Aïssatou Bah a-t-elle été violée le 28 septembre 2009 ? Réactions de son avocate, Me Halimatou Camara et de avocat de l’accusé, Me Salifou Béavogui

Me Halimatou Camara, avocate de la partie civile 

Comme indiqué dans nos précédentes dépêches, le procès du massacre du 28 septembre se poursuit au tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. À la barre ce lundi, 21 novembre 2022, le Margis-chef Mamadou Aliou Keïta se défend contre l’accusation de dame Aïssatou Bah qui jure avoir été violée par ce gendarme qu’elle connait bien et qui avait ravi le coeur de sa nièce, Mina. Et, les journalistes (dont un de Guineematin.com) ont profité de la pause de l’audience de ce 21ème jour du procès pour poser des questions de précisions à certains avocats de la partie civile et de la défense.

Décryptage !

Me Salif Béavogui, avocat du Margis-chef Mamadou Aliou Keïta 

Me Salif Béavogui, avocat du Margis-chef Mamadou Aliou Keïta

Celui qui est à la barre maintenant vient de passer plus de 9 ans de détention provisoire. Et, c’est pour cette raison qu’il faut se réjouir de la tenue de ce procès ; sinon, il allait continuer à rester en prison indéfiniment comme Marcel par exemple qui est là depuis 13 ans. Donc, le Margis-Chef Mamadou Aliou Keïta a été très clair. Il est arrivé au stade en compagnie de ses collègues du maintien d’ordre et ils n’ont pas pu accéder au stade, ils sont restés aux abords. Vu l’affluence, vu la masse et le nombre grandissant de manifestants, ils se sont retournés à leur base. Depuis lors, il n’a plus bougé. Alors, comment il a pu se soustraire de ce groupe, se rendre dans l’enceinte du stade rencontrer cette dame et pratiquer une pénétration sur elle sans être identifié par une ou deux personnes au moins en dehors des simples déclarations de la supposée victime ? Je tombe des nus ! C’est une accusation grotesque, c’est une accusation infondée. C’est une accusation qui ne repose sur aucune base légale. C’est une simple déclaration qui maintient ce monsieur en prison.

Ses procès verbaux, nous les avons. Il n’y a absolument rien de contradictoire et il n’y a absolument rien de compromettant. Il n’y a rien d’inculpant pour notre client. Il a dit qu’il ne reconnaît pas les faits. Maintenant, nous attendons que la victime soit là et qu’elle apporte la preuve de son accusation. C’est aussi simple que ça. Donc, monter et descendre dans les procès verbaux, ça n’a aucune valeur et ça n’a aucune importance. Ces procès verbaux d’enquête préliminaire ne servent qu’à titre de simple renseignement. Ils peuvent être écartés à tout moment par la preuve du contraire… 

On a un accusé qui dit « je suis arrivé, j’étais aux abords du stade du côté de la station ». De la station, à la rentrée du stade, il y a une foule compacte. C’était difficile de se frayer un chemin. Il vous dit « je suis resté au niveau de la station Total. Je n’ai pas pénétré l’enceinte ». Plusieurs accusés ont dit ici qu’ils étaient aux abords. Donc, tout cela amènera sûrement la défense ou les parties à demander un transport judiciaire éventuellement pour reconstituer les faits. Mais, pour le moment, monsieur Mamadou Aliou Keïta ne peut être puni pour quoi que ce soit.

Me Halimatou Camara, une des avocats de la partie civile 

Me Halimatou Camara, avocate de la partie civile

Au cours d’un procès pénal, tout accusé a le droit de se défendre. Il a le droit d’utiliser tous les moyens qu’il faut pour se défendre. Nous, cela ne nous surprend guère.  C’est le 7ème accusé qui comparaît et c’est la même chansonnette : « ce n’était pas moi, je n’étais pas là, j’ai fait 30 minutes là-bas, mon arme ou notre instrument de maintien d’ordre ne fonctionnait pas bien, on a dû retourner ». Voilà, finalement, c’est sa parole contre celle de la victime.

Pour le moment, on n’a pas d’attestation de certificat médico-légal qui atteste que madame Aïssatou Bah aurait été violée. Mais, il faut replacer le contexte du 28 septembre où les femmes violées étaient systématiquement traquées dans nos hôpitaux. Est-ce qu’aujourd’hui, devant un tribunal criminel, et même dans la jurisprudence du droit romano-germanique, c’est la production d’un certificat médico-légal qui viendrait ici étayer le viol ? Ça peut aller beaucoup plus loin que ça, vu qu’elle a été violée d’ailleurs par plusieurs personnes. Donc, je ne pense pas que ça soit un argument qui soit favorable. De toutes les façons, ce sont des débats purement juridiques qui vont se faire et il va surement se défendre ; mais, nous aussi, nous allons défendre madame Aïssatou Bah qui dit qu’elle a été victime de viol. Thèse de complot ou pas, monsieur Mamadou Aliou Keita était quand même au stade du 28 Septembre. 

Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

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