Bagarre et injures au port autonome de Conakry : voici ce que risquent 27 dockers jugés au tribunal de Kaloum

Après plusieurs mois d’audience, l’affaire dans laquelle 27 dockers du port autonome de Conakry sont jugés a connu son dernier virage ce jeudi, 14 décembre 2023, au tribunal de Kaloum avec les réquisitions et plaidoiries. Les parties civiles dans cette affaire, Mohamed Lamine Sylla, Youssouf Camara et autres, qui se sont plaints de coups et blessures, injures publiques, violences et voies de fait, réclament un milliard de francs guinéens en guise de réparation. Alors que le parquet réclame jusqu’à 6 mois d’emprisonnement pour certains prévenus, ces derniers ont toujours clamé leur innocence, a constaté un reporter de Guineematin.com qui a suivi ce procès.

Les faits remontent au 17 Octobre 2021, lorsque Youssouf Camara, Mohamed Lamine Sylla et autres, ont fait face à d’autres dockers. Un face-à-face qui aurait viré à l’affrontement entre les deux camps.  C’est dans ce cadre que 27 personnes seront poursuivies au tribunal correctionnel de Kaloum pour Coups et blessures, injures publiques, violence et voies de fait.

A l’audience d’hier jeudi, Youssouf Camara, Mohamed Lamine Sylla et autres ont demandé la somme d’un milliard de francs guinéens en guise de réparation pour avoir perdu leur travail depuis ce jour. « Nous demandons 1 milliard comme réparation. Deux ans, nous sommes délogés, nos biens sont saisis pour fait de non-paiement de frais locations. Nous souffrons. Même pour avoir à manger, c’est compliqué. On a pris beaucoup de dettes à cause de ce problème. C’est pourquoi nous demandons cette somme », ont-ils déclaré.

Abondant dans le même sens, l’avocat de partie civile a réitéré cette demande pour que force reste à la loi. « Les dommages que mes clients ont subis de la part de toutes ces personnes sont immenses. Le 17 Octobre 2021, au Port autonome de Conakry, tout ce groupe s’est jeté sur les plaignants. Ils les ont blessés, traînés sur le sol. Depuis, ils n’ont pas pu oser mettre les pieds au port. Les dégâts étaient tels qu’ils étaient obligés de porter plainte. Ici à la barre, ils ont nié. La plupart d’entre eux travaillent au port, ils ont participé aux bagarres. A cause d’eux, cela fait 2 ans que mes clients n’ont pas travaillé. Ils sont empêchés de ravitaillement. On leur a fait sortir de leurs logements… Les dommages résultent des agissements qu’ils ont commis. Et d’appliquer la réparation proposée par les victimes, à savoir la somme de 1 milliard de francs guinéens. Les ordonnances médicales en font foi. Force doit rester à la loi », a lancé maître Alsény Aissata Diallo.

Le ministère public, représenté par madame Joséphine Widoh Béavogui, requiert des peines par groupe, suivant les faits qui leur sont reprochés. « Les 27 prévenus ont été entendus par la juge d’instruction. Il ressort des débats, ils ont tous pratiquement niés les faits. Certains attestant qu’ils n’ont pas participé, d’autres disent qu’ils étaient au travail. Il résulte des débats contradictoires ainsi des procès-verbaux que ce jour du 17 octobre 2021 il y a eu bien bagarre, injures, coups et blessures… et cela est établi pas des certificats médicaux… Vous conviendrez avec le ministère public qu’il n’y a aucun doute que ces infractions ont été commises. Ils ont tous tenté de nier les faits… Je me demande si pour l’arrestation de 5 personnes, il faut l’intervention de 27 autres. Ousmane Soumah a donné l’ordre d’arrêter tous les travailleurs qui ont empêché qu’il y ait travail. Chacun, en ce qui le concerne, a joué un rôle les autres, donnant des ordres, les autres les exécutant… Younoussa Baldé, Nouhan Keita, Mamadou Sylla, Ousmane Soumah, Aly Badara Sylla, Souleymane Cherif Haidara, certains prévenus, quoi qu’étant présents, mais de leur position, ils ont proféré des injures avant d’ordonner aux autres de les battre et de les conduire en justice… Tout au long de cette procédure, on a donné la possibilité à chacun des prévenus de se défendre. Pendant un mois, personne ne s’était présentée à la barre. Il a fallu que votre tribunal décerne un mandat d’amener. C’est la première fois que sur les 27 nous en ayons 23. Je requiers pour les faits d’injures, que les nommés Aliou Bah, Mamadou Bhoye Bah, Nouhan Keita, Aboubacar Cissé, soient déclarés coupables des faits d’injures. Pour la répression, vous condamnerez chacun d’entre eux à 3 mois de prison assortis de sursis et au paiement de 500.000Fg  d’amende chacun… Pour Yakouba Sylla Souleymane Cherif Haidara, Daouda Camara (alias jeunesse), Ousmane Soumah, Mohamed Sylla, Younoussa Baldé, Mohamed Sylla(2), Aly Badara Sylla, Sékhouna Camara, Alimou Diallo (alias Toumba), Moussa Soumah, Ibrahima Sory Camara, Fodé Oussou Fofana (alias Eminem), Mamadou Kindy Diallo, Fodé Moussa Camara, Ibrahima Sory Camara, Aboubacar Sidiki Diallo, Almamy Bangoura, de les déclarer coupables des faits de violences, de coups de blessures volontaires. Pour la répression, de les condamner chacun à 6 mois d’emprisonnement, dont 4 mois assortis de sursis, et au paiement de 1 millions d’amende chacun. Pour Mamadou Sylla (alias Socrate), Mohamed Touré, Bemba Sylla, Mohamed Camara, qui malgré notre bonne foi, se sont abstenus de se présenter à notre tribunal, en plus d’avoir participé aux coups et blessures, de les déclarer coupables des faits de violence. Pour la répression, de les condamner à 6 mois d’emprisonnement et au paiement de 2 millions GNF d’amende chacun, et de décerner un mandat d’arrêt contre eux », a déclaré la procureure.

