Dr Mohamed Bérété : la nouvelle constitution doit prévoir un ticket présidentiel (élire un président et un vice-président)

Dr Mohamed Bérété, universitaire, juriste

À l’occasion du symposium sur le constitutionnalisme, qui s’est tenu en République de Guinée les 21 et 22 de ce mois, un journaliste de Guineematin.com a donné la parole au Mohamed Bérété. Consultant, professeur de droit, ancien Secrétaire général de l’Assemblée nationale et actuellement Conseiller juridique au ministère de la santé, il était l’un des panélistes du symposium.

Tirant les leçons du passé, ce fin connaisseur des textes constitutionnels guinéens estime que la future Constitution devrait intégrer l’option d’un ticket présidentiel pour garantir la stabilité au sommet de l’Etat et des avantages évidents pour la continuité des services publics en cas d’empêchement du Président de la République. Le Président et le Vice-président, élus en même temps. En cas d’empêchement du premier, le second est investi Président pour le reste du mandat présidentiel.

Devant ce gotha de personnalités, Dr Mohamed Bérété a présenté le thème sur l’organisation territoriale en Guinée, de l’indépendance à nos jours.

Dans son exposé, le juriste a ressorti l’option d’Etat unitaire optée par la Guinée depuis son indépendance avec un système territorial basé sur la déconcentration et la décentralisation des services.

« Cette organisation territoriale est un pan important dans tout pays du monde. Cette organisation est fonction du mode d’Etat pour lequel on prend option. Chez certains, c’est l’Etat unitaire et chez d’autres c’est l’Etat fédéral. L’un dans l’autre, ce type d’Etat est défini par la Constitution. Puisque l’Etat ne peut pas tout faire. A travers un mécanisme bien défini, il faut que l’Etat transfère certaines compétences à des organes ou structures de proximité en vue de l’accomplissement de sa mission publique ».

Pour Dr Bérété, cette option d’Etat unitaire doit être reconduite. « Ce choix de l’Etat unitaire est basé sur le mode d’organisation très particulier porté sur le principe de la déconcentration et de la centralisation. L’Etat crée des entités territoriales auxquelles il transfère des pans de compétences. Tout ce qui concerne les services publics de proximité devrait faire l’objet de transfert vers ces entités territoriales. Au titre de la décentralisation, l’Etat crée les communes et les régions comme collectivités territoriales. Dans son fonctionnement, l’Etat garde d’assumer un certain nombre de responsabilités puisqu’il ne doit pas tout se défaire de toutes ses responsabilités. Il y a certaines missions qui vont être assumées au niveau central et d’autres au niveau local, au titre de la décentralisation… Dans notre histoire, nous avons pris des options pour ce principe de l’Etat unitaire. Mais il n’y a pas eu l’effectivité de transfert des compétences humaines, techniques et matérielles », a-t-il expliqué.

Tirant les leçons, ce spécialiste du droit préfère l’option d’un Etat unitaire basée sur la décentralisation à deux niveaux : la commune et la région.

« Ailleurs comme en France et au Mali, la décentralisation est à trois niveaux. C’est vrai que je ne vais pas influencer le choix qui sera opéré. Puisque chaque choix a ses exigences et ses conséquences. Le moment venu, il faudra bien expliquer aux uns et aux autres. Si on me demande, je dirai d’aller progressivement. Partir de deux niveaux d’abord avant d’arriver au 3ème niveau. A savoir les communes et les régions. Quant aux conseils de quartier et de district, ce ne sont pas des entités territoriales mais des sections relevant de la commune. Je pense qu’il faut s’en tenir à cela. Puisqu’ils n’ont pas de budget à gérer mais ils exercent certaines missions à la base à travers la Commune ».

De la création d’institutions républicaines, Dr Bérété qui a participé à la rédaction de certains textes constitutionnels du pays pense qu’il faut éviter leur pléthore.

« Dans les institutions antérieures, notre option était portée sur une pléthore d’institutions constitutionnelles. Je crois qu’il faille mettre un terme à cela. En ne retenant qu’un nombre très limité aux pouvoirs publics. Des institutions comme le Médiateurs de la république, la CENI, l’INIDH, le Conseil économique et social, la HAC, en faire des structures administratives autonomes et non pas des institutions constitutionnelles. On leur confère une certaine autonomie. Ils auront des missions spécifiques et placées sous l’autorité de la loi. Cela nous avait manqué avant. Et à l’époque il y’en avait une dizaine qui gravitaient autour du Président de la République », a-t-il relevé.

Pour ce constitutionnaliste, les conditions à remplir pour être candidat aux élections doivent différer selon le type de postes électifs.

« Au niveau des collectivités et de l’Assemblée nationale, l’âge planché peut être fixé à 25 ans. Puisque là, les jeunes ont la chance d’être encadrés par des personnes plus expérimentées. Avec cette cohabitation, la jeunesse a énormément à gagner avec les personnes expérimentées. En ce qui concerne la présidence de la République, il faut avoir une certaine expérience et une certaine maturité. Je pense qu’on peut raisonnement proposé 40 ans et je ne suis pas pour le plafonnement. Je pense qu’il faut laisser le choix au peuple de choisir. Mais il faut mettre l’accent sur deux critères et particulièrement d’ailleurs sur le critère santé. La disposition d’une santé corporelle et mentale attestée par un Collège de médecins assermentés. Plafonner l’âge serait antidémocratique », a-t-il souligné.

Pour ce qui est du type de régime politique pour le pays, Dr Mohamed Bérété dit n’avoir pas encore fait son choix même s’il peut conseiller de miser sur un ticket présidentiel pour plus de stabilité et la continuité démocratique du régime.

« Je suis en train de balancer entre un régime semi-parlementaire et un régime présidentiel encadré. Pour le dernier type, un régime présidentiel caractérisé par un véritable équilibre des pouvoirs et une véritable capacité des pouvoirs à interagir. Avec un régime présidentiel responsable, le Président ne peut dissoudre l’Assemblée nationale et cette dernière ne peut pas censurer le gouvernement. Le piège que celui-ci doit éviter, c’est au niveau de la succession. Puisque théoriquement, dire qu’en cas d’empêchement du président, il faut organiser des élections dans 60 jours. C’est pratiquement impossible même en 3 mois. Pour nous éviter cela, il faut prévoir l’élection d’un ticket présidentiel. En cas de décès du Président, celui-ci est automatiquement remplacé pour le reste du mandat », a-t-il suggéré.

Pour élaborer une Constitution qui va résister au temps et à la tentation des hommes, autrement de contrer les ambitions du président élu à modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir, Dr Bérété milite pour la mise en place de garde-fous qui ne puissent pas permettre celui-ci d’aller au-delà de deux mandats.

« C’est extrêmement important de mettre des verrous pour empêcher au tenant du pouvoir de s’y maintenir au-delà du nombre de mandats consenti par la Constitution. Il faut mettre des garde-fous. En cas de révision de la constitution que les dispositions intangibles ne bougent pas et même en cas de changement de la Constitution que cela ne bénéficie pas au Président en fonction. Qu’on mette dans la Constitution une disposition qui ne permette pas au Président en fonction d’être bénéficiaires des changements en cas de remplacement de la Constitution ou même que cela soit un motif de sa destitution », a conseillé l’universitaire et spécialiste des questions constitutionnelles.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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