« Vente » du port de Conakry : « nous allons marcher pour crier notre colère »

Comme annoncé précédemment, les syndicats des travailleurs du Port autonome de Conakry en grève depuis quelques jours, appuyés par la CNTG, comptent aller manifester demain vendredi, 17 août 2018 devant l’Assemblée nationale.

Ils entendent exiger ainsi la résiliation du contrat de gestion du port passé entre les autorités guinéennes et la société turque Al Barack, un bail qui s’étend sur 30 ans, mais aussi exiger toujours le retour du prix du carburant à 8000 GNF à la pompe. C’est Mamadou Mansaré, le secrétaire général adjoint de la CNTG qui l’a annoncé au cours d’un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com ce jeudi.

Ci-dessous l’intégralité de cet entretien !

Guineematin.com : le mardi dernier, vous avez rencontré les travailleurs du port autonome de Conakry qui sont en grève et vous avez rencontré également les transporteurs qui ont leurs camions au port dans ce même cadre. Quelles sont les décisions qui sont sorties de ces deux rencontres ?

Mamadou Mansaré : d’abord la première consigne qu’on donne aux travailleurs, comme ils ont militarisé le port et nous, nous ne voulons pas que nos enfants soient brutalisés, on leur a demandé de replier dans notre maison qui est la Bourse du Travail pour les sécuriser. Deuxièmement, on est en train de signer un document maintenant qui va faire remonter tous les remorqueurs, faire l’arrêt total au niveau de tous les services portuaires et si les tankers et les bateaux sont détournés, on va voir si la Guinée pourra tenir un jour.

Et on a demandé aux camarades syndicalistes de l’aéroport de nous apporter leur solidarité ainsi que les services du transport routier. On est en train de mettre en place toute une chaine de solidarité d’abord au niveau du transport mais n’oubliez pas que la grève illimitée continue et demain ça va être la marche de la colère. C’est pourquoi, nous avons demandé aux travailleurs du port de venir pour qu’ensemble nous décidions de cette marche-là. Nous allons partir devant la représentation du peuple pour dénoncer avec vigueur ce contrat.

Ça veut dire que vous allez partir manifester demain devant le Parlement ?

Demain, nous allons crier notre colère pour dire non à cette vente illicite, pour dire non à la violation du protocole d’accord, le non-respect des 8000 francs guinéens, non à la vie chère, non à la corruption. C’est ça la marche de la colère et nous invitons toutes les forces vives du pays à cette marche vers la représentation du peuple qui est l’Assemblée nationale. Pour dire à nos élus du peuple que trop c’est trop, qu’ils prennent leurs responsabilités en résiliant purement et simplement ce contrat, en revisitant tous les contrats et aussi surtout en revoyant le budget de l’Etat pour que les 8000 francs soient respectés.

Nous espérons que l’Assemblée nationale qui est la représentation du peuple regardera bien ce budget comme elle est en session pour examiner la loi de finance rectificative, les députés peuvent maintenir le prix du carburant à 8000 francs le litre et faire en sorte que cette période difficile qu’on appelle la période de soudure puisse bien se passer pour les populations et qu’il y ait maintenant la paix dans ce pays pour qu’on s’engage sur le chemin du développement. Nous avons perdu un mois pour ne rien, vous savez ce que ça a coûté à l’Etat ? Alors rien qu’en regardant dans le budget on pouvait résoudre ce problème. Vous allez voir par exemple au ministère de l’Agriculture des projets datant du temps de Feu Lansana Conté, des projets qui n’existent plus et ils font juste du copier-coller.

Est-ce que les autorités n’ont pas interdit cette marche de la colère que vous comptez tenir demain comme ce fut le cas des précédentes manifestations contre le carburant cher ?

Moi je dirai oui, on n’a déposé aucune lettre d’information mais quand tu regardes la Constitution c’est bien écrit que tout citoyen a le droit de manifester paisiblement, et je n’ai vu nulle part dans la Constitution que pour qu’une marche soit autorisée, il faut demander à telle ou telle autorité.