Les avocats de la défense des prévenus, Me. Sanoussy Barry et Me. Kamano, vont balayer d’un revers de main les plaidoiries de la partie civile et les réquisitions du ministère public. Ils vont plaider que leurs clients soient renvoyés des fins de poursuites pour délit non constitué. « Ils sont tous des travailleurs, des dockers. Chaque jour, ils sont au-delà de 3 000 personnes. Ce jour, les plaignants viennent fermer la porte à tous les travailleurs pour dire que personne ne va travailler. Ils n’étaient pas programmés, mais ils sont venus pour régler des comptes. C’est de la provocation… Les dockers étaient 50 fois plus nombreux que ceux qui sont venus barrer leur chemin. Les faits sont les faits. Parmi mes clients, ils n’étaient pas tous présents. D’aucuns étaient malades, d’autres étaient jusqu’à Dubréka… Les réquisitions sont basées sur la plainte. Ce n’est pas une plainte, ce n’est pas parce qu’on est plaignant qu’on a raison. C’est pourquoi je demande de les renvoyer des fins de la poursuite pour délit non constitué. Ce que la loi demande n’est pas dans ce dossier, aucune preuve. Le minimum, vous devez douter », a lancé maître Sanoussy Barry.

Pour maître Kamano, leurs clients ont juste joué un rôle de syndicaliste. « Lors de cette manifestation au port, nos clients ont dit, allons de façon légale, respectons les syndicats. C’est ce que les plaignants n’ont pas voulu entendre. Le scellé est toujours à la gendarmerie. Il y avait des machettes, des gourdins, des couteaux lorsqu’ils ont été arrêtés, eux les plaignants. Est- ce que c’est un endroit (le port de Conakry, ndlr) où il faut envoyer tout ça ? Effectivement, ils ont été déposés tranquillement. Le ministère public a bien structuré les réquisitions, mais pas de preuves. Nos clients ont joué leur rôle en tant que syndicalistes. Les plaignants demandaient le départ des syndicalistes. C’est en ce moment qu’ils ont été déposés à la gendarmerie. Le bureau syndicale sortant était derrière ça… Des chauffeurs ont témoigné, tous convergent au même fait… C’est un groupe de personnes qu’on cherche à évincer. Ils se sont dit, prenons le nom de tout le monde, après on prononce 1 milliard comme réparation, c’est comme si on vient puiser de l’eau… Si les plaignants n’étaient pas venus avec des armes blanches pour s’attaquer aux syndicalistes, il n’y aurait pas eu tout ça… Nos clients ont été provoqués dans l’exercice de leurs fonctions… L’excuse atténuante de provocation doit être observée… Malgré que nos clients ont été trimbalés en justice, mais ils soutiennent les plaignants, ils mènent le combat pour leur réintégration. On n’avait pas besoin de le dire ici », a indiqué l’avocat de la défense.

Le président du tribunal a renvoyé l’affaire au 14 janvier 2024 pour rendre sa décision.

Ismael Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 624693333

Facebook Comments Box