Mon premier contact avec Jean Karim Fall a été possible grâce à un coup de fil qui était destiné à Cheick Sylla, alors correspondant de RFI à Conakry. Le téléphone du studio de la radio nationale sonne vers 6h30, je décroche .A l’autre bout du fil, une voix pleine : « Puis-je parler à Cheick Sylla, c’est Jean Karim ». A moi d’ajouter « de RFI ». Oui !
Après leur conversation, mon ami Cheick me promet d’établir le contact avec Jean Karim Fall JKF. Ce qui se fera quelques années après, lorsque dépêché à Nicosie (Chypre) pour couvrir un sommet des non alignés, RFI m’avait sollicité pour couvrir l’événement pour elle, sur recommandation du même Cheick Sylla.
Ce fut une occasion d’échanges téléphoniques avec Jean Karim Fall et Hassane Diop qui étaient chargés de calibrer mes reportages avec leur diffusion sur les antennes de RFI.
Seulement voilà qu’un jour JKF me surprend dans le secret d’une des cabines réservées à la presse en train de faire enregistrer mon papier. Il a l’impression de s’écouter. A peine que j’ai raccroché, il me questionna : Où as-tu pris toutes ces informations ? Réponse laconique : ne pouvant être partout comme l’équipe de RFI, j’ai dû enregistrer les reportages de Jean Karim Fall, Hassane Diop et Christophe Boisbouvier que j’ai décryptés. Ce sont de grands professionnels que j’admire, que j’espère rencontrer un jour.
L’homme qui était en face de moi éclata de rire et finit par m’avouer que c’est bien lui Jean Karim Fall. J’en étais ravi. Il était déjà un modèle pour moi, tant dans la précision des informations que dans son style direct.
Depuis, toutes les fois que je me suis rendu à Paris, je suis allé à RFI. Toujours bien accueilli. Sauf en 1999. Lui était patron de la chaîne Afrique et moi Directeur Général de l’office de la radiotélévision guinéenne ORTG.
Cette fois, à peine arrivé dans les couloirs de RFI, mon chemin croisa celle d’une journaliste redoutable de l’époque Madeleine Mukamabano qui animait une grande émission politique « Le débat africain ». Il fallut que je décline ma fonction pour quelle me lance : Rendez-nous notre Mouctar ». Face à mon insistance, elle me conduit dans le modeste bureau de Jean Karim Fall. Comme Madeleine, il m’apostropha en ces termes : Yacine, rendez-nous notre Mouctar ».
En effet, Mouctar Bah s’était vu retirer son accréditation de correspondant de RFI par le CNC pendant plus de quatre mois au début de 1999, à la suite de l’élection présidentielle du 16 décembre 1998.
Sans attendre, je pris l’engagement de faire lever cette restriction dès mon retour à Conakry. Beaucoup de journalistes viendront exiger sans condition la validation de l’accréditation du correspondant de RFI en Guinée.
Au moment où nous nous séparions, JKF me renouvelle toute sa confiance et réitère la neutralité de RFI.
Deux jours après, je regagne Conakry, rencontre le président Conté qui n’était pas au courant du retrait de l’accréditation. Il m’ordonna sur-le-champ d’aller rencontrer le président du CNC. Le Doyen Emile Tompapa leva l’interdiction sur place. Et comme c’était un samedi, j’ai transmis, moi-même, par fax le document à l’adresse de JKF.
Depuis, nos relations sont restées fraternelles. Nous nous sommes retrouvés souvent à Conakry, à la faveur de la libéralisation des ondes. Il venait former les promoteurs en management radio et en management éditoriale radio, dans le cadre d’un programme RFI Talent.
Jean Karim Fall s’en est allé. Il reste un modèle pour les journalistes africains, même ceux qui ne l’ont découvert que récemment avec son arrivée à France 24.
JKF dors en paix ! Nous ne t’oublierons pas !
Boubacar Yacine Diallo, journaliste, ancien ministre de l’Information