zérékoré.

Aux dires d’Emmanuel Fassou Sagno, des noms ont été cités au cours de ce procès, mais aucune action n’a été engagée contre eux. « Vous savez, au cours du procès, il y a eu des noms qui ont été cités et on dit qu’en droit, l’instruction reste ouverte même pendant le cours du procès, c’est-à-dire que si au cours du procès des personnes sont citées, l’obligation devrait être faite qu’elles comparaissent. On a vu le cas du Colonel Bienvenu Lamah, qui avait été cité et pourtant il y avait un non-lieu, mais le tribunal s’est intéressé à rouvrir son cas. Or, tel n’a pas été le cas pour d’autres dignitaires comme, le Général Sékouba Konaté et d’autres militaires hauts placés qui ont été cités et n’ont pas comparu. Ça, c’est une insuffisance notoire qui pourrait même penser qu’il y eu une discrimination au cours de ce procès », estime monsieur Sagno.

Parlant de la requalification des faits en crime contre l’humanité, Emmanuel Fassou Sagno décèle des insuffisances. Il dit être étonné de la décision de requalification prise par le tribunal, dirigé par le juge Ibrahima Sory 2 Tounkara. « Il y a eu la requalification dans ce procès qui n’a pas été à l’ordre du jour à la phase préparatoire de ce procès. À la phase de préparation, je crois que la qualification qui a été donnée à l’instruction, c’était des faits de crimes. La loi qui condamne les infractions criminelles et qui sont codées ou dont les dispositions se trouvent dans le code pénal valable depuis 2009 et aujourd’hui on requalifie les faits au cours du procès. Ce débat a été posé, malheureusement ça n’a pas été vidé. Nous étions étonnés que dans une sentence qu’on requalifie les faits et on punit à partir d’une requalification dont le débat a été ouvert mais n’a pas été vidé. C’est déjà une insuffisance. Une infraction commise par un citoyen lambda, il ne peut être jugé qu’à la base des codes en vigueur à l’époque des faits. Et à l’époque des faits, la Guinée n’avait pas encore ratifié la convention sur les crimes qu’on appelle le statut de Rome sur les crimes contre l’humanité », explique l’acteur de la société civile de N’zérékoré.

En ce qui concerne les peines prononcées contre les accusés, notre interlocuteur se dit satisfait. « Je pense que les peines sont à juste valeur. Vous savez, on ne juge pas quelqu’un sur la base des rumeurs. On le juge sur les faits. Il faut reconnaître que si on partait sur la base du code pénal guinéen en vigueur à l’époque de la commission des faits, beaucoup d’entre ces accusés devraient être libérés. Par ce qu’on dit en droit pénal, la responsabilité est individuelle et on était en droit pénal, c’est le code pénal qui était en vue, mais il fallait requalifier. Donc, si c’était sur cette base rien ne montrait que ceux qui ont été à la suite des débats beaucoup pourraient s’en sortir. Parce que quand nous prenons le cas de Moussa Dadis Camara, si ce n’était pas la responsabilité de commandement, personne n’a dit qu’il a donné des ordres ou que lui-même était au stade. Mais cette requalification des faits fait qu’on le condamne, et certains en crimes contre l’humanité. Et les peines ne s’inventent pas. Elles sont déjà souscrites, disposées dans un code et c’est là-bas que le juge regarde pour prononcer la peine. Et donc, Moussa Dadis Camara et sa suite ont été condamnés sur la base de cette requalification en crimes contre l’humanité, qui engage la responsabilité de commandement. Et pourtant, au début, ce n’était pas la disposition qui était là », lance-t-il.

Pour finir Emmanuel Fassou Sagno a invité la population au calme, à la retenue et aussi à avoir confiance en la justice. « J’invite les citoyens à faire confiance en notre justice, à la retenue et au calme, que le processus pourrait ne pas être la fin parce que les avocats ont interjeté l’appel dans ce dossier… »

De N’Zérékoré, Foromo Gbouo Lamah, Aimé Marie Loua et Sayon Haba pour Guinneematin.com

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