Procès du 28 septembre : la défense « démonte » les réquisitions du parquet pour une requalification des faits

Me Antoine Pépé Lama, avocat du Capitaine Moussa Dadis Camara

Après deux semaines de pause, le procès des événements du 28 septembre 2009 a repris ce lundi, 18 mars 2024, devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. À l’ouverture de l’audience, la défense a remis au tribunal ses répliques aux réquisitions du parquet présentées le 4 mars dernier, sollicitant la requalification en crimes contre l’humanité. Plusieurs avocats des accusés ont également pris la parole pour fustiger la démarche du ministère public et réclamer qu’il soit débouté, a constaté Guineematin.com à travers un de ses journalistes.

Parmi les avocats qui se sont exprimés sur le sujet, figure maître Pépé Antoine Lama, conseil du capitaine Moussa Dadis Camara. Ce dernier a rappelé que depuis l’instruction du dossier, les magistrats avaient refusé la qualification réclamée aujourd’hui parce que, dit-il, celle-ci est illégale.

« Monsieur le président, c’est le 8 février 2010 que le procureur général près la Cour d’appel de Conakry a désigné trois juges d’instruction pour instruire cette affaire. Et, cinq ans plus tard, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn avait fait un réquisitoire supplétif, incluant la qualification réclamée aujourd’hui par le ministère public. Mais, vous allez convenir avec la défense du capitaine Moussa Dadis Camara que de l’instance jusqu’à la Cour suprême, les magistrats instructeurs ont scrupuleusement observé le principe de légalité des délits et des peines », a-t-il souligné, ajoutant que le capitaine Moussa Dadis Camara et ses co-accusés ont déjà été définitivement jugés des chefs de qualification revendiqués par le ministère public.

« Et pour accorder de l’intérêt à la question de requalification, à ce stade de la procédure, il conviendra pour le tribunal de répondre à trois autres questions inspirées par la posture du parquet. La première question : tout est-il permis à n’importe quel stade de la procédure lorsque qu’il s’agit de certains accusés ? Évidement que la réponse à cette question naturellement négative conduit au rejet de la demande de requalification. La deuxième question : certains accusés ont-ils moins de droits que d’autres ? Bien sûr que la réponse négative, fondée sur le principe essentiel de légalité et au surplus du procès équitable, détermine le rejet de la demande, en application des dispositions de l’article préliminaire du Code de procédure pénale. La troisième et dernière question, Monsieur le président, que vous allez pencher dans le secret de votre délibération : l’ampleur des faits jugés permet-elle la déconstruction des principes de droit suivant les profils des accusés ? La réponse à cette question également, nous l’espérons, est négative.

En conséquence, les affaires déjà jugées, y compris par la Cour suprême, ne sauraient être débattues à nouveau par-devant votre juridiction. En tout état de cause, Monsieur le président, honorables assesseurs, il est en l’état trop prétentieux, scandaleux, de demander à une juridiction d’instance, le tribunal criminel, de contredire la plus haute instance judiciaire du pays face à une question de droit définitivement réglée. C’est comme si, dans ce dossier, le ministère public est en train de renverser la pyramide, il est en train de vous dire que vous êtes au-dessus de la Cour suprême et que la décision de la Cour suprême ne saurait en aucune manière guider vos démarches. C’est incongru, c’est incohérent ! Si nous nous inscrivons dans cette dynamique, nous ne serions pas là pour juger les accusés, se trouvant dans ce box. Parce que c’est cet arrêt (l’Arrêt N°06 du 25 juin 2019 de la Cour suprême) qui a définitivement clos le volet instruction en prélude à votre saisine. On ne peut pas aujourd’hui venir par-devant vous, piétiner une partie de cet arrêt et s’en prévaloir d’une autre partie, ce n’est pas possible ! ».

Estimant que « cette démarche ne peut, en aucune manière, prospérer », l’avocat demande au tribunal de déclarer irrecevables les réquisitions du ministère public et d’ordre la poursuite des débats. « Si par extraordinaire, dans le secret de votre délibération, dans l’appréciation souveraine, saine et objective de cette affaire, vous estimez que ces réquisitions ne sauraient être déclarées irrecevables, nous vous prions, Monsieur le président, de les rejeter au fond parce que mal fondées », a demandé Me Pépé Antoine Lama, avant de citer plusieurs textes justifiant l’illégalité de la demande du parquet.

Alpha Diallo pour Guineematin.com

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