Conflits entre les déplacés de Souapiti et leurs hôtes : « Si l’Etat n’entend pas ces cris, un jour ça risque de péter », alerte Mohamed Lamine Conté 

Mohamed Lamine Conté, président de l'Union des Impactés de Souapiti

La construction du barrage hydroélectrique de Souapiti, qui a été lancée le 22 décembre 2015 par le président déchu Alpha Condé, a entraîné et continue d’entraîner des conséquences dramatiques sur les communautés des localités qui ont été forcées à quitter les habitations, les terres et les cultures de leurs ancêtres. Le réservoir du barrage a entraîné le déplacement d’environ 16 000 habitants de 101 villages et hameaux. Cependant, il y a eu des manquements au niveau des réinstallations. Les recensements ont été biaisés et les biens économiques des populations sous-évalués. Pour savoir où en sont les communautés de ces localités à date, un reporter de Guineematin.com a interrogé hier, jeudi 13 juin 2024, le président de l’union des impactés de Souapiti, Mohamed Lamine Conté.

Jusqu’au jour d’aujourd’hui, les conditions de vie des communautés impactées de Souapiti restent précaires. A date, il existe encore des familles qui ont du mal à s’en sortir. Contraints d’abandonner leurs habitations, leurs champs et plantations qui étaient leurs sources de revenus principaux, ils vivent dans des situations difficiles, surtout que leurs biens économiques ont été sous-évalués. Des familles composées de 30 ou 50 membres qui habitaient dans une clôture composée d’au moins de 3 à 4 maisons se sont retrouvées avec une maison de 4 ou 5 chambres. La cause de ce problème, le recensement mal réalisé par le gouvernement d’alors.

Pour atténuer les problèmes des communautés concernées, en juin 2022, le président des impactés de Souapiti avait entamé avec son bureau exécutif des démarches administratives auprès des nouveaux gouvernants.

« L’union des impactés de Souapiti, moi en tant que président et le bureau exécutif de cette union, nous avons mené des démarches administratives, nous avons écrit à la primature, nous avons aussi écrit au ministre de l’énergie d’hydraulique et de l’hydrocarbure, nous avons pu rencontrer le président du CNT. Et lui en personne, lorsqu’on lui a raconté les problèmes qui se trouvent là-bas, il était étonné. Sur le champ, il nous a promis qu’il va créer une commission économique et de développement durable pour que cette commission-là puisse travailler avec nous. Chose qui avait été faite. Nous avons été reçus par le président du CNT le 5 juin 2022 et nous avons pu travailler avec cette commission. Nous avons donné à cette commission un mémorandum ou se trouve la plupart des problèmes dont souffrent les impactés de Souapiti. De plus, nous leur avons encore donné un document explicatif du contenu de ce mémo. Là où il y a les statistiques avec des chiffres. C’est-à-dire chaque problème qui est là, il est cité, détaillé et le nombre aussi est donné. Nous avons pu travailler avec cette commission deux fois. Mais depuis ça, nous n’avons pas eu de suite », a fait savoir Mohamed Lamine Conté.

Poursuivant, le président des impactés de Souapiti précise que cette démarche ne consiste pas à “créer de l’amalgame”.

« Le président du CNT nous avait promis que le CNT allait créer une délégation parlementaire pour aller visiter les lieux. Et c’est le lieu de rappeler qu’il y a 19 sites de réinstallation. Nous ne savons pas aujourd’hui où se situe le CNT par rapport à cette promesse qu’il nous avait donné. Du 5 juin 2022, aujourd’hui je crois que nous sommes le 13 juin 2024, ce qui fait 2 ans jour pour jour. Donc nous souhaitons savoir où est-ce qu’on en est avec la promesse. Nous ne voulons rien. Ce n’est pas pour créer de l’amalgame ou de la zizanie. Nous connaissons et maîtrisons la situation des impactés de Souapiti. Tout ce que nous voulons, c’est d’être associés pour qu’on aille nous-même leur montrer les vrais problèmes sur le terrain », a-t-il dit.

Plus loin, Mohamed Lamine Conté a sollicité à ce que lui et son bureau puissent être associés à toutes les résolutions qui concerneraient leurs localités.

« C’est que nous demandons concrètement, c’est que la promesse donnée par le président du CNT en l’occurrence Docteur Dansa Kourouma au nom de son institution, que cette promesse soit respectée. Qu’une commission parlementaire nous accompagne pour aller visiter les lieux, pour qu’on puisse leur montrer les réalités du terrain et pour que cette commission parlementaire puisse travailler avec nous. Parce que c’est nous qui maîtrisons mieux les problèmes sur le terrain. Tout ce qui est fait pour toi sans toi est obligatoirement contre toi. Si on veut aider quelqu’un, il faut le faire avec lui car, c’est lui qui sait ce qui est bon et ce qui est mieux pour lui. Moi je suis impacté de deux préfectures. Du côté maternel, je suis un impacté de la préfecture de Kindia ; et du côté paternel, de Dubreka. C’est pourquoi nous demandons aux autorités de nous associer dans ce qu’elles font. Nous, ce qui nous intéresse, c’est d’avoir des personnes ressources, des institutions républicaines et des organisations nationales et internationales pour nous accompagner afin qu’on puisse améliorer la situation socio-économique des impactés de Souapiti. Parce qu’il n’y a pas que des déplacés qui souffrent. Là où ils ont été accueillis, ces gens-là aussi souffrent… Les terres que bénéficiaient les autres, les déplacés sont là-bas aujourd’hui. C’est-à-dire qu’il y a eu un surplus de population », a-t-il expliqué.

Par ailleurs, Mohamed Lamine Conté a alerté le gouvernement sur des risques de conflits qui commencent déjà entre les populations déplacées et les hôtes.

« Il faudrait qu’il y ait moultes négociations entre eux pour que chacun d’eux puissent subvenir à ses besoins. Et c’est vraiment difficile. Si l’Etat n’entend pas ces cris-là, un jour ça risque de péter. Et on ne dira pas que l’Union des Impactés de Souapiti ne les a pas alertés. Parce que seul Dieu sait le nombre de personnes que je reçois chez moi, qui viennent se plaindre des problèmes qui se créent entre eux. Entre districts, entre villages des problèmes que nous nous résolvons pour qu’il y ait de la paix au niveau de ces localités. L’Etat doit connaître tout ça. Nous, nous connaissons les plaintes, nous savons ce dont souffrent ces gens-là, c’est pourquoi il faut que l’Etat prête beaucoup d’attention à nos cris de cœur pour que les choses puissent s’améliorer. Donc ce que nous voulons, c’est avoir une suite de la promesse du président du CNT », réitère le président de l’union des impactés de Souapiti.

Même s’il dit être reconnaissant à la SOGES qui est la société qui a repris le projet du barrage et qui s’investit à fournir aux communautés de l’eau potable en leur octroyant des forages, Mohamed Lamine Conté a quand même énuméré beaucoup de problèmes majeurs que l’Etat doit gérer. La plupart des forages ne fonctionnent plus. Donc un manque d’eau potable ; un manque d’électricité alors que tous les problèmes des communautés de ces localités ont commencé parce que l’Etat voulait justement en fournir à la population guinéenne ; Et le plus dangereux, il y a un grand risque de tremblement de terre qui guette la population. Parce que, semble-t-il, d’après des études géologiques, il y a une grande faille qui traverse presque tout le barrage hydroélectrique de Souapiti.

Mariama BARRY pour Guineematin.com

Facebook Comments Box