Friguiadi (Coyah) : conflit domanial entre coutumiers et habitants de la Zone 43 qui se réclament de Dubréka

C’est un litige qui date de plusieurs années. Des coutumiers de Friguiadi, dans la préfecture de Coyah, sont à couteaux tirés avec les habitants de la Zone 43, dans le quartier Kindiadi, se réclamant de la préfecture de Dubréka. Cette zone, qui sert de « frontière » entre Coyah et Dubréka, a reçu récemment une visite musclée avec des cas de vandalisme sur plusieurs concessions appartenant à des particuliers au secteur Frégafily. Cette descente musclée serait liée à l’exécution d’une décision de justice, alors que les occupants et les autorités locales de Kindiadi disent n’en avoir jamais été informés.

Selon des informations recueillies par un reporter que Guineematin.com a dépêché sur place, la localité dite « Zone 43 » est au centre de ce litige. Elle a été lotie et cédée aux citoyens par l’ancien préfet de Dubréka, Mouctar Brada Dramé, sous le régime du Général Lansana Conté (deuxième président de la République de Guinée, décédé le 22 décembre 2008). Cette action de monsieur Dramé avait été fustigée par les coutumiers de Friguiadi qui avaient assigné l’ancien préfet devant le tribunal de première instance de Coyah. Nos sources assurent que ces coutumiers avaient été reconnus comme les véritables propriétaires de la zone 43, formant les lots N° 1 à 60, par le TPI de Coyah et la Cour d’Appel de Conakry.

Balla Faro, le chef du quartier Kindiadi (qui relève de la commune urbaine de Dubréka) soutient que la zone litigieuse relève bien de sa juridiction. Il revient sur le calvaire que les habitants des secteurs Frégafily et Hollândé subissent depuis plus de deux semaines.

Balla Faro, chef du quartier Kindiadi, commune urbaine de Dubréka

« C’est un conflit qui dure depuis belle lurette. C’est dans les semaines passées que ça a ressuscité. Les gens sont venus de Friguiadi pour casser les portails de beaucoup de cours jusqu’à plus de 95 portails cassés. En partant, ils ont laissé le numéro de leur huissier sur les portails comme pour dire que la partie appartient maintenant à Friguiadi. Vu que le secteur en litige relève de ma juridiction, j’ai remonté l’information au niveau d’abord du maire, puis du préfet. C’est suite à cela que le préfet a décidé de venir faire l’État des lieux. S’il y a eu une décision de justice dans ce contentieux, en tout cas, nous, on n’a pas assisté à ce procès. Je ne sais pas comment ils ont eu une décision parce que je ne crois pas que quelqu’un de Dubréka ait été appelé lors de ce procès. Mais, quand l’huissier est passé, j’avais reçu une copie que j’ai transférée à mon maire. Le document disait que la justice leur a retourné la partie-là. Mais, jusqu’à preuve du contraire, nous, on considère que la limite se trouve sur les rails. Les populations de ces deux secteurs sont très inquiètes, parce qu’on les attaque à tout moment. Qu’à cela ne tienne, je leur demande de s’abstenir à toute violence et de suivre les instructions des autorités de Dubréka », a-t-il dit.

Prenant la parole au nom des femmes de cette localité, Mme Rayhanatou Barry, enseignante de profession et habitante du secteur litigieux, explique qu’ils étaient à chaque fois arnaqués par les coutumiers de Friguiadi. Elle demande aux autorités de les situer entre Coyah et Dubréka.

Mme Rayhanatou Barry, enseignante et habitante de la zone 43

« Avant, il y avait une corde ici, une sorte de barrage que les coutumiers avaient érigé. Pour envoyer un sac de ciment sur ton chantier, il te faut payer dix mille francs pour le passage. Maintenant, toi qui as un terrain ici, tu as cinq millions et tu veux travailler sur ton terrain, tu viens on te demande deux millions ou trois millions. Après, ils vont te trouver sur ton chantier aussi pour te demander de payer tel montant pour le quartier et pour les coutumiers. Tous les jours, c’est comme ça. Même s’il faut faire de la peinture chez toi, il faut que tu paies. Pour ça, nous en avons marre. Aujourd’hui, s’il y a un problème entre l’État et les coutumiers à la justice, pourquoi nous faire souffrir pour ça ? Là où nous sommes, il n’y a pas de marché, quand il s’agit de vote, on ne vote pas parce qu’on n’est pas administrativement situé. Depuis que moi je suis là, je n’ai jamais voté, il n’y pas de centre de santé ni de poste de gendarmerie. Même le courant électrique, c’est la population qui a initié. Là où nous sommes, c’est l’insécurité totale. Les taxi motards qui assurent notre transport sont menacés ici à partir de 21 heures. Nous demandons que l’État nous vienne en aide car nous souffrons », a-t-elle plaidé.

