Détournement de plus de 9 milliards GNF : le procès de Mamoudou Nabé s’ouvre à la CRIEF

Mamoudou Nabé, gérant de la société commerciale Natty SARLU

Le procès de Mamoudou Nabé, le dirigeant de la société Natty SARLU, s’est ouvert ce mercredi, 21 juin 2023, devant la chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Ce prévenu est poursuivi pour « abus de confiance et escroquerie » portant sur plus de 9, 4 milliards de francs guinéens au préjudice de Yoro Diara. Mais, la présente audience a essentiellement tourné autour de l’« exception d’incompétence » de la Cour. Cette exception a été soulevée par la défense qui estime que « cette affaire relève d’une procédure de nature civile ». Elle serait d’ailleurs pendante actuellement devant d’autres juridictions, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Selon l’accusation, Mamoudou Nabé aurait reçu une commande de denrées alimentaires (dont du riz, du sucre) de la part de la société minière CBK, au profit de la division syndicale des travailleurs de Simbayayah appartenant à cette même société. Lors de l’audience d’aujourd’hui, la partie civile, représentée par les avocats Saran Dioumessy et Murielle Houindo, a affirmé que le prévenu aurait utilisé cette seule commande passée par la CBK pour convaincre le plaignant Yoro Diara de signer un contrat de fourniture de denrées alimentaires à la société CBK. Cependant, selon les avocats de la partie civile, Mamoudou Nabé n’aurait reçu qu’une seule commande de fourniture de denrées alimentaires de la part de la CBK. Une commande qui aurait été livrée par la société Natty SARLU et payée à 180 000 000 de francs guinéens par la société bénéficiaire.

Mamoudou Nabé, gérant de la société commerciale Natty SARLU

Dans le cadre de ce contrat entre Mamoudou Nabé et Yoro Diara, il est allégué que Mamoudou Nabé aurait pris de l’argent dont le montant s’élève à plus de 9 milliards de francs guinéens dans les mains de Yoro Diara avec qui il a établi un autre contrat dans le cadre une éventuelle fourniture de denrées alimentaires à la société CBK, mais qui n’a, selon la partie civile, abouti à rien en fin de compte. Pour tirer les choses au clair, la victime a jugé utile de porter l’affaire devant la CRIEF. Une affaire que la chambre de jugement a donc ouverte aujourd’hui.

Après l’ouverture du dossier, la Cour, représentée lors de cette audience par M. Alhassane Mabinty Camara, assisté de Mamadou Tahirou Baldé et Mohamed Samoura, a donné la parole aux différentes parties, en commençant par la partie civile, afin de recueillir leurs positions sur la question de l’exception d’incompétence soulevée par la défense.

« Monsieur le président, au-delà des accusations d’escroquerie, nous sommes également victimes d’abus de confiance. En effet, le montant incriminé est basé sur l’article premier de notre convention qui stipule clairement que ladite convention concerne principalement la fourniture de denrées alimentaires à la société CBK, tels que : du riz, de l’huile, des tomates, du sucre et du lait, à la CBK (Compagnie de Bauxite de Guinée). Monsieur le président, ce qu’il faut retenir dans le contrat entre Monsieur Mamoudou Nabé et notre client, c’est que Monsieur Nabé n’a jamais daigné acheter ou faire livrer aucune des denrées mentionnées dans le contrat. Nous ignorons ce qu’il en a fait. Les bons de commande que nous avons présentés suite aux correspondances de la CBK indiquent clairement qu’ils ont été falsifiés. Cela démontre qu’il a commis des actes de contrefaçon et que nous avons tendance à vous faire croire qu’aucune infraction pénale n’a été commise dans cette affaire. Nous vous invitons à examiner attentivement les pièces que nous avons communiquées. Monsieur le président, nous sommes victimes d’escroquerie, d’abus de confiance, de faux et d’usage de faux dans cette affaire », a déclaré Me Saran Dioumessy, l’une des avocates de la partie civile.

De son côté, la défense a soutenu que cette affaire ne doit pas être jugée par la CRIEF. Me Morlus Sylla assure qu’il s’agit d’une affaire civile dans cette procédure.

Mamoudou Nabé, gérant de la société commerciale Natty SARLU

« Monsieur le président, cette affaire relève d’une procédure de nature civile. Elle est actuellement pendante devant d’autres juridictions. Cependant, votre juridiction traite des affaires pénales. En ce qui concerne le contrat, mon client n’a signé de contrat qu’avec l’unité syndicale des travailleurs de Simbayayah et non avec la CBK, bien que cette unité fasse partie de la CBK. Il s’agit d’une division interne de la CBK, mais nous n’avons signé aucun contrat avec la CBK en tant que telle, seulement avec le syndicat des travailleurs de Simbayayah. Ce que la partie civile oublie, c’est que le contrat entre la société Natty SARLU de Monsieur Mamoudou Nabé et la société de Monsieur Yoro Diara est d’une durée indéterminée, comme le précise clairement le contrat de partenariat qui nous a été communiqué. De plus, ce contrat spécifie que son objet se limite au premier contrat signé entre la société Natty SARLU et la CBK. Aujourd’hui, tout semble indiquer que toute affaire d’un montant égal ou supérieur à un milliard relève de la compétence de la CRIEF. Cependant, cela se limite au domaine pénal. Sinon, cela signifierait que les tribunaux civils et commerciaux devraient fermer leurs portes. Vous êtes une juridiction qui traite des affaires pénales. J’ai examiné les pièces présentées par la partie civile et je suis en faveur de la vérité et de la bonne procédure. En droit, la forme prévaut sur le fond. Et je sais que vous êtes un bon magistrat. Je vous prie de mettre cette affaire en délibéré afin que vous puissiez examiner avec soin et impartialité les arguments que je viens de soulever concernant l’exception d’incompétence », a déclaré Me Morlus Sylla, l’avocat de la défense.

Pour sa part, le ministère public a estimé que la présente procédure doit être débattue sur le fond.

« Monsieur le président, les faits d’escroquerie sont évidents. C’est une question qui mérite d’être débattue. C’est seulement à travers les débats que nous pourrons comprendre ce qui s’est réellement passé. Aujourd’hui, je découvre grâce aux pièces communiquées des éléments importants concernant les accusations. La personnalité de Monsieur Mamoudou Nabé est entachée de soupçons. Il a des procédures en cours devant le TPI de Kaloum, devant le TPI de Mafanco et maintenant devant votre respectable Cour, Monsieur le président. Votre compétence pour examiner cette affaire sur le fond ne fait aucun doute. Cette procédure n’a rien de civile, même si Monsieur Mamoudou Nabé s’appuie sur son statut de commerçant ou sur l’accord qu’il a conclu avec la CBK par le biais d’une unique commande de fourniture de denrées alimentaires pour tenter de tromper la partie civile qui a souffert et continue de souffrir. Monsieur le président, n’hésitez pas à vous déclarer compétent et à ouvrir les débats sur le fond de cette affaire. Ce serait faire droit à la justice », a dit Moustapha Mariama Diallo, substitut du procureur spécial près la CRIEF.

Finalement, la Cour a mis cette affaire d’exception d’incompétence en délibéré pour décision être rendue le 5 juillet prochain.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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