Transition en Guinée : ce qui s’est réellement passé à l’installation de la CRIEF

Mohamed Béavogui, Premier ministre

Comme indiqué dans une de nos précédentes dépêches, les membres de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) ont été installés dans la journée de ce vendredi, 21 janvier 2022, par Mohamed Béavogui, le Premier ministre, chef du Gouvernement. Et, c’est la salle de conférence de l’ancien siège du ministère des Affaires étrangères et des Guinéens de l’étranger qui a servi de cadre à cette importante cérémonie.

Hormis les responsables du département de la justice et leurs auxiliaires, le Premier Président de la Cour suprême, des représentants de la présidence de la République, des membres du gouvernement, le Bâtonnier de l’ordre national des avocats, le Président de la Chambre des Huissiers de Guinée, le Haut Commandant de la gendarmerie, Directeur de la Justice militaire ont pris part à la cérémonie.

Dans son allocution de bienvenue, la Secrétaire générale du ministère de la justice et des Droits de l’homme, Madame Thiam Irène Marie Hadjimalis, a rappelé le cadre légal de la mise en place de la CRIEF et sa place dans l’arsenal juridique du pays.

Mme Thiam Irène Marie Hadjimalis, Secrétaire générale du ministère de la justice et des Droits de l’homme

« Sept ans après l’adoption de la Loi L/2017 /041/AN portant préventions, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées, la République de Guinée se dote d’un nouvel instrument juridictionnel efficace de lutte contre  l’impunité. Il est institué par l’Ordonnance en date du 2 décembre 2021 sous le N° 2021/007/PRG/ CNRD/SGG qui en même temps qu’elle crée la Cour de répression des infractions économiques et financières, définit les infractions formant sa compétence, fixe son organisation et son fonctionnement », a rappelé Mme Irène Marie Hadjimalis.

Egalement, la Secrétaire générale a rappelé une autre Ordonnance qui enlève aux hauts commis de l’Etat toute immunité qui pourrait entraver le travail de la Cour.

« Modifiant cette Ordonnance, celle du N° 008 du 6 décembre 2021, vient lever les entraves aux poursuites, en rendant inopposables et inopérants, les immunités et privilèges reconnus à certaines personnes et en posant la règle de la rétroactivité, renforçant l’inéluctabilité contre du châtiment contre l’enrichissement illicite et la gabegie financière », a-t-elle mentionné, avant de citer les différents textes juridiques qui viennent appuyer ces Ordonnances prises par le Chef de la junte, le Colonel Mamadi Doumbouya.

De son côté, l’Inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires, Yaya Khaïraba Kaba, qui a installé les membres de cette jeune Cour, a rappelé la mission de ses membres qui consiste à traquer et punir les fossoyeurs des biens publics.

Yaya Kaïraba Kaba, inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires

« Constituent des infractions économiques ou financières, celles relatives aux finances des personnes morales de droit public, celles dont la réalisation est susceptible d’affecter négativement l’ordre public économique, celles   qui constituent une atteinte grave et massive à la santé publique et à l’environnement et celles définies dans l’acte uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d’intérêt économique », a rappelé le magistrat.

« Vous voilà investis d’une mission redoutable et exaltante fondée sur l’espoir placée en vous par le peuple de Guinée, les nouvelles autorités et le Colonel Mamadi Doumbouya, Chef de la transition, Chef de l’Etat. Cet espoir de mettre fin à l’impunité face aux prédateurs des deniers publics. Cet espoir est ensuite celui de sécuriser et de veiller à l’application honnête et rigoureuse des règles et procédures de gestion et de l’orthodoxie financière dans notre pays. Cet espoir est enfin, celui de redonner la totale confiance aux investisseurs et à tous nos partenaires économiques et financiers pour leur garantir un environnement fécond et réciproquement bénéfique », a expliqué M. Kaba qui lie le succès de la transition à celui de la CRIEF.

Le tout nouveau Président de la CRIEF, Noël Kolomou a rassuré que cette Cour ne sera pas une tribune de règlement de compte politique.

Noël Kolémou, président de la CRIEF

« La création de cette Cour répond à un principe démocratique. Celui de la redevabilité. C’est-à-dire tout citoyen qui exerce une portion de pouvoir ou gère des biens publics doit rendre compte à ce même peuple. Si ce devoir incombe à tout gestionnaire, il convient de préciser que cette Cour ne sera nullement une tribune de règlement de compte politique », a tenu à préciser Noël Kolomou qui a juré de mener un combat sans merci contre les fossoyeurs de l’économie nationale.

A en croire Aly Touré, le Procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), l’opérationnalisation de cette Cour a un double objectif.

Aly Touré, Procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF)

« Celui de sanctionner tous les bandits à col blanc qui ont spolié les biens de l’Etat d’une part et d’autre part décourager toute personne pouvant être candidate à la commission de ces genres d’infractions. L’idée étant la moralisation de la chose publique », a martelé ce magistrat de parquet.

En clôturant ces interventions et au nom du Président de la transition, le Premier ministre Chef du gouvernement, Mohamed Béavogui a rappelé la lourde tâche qui attend les membres de la Cour à faire une justice impartiale, éducative et sociale, avant de rappeler la nécessité pour la Cour d’œuvrer à l’amélioration du système de gouvernance de la Guinée, citée comme pays potentiellement riche avec une population curieusement pauvre.

Mohamed Béavogui, Premier ministre

« Ce pays est riche. Il a produit l’année dernière (2021) 4 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Il a fait 2 milliards de dollars de recettes. Mais il a fini l’année 2021 avec 5 mille milliards d’arriérés (ndlr : soit près de 500 millions $). Voilà la réalité et nous devons changer cela. Où est l’argent ? Pas dans nos écoles, ni dans nos hôpitaux encore moins sur nos routes… », a révélé le Premier ministre, qui a pris l’engagement du gouvernement d’apporter tout son soutien à la CRIEF.

A rappeler que cette nouvelle Cour, composée de 19 membres, aura pour siège, les anciens locaux du département des Affaires étrangères et des Guinéens de l’étranger, situés à Kaloum. La salle de réunion dudit département, qui a abrité la présente cérémonie, servira de salle d’audience. Sauf changement de programme, les travaux de cette la Cour de répression des infractions économiques et financières, première du genre en Guinée, débuteront dans les semaines qui suivent.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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