Types d’hépatites, prise en charge des patients, difficultés rencontrées… Pr N’Diouria à Guineematin

Pr Abdourahmane Ndiouria Diallo, Hépato-gastro-entérologue

L’humanité célèbre le 28 juillet de chaque année chaque la journée mondiale de lutte contre l’hépatite virale. Cette année 2023, c’est sous le thème « la problématique de la prise en charge des femmes enceintes AgHBs positives » que la journée est célébrée. Pour parler de cette pathologie, du choix du thème, du type de virus, des difficultés liées à la prise en charge, un reporter de Guineematin.com s’est entretenu ce vendredi, 28 juillet 2023, avec le Professeur Abdourahmane N’Diouria Diallo, hépato-gastro-entérologue, et président de l’ONG SOS Hépatites Guinée.

Décryptage !

Guineematin.com : l’humanité célèbre ce 28 juillet, la journée mondiale de la lutte contre l’hépatite virale. Qu’est-ce qu’on entende par hépatite virale ?

Pr Abdourahmane N’Diouria Diallo : on parle d’hépatite quand il y a inflammation chronique ou aiguë des tissus du foie, appelées les hépatocytes. Quand l’infection est aiguë on parle d’hépatite aiguë. Quand l’inflammation dure plus de 6 mois, on parle d’infection chronique.

Guineematin.com : quels sont les différents types de virus et où les retrouve-t-on principalement ?

Pr Abdourahmane N’Diouria Diallo : il y a 5 principaux virus incriminés qui donnent une inflammation. C’est l’hépatite A, dont le virus se retrouve dans les aliments souillés, dans l’eau non propre à la consommation. Ça, c’est l’hépatite des pays Africains où il y a la saleté. L’hépatite A et E sont de même nature. C’est des virus qu’on retrouve dans l’eau sale, dans les mines, dans les égouts. Donc, ce sont des virus des mains sales, des aliments souillés. L’hépatite B et C sont les virus les plus fréquents. Ensuite, il y a le virus D, appelé virus Delta. Ce virus est très dangereux. Parce que lui, il masque le diagnostic de l’hépatite B. Ce virus n’existe pas seul. Il co-infecte le virus Hépatite B et masque son diagnostic.

Guineematin.com : pourquoi cette année, le thème choisi porte sur les femmes enceintes ?

Pr Abdourahmane N’Diouria Diallo : les femmes enceintes constituent une priorité mondiale, surtout en Afrique subsaharienne. C’est un groupe à risque spécial. C’est une victime. La femme en grossesse ayant le virus subit la stigmatisation. Elle est parfois abandonnée par son mari. Parfois, elle est veuve et elle n’a personne pour l’aider. Elle n’a que le bon Dieu pour l’aider. Donc, ce sont des femmes malheureuses. La femme enceinte a surtout deux vies en question. Et une Hépatite B entraîne des avortements à répétition. Et en cas de cirrhose, en cas de cancer, il y a un problème de prise en charge spéciale prise par le spécialiste. La femme enceinte doit être prise, doit être dépistée à la première consultation prénatale. Et il faut la suivre. Et il faut lui administrer des médicaments dès le 6ème mois de la grossesse.

Guineematin.com : quelles recommandations ou quels conseils avez-vous à donner aux patients en tant que président de l’ONG SOS Hépatites Guinée ?

Pr Abdourahmane N’Diouria Diallo : le 28 juillet de chaque année, l’ONG SOS Hépatite Guinée, nous faisons des affiches de sensibilisation. Cette année, nous avons fait deux affiches. Nous avons dit d’abord « stop à l’indifférence car l’hépatite virale n’attend pas ». Il y une indifférence générale de tout le monde et à tous les niveaux. Cela doit changer. La deuxième affiche, c’est « dépistez-vous et faites dépister votre entourage ». Cela est très important. Parce qu’en se dépistant, on peut connaître son statut. Une fois que vous avez le statut, vous n’avez pas le virus, vous prenez le vaccin. Quand vous avez le virus, faites-vous suivre par un spécialiste. Le virus n’empêche pas d’avoir un enfant. Si vous avez le virus et que vous êtes en état de famille, il faut se faire suivre par un spécialiste en coordination avec le gynécologue, ou la sage-femme et le pédiatre. Donc, c’est ce schéma que nous expliquons aux patients.

Guineematin.com : quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la prise en charge effective des patients ?

Pr Abdourahmane N’Diouria Diallo : toutes les difficultés sont là. Les moyens ne sont pas là, mais la grande difficulté que nous rencontrons, c’est au niveau des malades. Vous savez, l’hépatite B est égale à analphabétisme, misère, pauvreté, facteurs psycho socioculturelles. Nous avons déjà dit que chez nous, quand on a la jaunisse, on dit que tout le monde doit aller prendre une décoction. C’est grave. D’abord, quand on a la jaunisse, il faut d’abord en trouver la cause. Ça peut être l’hépatite, mais ça peut être une anémie, ou un palu grave ou insuffisance rénale. Donc, la difficulté principale est que cette pathologie n’est pas subventionnée. Ces malades-là ont besoin d’être aidés, pris en charge psychologiquement. Il y a la stigmatisation. Regardez les militaires qu’on refuse à la MINUSMA (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali). Il y a des pays qui refusent le visa à ceux qui ont le virus. Ça, c’est une difficulté. Donc, c’est la misère des malades qui est le principal handicap. Nous nous battons à notre niveau, mais les moyens sont très réduits.

Guineematin.com : peut-on avoir une idée sur les statistiques des patients gérés par votre ONG SOS Hépatite Guinée ?

Pr Abdourahmane N’Diouria Diallo : nous gérons près de 7000 malades ayant l’hépatite B ou C. Parmi les 7000, il y a au moins plus de 1200 femmes que nous avons suivies. Nous suivons des femmes et généralement, il y en a qui disparaissent une fois que le statut est là, pour revenir 4 mois ou 4 ans après. Il y en a d’autres après l’accouchement, elles ne reviennent pas. Non seulement le bébé n’est pas pris en charge, mais aussi il n’y a pas eu de suivis. C’est pourquoi on ne peut pas donner un chiffre exact parce que les femmes disparaissent et surtout leur conjoint et leur entourage refusent de faire le bilan. Donc, il y a un problème de prise en charge de ces femmes-là. Mais, nous savons que nous avons 2 à 3 femmes enceintes par jour, prises en charge pour l’hépatite B et nous avons 5 jours de consultation par semaine.

Entretien réalisé par Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620 589 527/664 413 227

Facebook Comments Box