L’existence de la sous-préfecture de Saramoussaya, située à l’est de la préfecture de Mamou, est liée à la construction du chemin de fer Conakry-Kankan, pendant la colonisation française. La localité, réputée dans le commerce par le passé, est aujourd’hui un véritable modèle de coexistence où vivent en harmonie différentes communautés. Dans une interview accordée à l’envoyé spécial de Guineematin.com, Elhadj Amadou Kéita, le maire de Saramoussaya est revenu sur la création de localité, son rôle dans le Fouta théocratique, la coexistence entre les communautés…
Guineematin.com : que savez-vous de l’origine et du fondateur de la sous-préfecture de Saramoussaya ?
Elhadj Amadou Keita : l’histoire de chez nous n’est pas écrite. Elle est orale. Selon ce qu’on nous a appris, le nom Saramoussaya vient de deux mots : Sara et Moussa. Certains disent que le nom Saramoussaya c’est Sara Mo Moussa en Poular, c’est-à-dire Sara fils de Moussa. Selon une deuxième version, le nom Saramoussaya signifie les noms de deux frères qui sont venus s’installer à Saramoussaya (Sara et Moussa). Ce qui prédomine, c’est Sara Mo Moussa. Sara, n’étant pas Peul en provenance de l’Est (Haute Guinée), est venu s’installer ici un peu avant la création du chemin de fer. Il était un simple aventurier. Le chemin de fer est venu le trouver sur place. On a créé la gare. Alors, c’est Sara qui est le fondateur de Saramoussaya vers la fin des années 1890, parce que le chemin est arrivé à Saramoussaya entre les années 1911 et 1912. Mais malheureusement, il n’a pas laissé de descendants. En tout cas, dans son histoire, on n’a pas montré quelqu’un qui se dit enfant de Saramoussa. Dès après la création du chemin de fer, le nom Saramoussaya a disparu. On a donné le nom de la localité au premier chef de la Gare, un blanc qui s’appelait Périnée vers 1914, durant toute la période coloniale. C’était mentionné à la plaque de la Gare Périnée. Après les indépendances, on a ramené le nom Saramoussaya.
Guineematin.com : alors, quelle est l’évolution chronologique du nom de Saramoussaya jusqu’à la création de la commune rurale Saramoussaya ?
Elhadj Amadou Keita : lorsque la Gare a été créée, le lieu est devenu un pôle d’attraction de commerce et d’habitation. Surtout lorsqu’on payait les manœuvres du chemin de fer, le train vient s’arrêter là, les gens venaient à côté des salariés afin qu’ils achètent ou fassent des petits cadeaux aux habitants. C’est ce qui a entraîné la création d’un petit marché. Ensuite, chaque fois qu’il y a une paie, les habitants en profitent pour envoyer leurs produits et vendre à ces cheminots qui n’étaient pas des cultivateurs ou artisans. Donc, les marchands ont profité de l’occasion pour venir construire des boutiques et magasins de stocks. A peu près, Saramoussaya est une création du chemin de fer. C’est ce qui a agrandi le village de Saramoussaya.
Guineematin.com : qu’en est-il des infrastructures laissées par la Gare du chemin de fer ?
Elhadj Amadou Keita : aujourd’hui, toutes les infrastructures de Gare du chemin de fer de Saramoussaya sont en voie de disparition. Il ne reste plus qu’un seul bâtiment du blanc qu’on appelait communément chef de district parce que ce service était structuré. Le chef de district commandait certaines équipes de Dounet (ancien Balley) jusqu’à Dabola. Le bâtiment qui abritait le chef du Gare a été détruit par les enfants. Depuis qu’on a démonté le chemin de fer, on a enlevé les rails et toutes les infrastructures ont disparu.
Guineematin.com : est-ce que le fait de démonter les rails du chemin de fer en Guinée n’a pas impacté les activités économiques de Saramoussaya ?
Elhadj Amadou Keita : cela a beaucoup impacté sur le développement de notre collectivité parce que Saramoussaya est le produit du chemin de fer. Si le chemin de fer existait et fonctionnait, aujourd’hui Saramoussaya serait plus développée…
Guineematin.com : selon ce qu’on a appris, les communautés vivent dans la concorde icià Saramoussaya
Elhadj Amadou Keita : la sous-préfecture de Saramoussaya est à 99 % de musulmans. Les différentes ethnies, comme dans tout le Fouta, ce sont les Peuls qui dominent. Mais de par le nom ancien, Fodé Hadji, qui est le 9ème Diwal du Fouta Djallon. Fodé Hadji doit son nom à un Malinké. Il faut rappeler que la sous-préfecture de Saramoussaya est un héritage du Diwal Fodé Hadji où toutes les ethnies sont mélangées. Et grâce à qui encore ? A Almamy Sory Mawdho, parce qu’il a été vraiment un démocrate, un rassembleur. Il a ressemblé tout le monde à son époque. Il n’a pas fait la différence entre les ethnies et la communauté Peule dans l’histoire de Fouta théocratique. Almamy Sory Mawdho est le deuxième Almamy du Fouta Djallon et originaire de Saramoussaya. Il faut préciser que beaucoup d’Almamy de Fouta Djallon sont originaires de Saramoussaya. C’est pourquoi Sokotoro que vous avez vu était le lieu de retraite des Almamy de Sorya. Quand leurs mandats finissent à Timbo, ils se retiraient pour venir se reposer à Sokotoro. L’Almamy Alphaya quand son mandat de deux ans finissait à Timbo il se retirait pour aller se reposer à Dara. Donc, je peux vous dire que toute la famille de Sorya est presqu’originaire de Saramoussaya ; leur village est Sokotoro, mais ils sont dans toute la sous-préfecture de Saramoussaya. Alors avec cette symbiose, ils ont collaboré avec les ethnies qu’ils ont trouvées sur place, notamment les Malinké, les Sarakollé, les Kakabhé, qui sont une variante du Malinké, qui sont également des descendants de Djallonké. Mais on ne peut pas faire la différence parce qu’il y a des liens de parenté, d’alliance et surtout de mariage. Tu n’iras pas dans une famille malinké où tu ne trouveras pas une femme peule mariée et vice-versa. Vous voyez, c’est devenu maintenant un mélange à Saramoussaya. Ce mélange à travers le lien des mariages a permis d’enterrer les clivages ethniques à Saramoussaya. C’est pourquoi, vous entendrez beaucoup de perturbations éthiques et communautaires partout, sauf dans la sous-préfecture de Saramoussaya. Il n’y a jamais eu de manifestation ici sauf une seule fois où nos enfants sont allés saccager le bureau du sous-préfet qui était simplement politique.
Guineematin.com : vous avez quel message à adresser à l’endroit des sous-préfectures et communes du pays qui sont victimes des pratiques d’ethnocentrisme ?
Elhadj Amadou Keita : j’adresse un message d’union et de cohésion sociale entre les communautés. Je demande aux responsables, aux sages et à toutes les catégories socio-professionnelles des sous-préfectures et communes de prendre l’exemple sur Saramoussaya. Nous sommes tous des guinéens et on doit s’unir. Le lien de mariage est un facteur important qu’il faut tenir en compte dans la réconciliation nationale.
Guineematin.com : votre mot de la fin ?
Elhadj Amadou Keita : Je remercie Guineematin, son Administrateur général Nouhou Baldé et son envoyé spécial à Saramoussaya pour une sortie de l’obscurité.
Amadou Baïlo Batouala Diallo pour Guineematin.com
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