Affaire des 5 000 milliards : pourquoi la junte militaire du CNRD a tendu la main aux banques guinéennes ?

Dr. Karamo KABA, Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée

Dans le cadre d’un « financement exceptionnel » pour la construction « d’infrastructures prioritaires » en Guinée, le gouvernement vient de solliciter les banques pour la mobilisation de 5 000 milliards de francs guinéens. Dans ce sens, un protocole d’accord a déjà été signé entre l’Etat guinéen (à travers le ministère de l’économie et des finances) et l’Association professionnelle des établissements de crédit de Guinée. Et, selon ledit protocole, la première tranche de ce montant a été fixée à 2 000 milliards de francs guinéens avec un taux d’intérêt de 9%. Alors que la seconde tranche a été établie à 3 000 milliards de francs guinéens avec un taux d’intérêt de 13%.

« Étant entendu que l’Etat Guinéen a un besoin de financement d’urgence de ses infrastructures prioritaires de GNF 5 000 000 000 000 (Cinq mille milliards de francs guinéens) ; étant entendu que les banques ont été sollicitées pour ce financement, à travers les réserves constituées auprès de la BCRG sous formes d’Obligations du Trésor (ODT) qui seront structurées comme suit : 1ère tranche : GNF 2 000 milliards sur la base des Réserves des banques pour 4 ans au taux de 9% (net d’impôts et taxes) ; 2ème tranche : GNF 3 000 milliards par souscription libre pour une durée de 5 ans au taux de 13% (net d’impôts et taxes) », lit-on dans ce protocole d’accord.

Pourquoi solliciter les banques locales ?

Selon les informations, le besoin de financement de l’Etat provient souvent d’un déficit budgétaire (c’est-à-dire quand les recettes sont inférieures aux dépenses), même s’il peut aussi être motivé par le remboursement de la dette arrivant à échéance. Et, dans ce cas de figure, l’Etat lève des fonds auprès des marchés financiers pour combler ce besoin de financement. Donc, cet exercice serait tout à fait normal et il permet d’équilibrer le budget de l’Etat en recettes et en dépenses.

A en croire « la finance pour tous (un site pédagogique sur l’argent et la finance) », le besoin de financement de l’État français pour l’année 2023 devrait s’élever à 304,9 milliards d’euros. « Il s’explique par un déficit budgétaire anticipé (164,9 milliards d’euros), l’amortissement de dettes à moyen et long termes arrivant à échéance en 2023 (149,5 milliards d’euros) et les autres besoins de trésorerie (-12,6 milliards d’euros) ». Et, pour financer ce besoin de financement, cet Etat a la possibilité d’émettre deux types de titres financiers : les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté disposant d’une maturité inférieure ou égale à 12 mois (ce qui signifie que ces bons du Trésor sont remboursés dans un délai maximum d’un an) et les obligations assimilables du Trésor (OAT) d’une maturité allant de 2 à 50 ans. Il s’agit là d’un instrument de financement à moyen et long terme de l’État.

Pour le cas présent de la Guinée, c’est un déficit budgétaire qui a amené l’Etat à aller vers les banques pour une mobilisation de fonds. D’ailleurs, le projet de loi des finances rectificative (PLFR) 2023 qui a été présenté le 11 septembre dernier aux conseillers nationaux par le gouvernement en dit long. En tout cas, selon le ministre de l’Économie et des Finances, Moussa Cissé, l’enveloppe globale prévisionnelle du PLFR 2023 concernant le programme d’investissements publics (PIP) se chiffre à 13 712,95 milliards de francs guinéens. Et, « il (le PIP) est financé sur ressources propres à hauteur de 6 763,25 milliards de GNF, y compris les droits et taxes (soit 49,3 %) et par les ressources extérieures pour 6 949,7 milliards de GNF (soit 50,7 %) ».

Ainsi, pour atteindre les objectifs, le gouvernement a émis des Obligations Du Trésor (ODT) pour un montant de 2 000 milliards de GNF et des emprunts obligataires pour 3 000 milliards. Cette démarche n’engendrerait pas une inflation de la monnaie guinéenne. Cependant, elle soulève une question importante sur l’accord cadre de 20 milliards de dollars entre la Chine et la Guinée. Cet accord a été signé en septembre 2017, sous le régime d’Alpha Condé (ex chef de l’Etat guinéen), pour la construction d’infrastructures en Guinée. Et, cette somme devait être décaissée progressivement (entre 2017 et 2036) et mise à la disposition de la Guinée qui, en contrepartie, accorderait des concessions minières aux entreprises chinoises.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tel : 622 97 27 22

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