Ancien membre du bureau politique national de l’UFDG et actuel président du parti Alliance pour le Changement et le Progrès (ACP), Dr Ben Youssouf Keïta a comparu ce mardi, 11 avril 2023, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry). Il est à la barre en qualité de partie civile dans le cadre du procès du massacre du 28 septembre 2009. Et, devant cette juridiction de première instance, ce médecin et leader politique a évoqué le calvaire de son épouse au stade du 28 septembre lors de la journée du 28 septembre 2009. Il assure que sa femme a failli être égorgé par un civil qui détenait un couteau.
Guineematin.com vous propose ci-dessous un extrait de sa déposition devant le tribunal.
« Au stade du 28 septembre, quand la débandade a commencé, nous sommes restés calme, on n’a pas bougé. Quand les militaires bérets rouges sont arrivés, ils ont traqué toutes les femmes qui étaient là-bas à côté de nous. Mais, moi je ne savais pas que ma femme était venu au stade. Quand j’ai été admis à l’hôpital Donka, Hadja Halimatou Dalein m’a appelé pour me dire que Mama va bien. Mama qui est ma femme. J’ai dit : mon épouse était venue au stade ? Halimatou m’a répondu : oui, elle t’a suivi, elle est venue, elle était au stade, mais elle va bien, elle dans notre famille à Dixinn. Halimatou me dit : mais ne t’en fait pas, comme toi tu es fracturé, je vais t’envoyer un numéro avec lequel tu vas parler avec ta femme. J’ai commencé à échanger avec ma femme au téléphone. Je lui ai demandé : tu n’as rien ? Elle m’a dit qu’elle n’a rien. Donc, je reste toute la nuit à l’hôpital, à Donka, jusqu’au petit matin. Le 29 septembre, dans les environs de 9 heures, Hadja Halimatou m’appelle, elle me dit : où tu es ? J’ai répondu : je suis encore à Donka. Elle me dit : je vais envoyer un véhicule te chercher, tu viens à la clinique pasteur, ton épouse est là et les leaders sont là comme Elhadj Cellou Dalein. Depuis le 28 septembre, c’est le 29 septembre que j’ai compris où étaient mon épouse et les autres leaders. Arrivé à la clinique Pasteur, je vois mon épouse dans un état lamentable. Je suis venu voir El Hadj Cellou Dalein qui me montre son cliché de radiographie, je vois qu’il avait 4 côtes cassées. Parce que je suis médecin, je sais lire les clichés… Quand ma femme et moi sommes rentrés à la maison à Lambanyi, après avoir repris esprit, après avoir vu nos enfants, j’ai demandé à mon épouse pourquoi elle est sortie ? Elle me dit : mon amour, tu es allé, je ne pouvais pas rester, parce que tu ne pouvais pas aller mourir et que moi je suis assise. C’est pourquoi je suis sortie. C’est là qu’elle m’a expliqué ce qui lui est arrivé au stade. Dans la foulée, un civil est arrivé avec un couteau pour l’égorger, et c’est en tentant de l’égorger que ma femme a résisté et a réussi à arracher le couteau des mains du bourreau. Entre-temps, le ministre de la lutte contre la drogue est arrivé et l’a aperçue. Bien qu’il ait demandé aux gens d’arrêter, la violence a continué. Ma femme s’est agrippée à la tenue ensanglantée du ministre chargé de l’anti-drogue, Moussa Thiegboro Camara, avec sa main blessée. Mais, pire encore, le garde du corps du ministre lui a donné une paire de gifles. Elle a perdu connaissance. Si le ministre se souvient, le sang sur le côté droit de sa tenue était celui de mon épouse. L’horreur a été telle que même aujourd’hui, elle ne peut pas voir un homme portant un béret rouge sans être prise d’une crise de panique. Et, c’est pour elle aujourd’hui que je suis là. Parce que ce qu’elle a éprouvé, je ne pourrai jamais lui rendre. Ce qu’elle a fait pour moi, je ne pourrai jamais faire ça. Et surtout, c’est pour elle que j’ai accepté de témoigner », a déclaré Dr Ben Youssouf Keïta avec beaucoup d’émotion.
Propos décryptés par Mohamed Doré pour Guineematin.com
