Gaoual : ce qu’il faut savoir de la soustraction frauduleuse d’engrais dans les magasins du CPA

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Les 18 et 19 mars derniers, des quantités d’engrais ont disparu des magasins du Centre de prestation agricole (CPA) de la préfecture de Gaoual. Une soustraction frauduleuse qui intervient quelques jours avant  le lancement officiel de la campagne agricole 2024.

Selon un document parvenu à Guineematin.com et consulté par un de ses journalistes, la situation des engrais au 29 janvier 2024 se présentait ainsi qu’il suit pour la Direction préfectorale de l’agriculture et de l’élevage (DPAE) : 200 l d’herbicide total, 10 t de NPK 15/15/15, 100 sacs d’urée SIGUICODA, 150 l d’herbicide sélectif riz, urée chambre et herbicide sélectif micro maïs, zéro.

De même, sous la mention de ‘’quantité octroyée’’, figurent « champions », « chambre », « agri jeune » et «  très » avec des quantités variées.

Sur ce tableau que nous avons consulté, les quantités reçues mentionnées à la date du 29 janvier 2024 sont : 4368 l d’herbicide total, 40 t de NPK 15/15/15, 260 sacs d’urée SIGUICODA, 297,15 l d’urée chambre, 100 l sélectif micro maïs et 390 l d’herbicide sélectif riz. (Voir document)

La Préfecture de Gaoual a bénéficié d’un champ témoin de 50 ha dans la commune rurale de Koumbia. D’importants moyens auraient été remis au Directeur préfectoral d’agriculture et d’élevage dont plus de 70 millions pour le carburant listé en charges opérationnelles. Même si rien n’a filtré des résultats obtenus de ce champ financé à hauteur de centaines de millions, des informations révélées à Guineematin.com soutiennent qu’il y a eu près de 500 sacs de riz paddy qui ont été récoltés.

Pour revenir sur l’engrais mis en cause à Gaoual, des informations recoupées révèlent qu’il y a eu plusieurs sorties dans les magasins du CPA (un service relevant de la Société sino guinéenne pour le développement agricole-SIGUICODA).

En août 2023, pendant la période des semences, 80 sacs de NPK 15/15/15 ont été officiellement sortis du magasin, après avoir accomplis régulièrement, comme le veut la règlementation auprès du centre de prestation agricole (CPA) pour être acheminés à Koumbia où se trouve le champ témoin de la Direction préfectorale de l’agriculture et de l’élevage. Dans ces 80 sacs, soit 4 tonnes, 64 sacs ont été effectivement utilisés pendant la semence. Le reste, aucune information n’a filtré auprès de la Direction préfectorale de l’agriculture et de l’élevage, coiffée par Lazard Gnouma Tolno.

En plus de ces 4 tonnes dont une partie n’a pas été totalement utilisée sur le champ témoin, il y a ces cargaisons embarquées nuitamment les 18 et 19 mars 2024.

A propos de ces cargaisons, selon des informations recueillies auprès de la douane et de la gendarmerie, il ressort ce qui suit :

Une source douanière qui a exigé l’anonymat et contactée par Guineematin.com, le samedi 13 avril 2024, affirme, que l’engrais a été saisi au moment de son embarquement en pleine nuit.

« C’est un agent des douanes qui rodait à côté qui a donné l’alerte. Nous avons trouvé sur place un camion qui venait de la sous-préfecture de Koumbia. Le véhicule embarquait un chargement de 4 à 5 tonnes d’engrais. Il était environ 1 h du matin dans la nuit du 19 mars. Automatiquement, un agent de la gendarmerie qui était dans les parages s’est présenté et on a jugé nécessaire de convoyer le chargement à la gendarmerie départementale puisqu’on a compris que ce n’était pas une affaire de réexportation ».

Côté gendarmerie, une source proche de l’enquête soutient l’effectivité de cette information.

« C’est effectif, nous avons reçu cette cargaison de 4 à 5 tonnes d’engrais sortis du magasin et embarqués nuitamment. Nous avons convoqué les mis en cause, à savoir Soriba Moustapha Camara, le responsable du centre de prestation agricole, le chauffeur et le Directeur de l’agriculture. Après avoir fini de les écouter et nous avons établi un procès-verbal et remonté à la préfecture. Mais entre-temps, la cargaison a été retournée au magasin. C’est vrai également que le 18, une cargaison de 10 tonnes a été embarquée en direction de Labé. Mais là, nous n’avons aucune information », a expliqué notre source, contactée le samedi 13 avril 2024.

Soriba Moustapha Camara, contacté au téléphone un jour plutôt explique ne pas être en mesure de communiquer sur cette affaire sans l’autorisation de sa hiérarchie relevant de la Société sino-guinéenne pour le développement agricole en Guinée (SIGUICODA). Toutefois, cet agent agricole reconnaît l’embarquement de cet engrais.

Lazard Gnouma Tolno, le Directeur préfectoral de l’agriculture et de l’élevage de Gaoual, contacté au téléphone le même jour, a, pour un premier temps proféré des menaces au journaliste avant de reconnaître les faits.

« Ces quantités ont été sorties avec des bons de sortie. Rien n’est volé. La seule chose qui est à reprocher dans ma démarche, peut-être, est de procéder à l’embarquement dans la nuit. Et là aussi, c’est le camion qui était en panne à Koumbia. Il est venu un peu tardivement. L’autre point, c’est le fait que je n’ai pas informé le Préfet. Sinon, les opérations sont régulières », a expliqué le Directeur préfectoral de l’agriculture et de l’élevage.

Au département de l’agriculture et de l’élevage où le dossier semble pourtant être  bien connu, le Directeur national de l’agriculture n’a pas décroché les appels et n’a non plus accepté la moindre rencontre pour donner sa version des faits.

Une source proche du cabinet du ministre de l’agriculture rencontrée le mardi 16 avril 2024 et qui a requis l’anonymat, reconnaît tout de même que l’engrais délivré par la SIGUICODA, quel que soit le libellé est à payer soit en argent ou en nature. Car, cette entité est liée à l’Etat par un partenariat. Les intrants et les prestations ne sont jamais gratuits ni pour les inspections régionales ni pour les directions préfectorales d’agriculture et d’élevage.

A date, il reste à justifier la sortie de 19 tonnes d’engrais des magasins du CPA de Gaoual au lieu de 15 tonnes (voir les documents), comme mentionné sur les bons de livraison.

Curieusement ce dossier considéré comme un pur vol d’engrais à Gaoual tarde à arriver au tribunal de première instance, pourtant situé à quelques pas de la gendarmerie.

Affaire à suivre…

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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