Venu toucher du doigt la réalité, le préfet de Dubréka, le Colonel Aboubacar Sidiki Traoré, a promis aux populations de la Zone 43 de remonter leurs préoccupations à qui de droit.

Colonel Aboubacar Sidiki Traoré, préfet de Dubréka

« On a été informé que ça ne va pas entre les citoyens de Coyah et de Dubréka. Mon objectif ici, ce n’est pas de faire la limite entre les deux, nous sommes tous dans le Grand Conakry. Ma préoccupation aujourd’hui, c’est leur sécurité, parce qu’ils sont là, ils n’ont ni un poste de police, ni de gendarmerie. Je suis là pour m’enquérir de leurs conditions d’installation et comment ils vivent ici pour remonter à qui de droit. Pour le moment, je ne peux rien dire. Moi, mon rôle était de venir constater les réalités sur le terrain, je dois rendre compte à l’autorité supérieure. C’est aux autorités supérieures de prendre les mesures qu’il faut », a dit le préfet.

Trouvé à son bureau par un reporter que Guineematin.com a dépêché à Coyah mercredi dernier, 14 décembre 2022, Sékou Amadou Mansaré, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Coyah a apporté quelques précisions.

Sékou Amadou Mansaré, procureur de la République près le tribunal de première instance de Coyah

« L’affaire remonte depuis le deuxième régime, quand l’ex préfet de Dubréka, sous le règne de feu Général Lansana Conté, a fait lotir cet endroit. Suite à ce lotissement, il a cédé les terres. Ce qui fait que les plans de lotissement ont été établis par l’Habitat de Dubréka. Alors, après que les coutumiers de Friguiadi se sont rendus compte que leur domaine est en cours d’occupation massive par des personnes dont on ne connaît pas la provenance, ils ont assigné monsieur Brada, après avoir compris que c’était bien lui qui avait procédé à ce lotissement et à la cession de cet endroit, ainsi que les acquéreurs devant le tribunal de première instance de Coyah. Et, le 27 décembre 2018, le tribunal a rendu sa décision. Cette décision a reconnu la propriété des coutumiers de Friguiadi sur le domaine litigieux formant les lots N° 1 à 60 de Frégafily et a renvoyé ces coutumiers dans la jouissance paisible de leurs propriétés. Contre la décision, M. Brada et ses acquéreurs ont relevé appel à la cour d’appel de Conakry. La cour d’appel de Conakry en son audience du 5 janvier 2021, a rendu également son arrêt. L’arrêt qui confirme la décision rendue par le tribunal de première instance de Coyah en toutes ses dispositions. Donc, contre cet arrêt, il n’y a eu aucune autre voie de recours. Le procureur général d’alors M. Mamadi Diawara, avait pris une réquisition pour fin d’exécution de cet arrêt. L’arrêt de la cour étant exécutoire, que la présence de l’huissier a été constatée sur les lieux. Donc, je suis étonné que les occupants qui sont là-bas puissent vous dire qu’ils ne sont informés d’aucune décision. Parce que bon nombre d’entre eux étaient venus vers nous pour avoir suffisamment d’explication. On leur a expliqué ce qui s’est passé », a indiqué le procureur Sékou Amadou Dramé.

Pour l’heure, les opérations d’ouverture forcée des cours fermées conduites par un huissier de justice ont été interrompues par les autorités administratives de Coyah qui auraient demandé de surseoir aux actes de destruction puisse que cela avait commencé à irriter les occupants de la Zone 43. Les autorités au plus haut niveau devraient intervenir pour éviter le pire entre les deux parties de ce conflit.

Nous y reviendrons !

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél. : 626-66-29-27

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