Interruption de la délivrance de passeport en Guinée : plusieurs Guinéens (dont des boursiers) encore bloqués

Depuis janvier dernier, les Guinéens sont sevrés de passeport. La délivrance de ce précieux et indispensable document de voyage est « momentanément suspendue » par les autorités, à cause de « l’épuisement des stocks » (entre autres). Et, cette situation pénalise de nombreux citoyens en instance de voyage. Plusieurs Guinéens de l’étranger en séjour dans le pays, des boursiers et des commerçants souffrent de cette mesure qui perdure, d’autant plus qu’aucune date n’a été annoncée pour la reprise de ce service.

Rencontré vendredi dernier, 11 février 2022, par un journaliste de Guineematin.com, Fodé Camara, étudiant guinéen en Turquie, a exprimé une grande inquiétude. Il est cloué ici contre son gré, alors qu’il est en train de perdre des cours en Turquie. Et, cette situation l’agace.

« J’avais pris un passeport en 2015 ; et, en 2016, j’ai écrasé ce passeport pour prendre un autre. Je suis allé en Turquie avec ce passeport. En 2021, ledit passeport devait expirer. Mais, à quelques mois de la date d’expiration, je suis revenu pour renouveler. J’ai fait mon enrôlement au ministère et j’ai attendu pendant un mois. Vu que ça retardait et que j’avais cours en Turquie, moi je suis rentré et j’ai confié le dossier à mon frère qui devait récupérer le passeport dès que ça sera prêt, pour ensuite me l’envoyer. Malheureusement, quand je suis allé en Turquie, c’est resté aussi sans suite. C’est ainsi que j’ai décidé de revenir pour la deuxième fois. Et, depuis 4 mois maintenant je suis là pour ça. Quand je suis allé demander au département pourquoi mon passeport ne sort pas ? Ils m’ont dit que c’est mon passeport que j’ai écrasé en 2015 qui se trouve dans leur base de données. Et, pourtant, si je prends l’ancien passeport là, je ne pourrais pas voyager. Parce que dans ce cas j’aurais deux identités différentes à l’aéroport. Le problème est lié à ma date de naissance. Quand tu vas là-bas aussi, c’est difficile pour toi de rencontrer les responsables du département pour leur expliquer le problème. Actuellement, c’est devenu compliqué pour moi. Pourtant, il y a des milliers de gens qui se retrouvent dans la même situation que moi. Mes cours sont suspendus actuellement en Turquie. Si le problème n’est pas réglé, cela veut dire que je ne pourrais plus continuer mes études et je ne pourrais pas sortir même du pays. On veut savoir aujourd’hui quel est le sort réservé aux personnes qui ont écrasé leurs passeports et qui sont dans les difficultés de renouveler le passeport qu’ils ont reçu après l’écrasement », a dit Fodé Camara.

De son côté, Aboubacar Sidiki Kaba, boursier d’Etat session 2020, attend depuis près de deux mois encore son passeport. Même l’implication du directeur l’ONABE (office national des bourses extérieures) n’a pas fait avancer son dossier.

« Dès qu’on a rétabli les étudiants boursiers session 2020 dans leurs droits, certains avaient exprimé leur problème lié au passeport. On leur dit d’engager le processus d’obtention de leurs passeports. Cela fait près de deux mois comme ça depuis qu’on a engagé ; mais, jusqu’à présent, nous sommes vraiment coincés. Pour nous, comme c’est un cas national, on a pensé que ça allait se passer très vite, surtout que le ministre de la sécurité a dit qu’il y a un lot qui est réservé pour les cas d’urgence comme : les boursiers, les malades… Quand on a appris ça, on est allé se confier à l’ONABE. Le directeur général de cet office a lui-même adressé une lettre au nom des boursiers qui n’ont pas de passeport afin de régler notre cas. Mais, hélas ! Cette liste est là depuis 4 voire 5 jours ; mais, même les carnets on n’a pas encore rempli. À chaque fois que nous venons, ils nous font traîner. C’est pourquoi nous sommes là aujourd’hui pour qu’ils puissent au moins finaliser nos dossiers d’ici lundi. Puisque demain ils ne travaillent pas. Parce que passé ce délai, on risque d’être écarté dans la course pour le Maroc », a indiqué Aboubacar Sidiki Kaba.

Tout comme ces étudiants en galère, ce commerçant qui nous parle sous anonymat brûle d’envie d’avoir son passeport. Il veut partir en Europe pour acheter des marchandises. Et, il rôdait dans la cour du ministère de la sécurité à la quête désespérée d’un bon samaritain pour le sortir de l’impasse.

« Le ministre a donné la priorité aux boursiers d’État, aux Guinéens vivants à l’étranger et aux personnes malades. Les citoyens ordinaires ont une priorité aussi pour le prolongement de six mois. C’est-à-dire, si ton passeport a expiré en Guinée et que tu veux voyager, mais tu n’as pas la possibilité de renouveler, ils peuvent te délivrer un récépissé qu’on colle sur ton passeport pour voyager. Mais, le retard dans la délivrance de ces documents nous pénalise énormément. J’ai un ami qui vie en Autriche, il a acheté trois fois le billet et il était obligé de repousser à cause de ce problème de passeport », a-t-il expliqué.

Rencontré par rapport à cette situation pénible, un responsable du ministère de la sécurité et de la protection civile a dit sous anonymat que les catégories de personnes citées comme exception (boursiers, malades…) à cette mesure de suspension de la délivrance des passeports sont toutes servies en moins d’une semaine. Et, il doute que toutes les personnes malades et les boursiers qui se plaignent de leur calvaire soient réellement ce qu’ils prétendent être.

« Qui donne les bourses ? C’est l’État. Quand il y a des boursiers dans n’importe quel département ministériel, c’est le ministre de tutelle qui adresse une lettre à son homologue de la sécurité. Une lettre dans laquelle il cite le nom des personnes dont les passeports doivent être faits. Et, tout de suite, le ministre de la sécurité transfère leurs dossiers aux services chargés de la confection des passeports. Même la semaine dernière il y avait beaucoup de militaires dans nos locaux ici. Ils étaient venus récupérer leurs passeports au compte du ministère de la défense. En ce qui concerne les étudiants, leurs cas se règlent d’abord à l’office national des bourses extérieures (ONABE), avant que leurs dossiers ne soient transmis au ministère de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation. C’est le ministre du MEPU-A maintenant qui remonte une liste de ces boursiers n’ayant pas de passeport pour la confection de leurs documents. Donc, ce n’est pas une opération individuelle, ça se gère en groupe. Tous ceux qui sont dans cette situation ont vu leurs dossiers traités dans moins d’une semaine. C’est pourquoi je me demande même si ces personnes qui se plaignent là sont des vrais étudiants. Parce qu’il y a d’autres maintenant qui profitent du privilège des boursiers pour se faire passer pour un étudiant pour qu’on les aide à avoir le passeport. Pour le cas de ceux qui ont écrasé leurs passeports, là on ne peut rien pour eux. Cela est formellement interdit par les autorités actuelle », a dit notre interlocuteur.

Malick Diakité pour Guineematin.com

Tel : 626-66-29-27

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