Vous n’avez pas peur que les forces de l’ordre répriment cette marche sous prétexte qu’elle n’est pas autorisée ?

Nous voudrions que vous soyez présents pour être témoins de cela, qu’il y a eu violation de la Constitution. La fois dernière, on avait écrit au ministre de la décentralisation, la réponse qu’il nous a donnée était qu’il y avait des pèlerins qui partaient au hajj. Maintenant demain on veut marcher, il n’y a pas de pèlerins qui vont, nous ne sommes pas des violents. Pourquoi les partis politiques marchent ils sans problème ? Pourquoi nous syndicalistes, quand nous voulons marcher paisiblement pour aller réclamer quelque chose à la représentation nationale on va nous le refuser ?

Que dit exactement ce contrat de gestion du port autonome de Conakry passé entre la Guinée et la société turque Al Barak. Certains parlent de vente et d’autres de bail défavorable à notre pays, c’est quoi au juste ?

Quand tu prends le contrat dans ces termes, on te dit que c’est bail de 30 ans, mais quand tu regardes à l’intérieur, tu vois que c’est une vente pure et simple où la Guinée ne sera actionnaire qu’à 18%. Alors quand tu es actionnaire à 18%, ça devient une vente ou un bail ?

Vous demandez la résiliation du contrat signé, ce qui n’est pas du tout évident. Quelles sont vos chances de faire plier le gouvernement sur cette question ?

C’est vrai beaucoup ne croient pas que nous pourrons réussir dans cette lutte. Depuis Paris on a été très clair pour ceux qui ont suivi mon discours. On a dit que le peuple peut nous lâcher, même les travailleurs peuvent nous lâcher, dans ce combat que nous menons, les travailleurs du port autonome peuvent nous lâcher en pleine lutte, mais l’histoire retiendra une seule chose que nous nous sommes battus pour défendre les acquis de la démocratie. Donc les chances c’est Dieu qui peut le dire, je suis un croyant, je crois en Dieu. Si jusqu’à maintenant, malgré tout ce que j’ai subi je suis devant vous encore en train de vous parler des minutes, durant des heures c’est grâce à Dieu. Et je sais qu’avec votre appui, nous pourrons faire plier le gouvernement.

Vous les journalistes seulement, je vous invite à faire beaucoup de battage médiatique autour de ce contrat. Lisez ce contrat, voyez les inconvénients. Ce port-là, a plus de cent ans de vie, c’est à votre temps que vous allez accepter que ce port-là soit vendu ? Je vous demande, je vous prie, je vous supplie vous journalistes, de faire un battage médiatique afin que ce contrat qui n’est pas bon pour la Guinée soit résilié comme on a fait la révision de tous les contrats miniers après 2007. Donc il faut que vous vous battiez, les travailleurs du port ce qu’ils peuvent faire, c’est de débrayer.

Vous engagez-là un autre combat alors que celui contre la hausse du prix du carburant n’est pas encore gagné, ça fait deux fronts ouverts au même moment. Vous ne pensez pas que cela pourrait compliquer davantage la situation pour les syndicalistes ?

Pour nous, les deux se suivent et on avait dit aux camarades que les 8000 francs guinéens ne sont qu’une face de l’iceberg. Il y a un agenda caché et j’ai dit qu’un budget est l’expression chiffrée d’une politique. Donc rien qu’en lisant le budget, vous voyez l’intention de cet Etat et on a commencé à alerter tous les services comme le port. On a dit aux fonctionnaires attention vous êtes en train aujourd’hui de ne pas suivre le mouvement de grève et après cela c’est les RTS, c’est l’âge de la retraite. Port autonome attention, on va revendre et personne ne pouvait nous croire. On a fait beaucoup d’alertes et aujourd’hui petit à petit Dieu est en train de nous donner raison. Donc nous sommes optimistes pour cette bataille parce que nous savons que vous êtes avec nous.

Interview réalisée par Siba Guilavogui pour Guineematin.com

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