Sékou Jamal Pendessa libéré par la Cour d’appel de Conakry : « le juge d’instance avait outrepassé son pouvoir »

Me Salifou Béavogui, avocat

Comme annoncé précédemment, le procès en appel de Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) s’est tenu ce mercredi, 28 février 2024, devant la Cour d’appel de Conakry. La salle d’audience de ladite juridiction était pleine à craquer de syndicalistes et de journalistes venus soutenir ce professionnel de média et leader syndical. A la barre, Sékou Jamal Pendessa a tenté de se défendre pour prouver son innocence dans cette procédure. Mais, à l’issue des débats qui ont duré plus de 3 heures, la cour l’a quand-même reconnu coupable des faits poursuivis à son encontre et l’a condamné à trois mois d’emprisonnement dont deux mois assortis de sursis, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Le journaliste avait été condamné le 23 février dernier à six mois de prison dont trois assortis de sursis par le TPI de Dixinn. Une décision aussitôt attaquée tant par la défense que par le parquet devant cette juridiction d’instance. Il est reproché à Sékou Jamal Pendessa des faits de « participation délictueuse à une réunion sur les lieux publics, participation délictueuse à un attroupement, complicité, atteinte et menace à l’ordre public ». Des faits en rapport à l’appel à manifester lancé par le SPPG le 18 janvier 2024 pour dénoncer le brouillage des ondes en Guinée et la restriction de l’internet.

À l’audience de ce mercredi, d’entrée de jeu, l’invite a été faite aux avocats de la défense par la présidente de la chambre, Hadja Fatou Bangoura, d’expliquer les irrégularités constatées dans la décision du juge d’instance. C’est Me Faya Gabriel Kamano qui prend la parole pour fustiger le fait que le juge d’instance a fait outre des infractions consignées dans le dossier.

« On n’a jamais parlé d’outrage, le juge dit que la pièce justifiant que le syndicat a bel et bien déposé une lettre d’information dans les différentes mairies n’a pas été jointe au dossier. Or, il y avait bien cette pièce dans le dossier. Plus loin, il accuse le juge d’instance de vouloir faire valoir son imagination pour coller à Pendessa des infractions », a-t-il dit.

Dans le même sillage, Me Salifou Béavogui affirme que cette décision du juge du tribunal de Dixinn « frise une insuffisance juridique avérée » dans cette procédure. « Une décision dans laquelle il n’y a pas des faits évoqués. Le juge a outrepassé son pouvoir », a-t-il indiqué.

À la question de la présidente de la chambre de savoir si le prévenu reconnaît les faits allégués contre lui par le juge d’instruction, Sékou Jamal Pendessa, répond par “non”, avant de poursuivre.

« Depuis 2017 nous organisons des manifestations. Nous avons toujours déposé les lettres d’information dans les mairies à la veille de nos manifestations. Le SPPG est un syndicat de l’égalité. Bien que rien ne nous interdisait de manifester à Matam, mais ce jour, on est restés encerclés dans la maison  de la presse. Jusqu’à 20 heures on n’était encore empêché par les forces de l’ordre de sortir », a-t-il expliqué.

En prenant la parole à son tour, Ousmane Sané, l’un des représentants du parquet général, a demandé au prévenu à savoir quels sont ceux qui étaient concernés par la manifestation. « ça ne concernait pas que des journalistes, ça concernait aussi les acteurs de la société civile. Il a eu deux lettres. La première, c’était seulement les journalistes qui étaient concernés. Quand nous avions bénéficié du soutien du mouvement pour la libération de l’Internet et les acteurs de la société civile, nous avions fait un autre communiqué pour dire qu’on n’est pas seul dans le combat », a répondu le syndicaliste.

Ainsi, les débats sont clos et place est donnée aux réquisitions et plaidoiries. En prenant la parole pour ses réquisitions, le représentant du ministère public, Ousmane Sané, a rappelé que « le syndicalisme constitue le vaisseau sanguin dans le corps humain. Mais, si les éléments nuisibles s’invitent dedans, ça peut empêcher la circulation du sang ». Il a ensuite fustigé la volonté des syndicats de saper la quiétude sociale dans le pays en exigeant la liberté d’un individu (allusion faite à la grève générale et illimitée déclenchée par les centrales syndicales du pays). C’est pourquoi, il a sollicité de la cour, de retenir le prévenu dans les liens de la culpabilité (sans citer d’infraction). Pour la répression, il a demandé à la présidente d’infirmer le jugement d’instance et de le condamner à 3 mois de prison assortis de sursis.

À tour de rôle, les avocats de Sékou Jamal Pendessa ont dénoncé les failles ainsi que les violations du droit qui ont caractérisé cette procédure. Pour maître Salifou Béavogui ses et pairs, à travers cette affaire, la justice s’est mise à terre. Ils estiment que leur client est victime d’une injustice, parce qu’il n’est allé nulle part que dans son bureau le jour de la manifestation. Sur ce, ils demandent à la cour d’infirmer tout simplement le jugement en faveur du prévenu et de le renvoyer des fins de la poursuite pour délit non constitué à son égard.

Dans son délibéré, la présidente de la chambre, Hadja Fatou Bangoura, a déclaré Sékou Jamal Pendessa coupable du délit de provocation directe à un attroupement non armé ni suivi d’effet. Pour la répression, le condamne à trois mois d’emprisonnement dont un mois ferme et les restes assortis de sursis, ainsi qu’au paiement de 500 000 francs guinéens d’amende.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27 

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