Tribunal de Pita : « il y a deux juges qui nous posent problème » (Procureur)

Le séjour carcéral d’un vieil homme, jugé pour viol sur une mineure à Gongoré, dans la préfecture de Pita, continue de faire des vagues. Alors que le délibéré tarde à voir le jour 3 mois après les réquisitions et plaidoiries, l’OGDH se fâche et dénonce. Mais selon le procureur de la République près le tribunal de première instance de Pita, la détention d’Alsény Diallo n’a rien d’illégale. Bakary Camara parle de défaut de composition du tribunal, et de l’absence répétée de certains juges, rapporte le correspondant de Guineematin.com basé à Labé.

Après que le représentant de l’OGDH en Moyenne Guinée ait tiré la sonnette d’alarme sur la détention d’Alsény Diallo à Pita, qu’il qualifie d’illégale, le parquet du tribunal de Pita a apporté des précisions. Selon le procureur Bakary Camara, cela est dû à des dysfonctionnements, notamment l’absence de certains juges, membres de la composition du tribunal.

« En fait, ce n’est pas une détention illégale. C’est une procédure régulière qui avait été suivie contre Alsény Diallo. Il est poursuivi pour viol sur mineure. La procédure a été engagée bien avant que je sois à Pita. Quand je suis arrivé, c’est moi qui ai fait le réquisitoire du règlement et le dossier a été renvoyé devant le tribunal criminel. Mais, il faut qu’on se dise la vérité, au tribunal de Pita, la difficulté majeure, c’est le défaut de la composition du tribunal. Le président est là, il est régulier au tribunal, mais il y a deux autres juges qui sont le problème du tribunal de première instance de Pita. On ne va plus se voiler la face, tout le monde le sait. L’équipe n’est jamais au complet.

Pour preuve, en juillet 2022, j’avais préparé une audience avec le soutien du Haut-commissariat aux Droits de l’homme. A l’époque, il était même prévu des primes de séances pour les magistrats. Mais ces audiences ont échoué, parce qu’il y avait certains collègues qui n’étaient pas à Pita. J’ai préparé une autre audience qui a échoué pour les mêmes raisons. Cela a continué jusqu’à ce que le département et le parquet général furent informés. C’est en ce moment que le dossier de Alseny et autres ont été programmés. Il y avait 5 dossiers au total. Mais, trois dossiers ont été vidés et il restait deux, et Alseny faisait partie de ces deux.

La dernière audience, c’était le 12 avril. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour décision être rendue le 16 mai 2023. Ce délai était très éloigné. Et ça aussi, c’était sur insistance d’un des juges qui disait que lui il ne serait pas là. J’ai des preuves, parce que les registres qui sont là en font foi. Et le 16 mai 2023, le procureur, le président du tribunal et le chef du greffe étaient conviés à Conakry pour une série de séminaires. Cela nous a pris plus d’un mois. Et depuis que je suis revenu, j’ai programmé deux fois des audiences, mais elles n’ont pas eu lieu, parce que le tribunal criminel n’est pas au complet », explique Bakary Camara.

Parlant de la réquisition du parquet demandant au tribunal d’acquitter Alsény Diallo faute de preuves suffisantes, le représentant du ministère public explique. « Si le procureur avait requis la relaxe, ça ne veut pas dire qu’il va être relaxé. C’est le tribunal qui a le dernier mot. Donc, quand le tribunal va prendre ses audiences, il prendra souverainement sa décision. Mais dire que Alsény Diallo est détenu illégalement, je ne suis pas d’accord. La raison du retard est due au défaut de la composition du tribunal criminel. Parce qu’en matière criminelle, ce n’est pas un juge qui siège. Il faut trois magistrats professionnels.

Et il y a trois juges à Pita. Donc, si le président est là et l’un des deux autres est absent, l’audience criminelle ne peut pas se tenir. Il faut que les trois soient présents. Le procureur peut ne pas être là, mais son substitut peut le remplacer pour la tenue de l’audience. Et de surcroît, nous, nous n’avons jamais fait défaut, on est là à tout moment. Et nous préparons des rôles à tout moment qu’on soumet au président. Mais souvent, le président nous oppose cela pour dire qu’il y a un de ses juges qui n’est pas présent. Ce qui empêche souvent la tenue des audiences », précise Bakary Camara.

Par ailleurs, le procureur s’est dit conscient du préjudice que ce dysfonctionnement cause sur les détenus. « Ce dysfonctionnement est très préjudiciable aux détenus. Parce que nous même, on en a marre maintenant. On est complètement étouffé par rapport à cette situation. Nous avons réglé des dossiers, on fournit de l’effort, on travaille jour et nuit pour mettre les dossiers en forme pour qu’ils soient jugés, on vous dit que tel ou tel juge n’est pas là. Et voilà encore, c’est la période des congés qui arrivent. Et pire, il y a certains qui n’ont même pas pris de congé, qui ne sont même pas là.

Même le ministre de la Justice, Garde des sceaux, sait que l’un de nos collègues ne vient jamais au tribunal de Pita ici. C’est le plus grand handicap que nous avons ici. Même le procureur général est au courant de cette situation. Alsény Diallo n’est pas le seul à se retrouver dans cette situation. Et très malheureusement, ils sont tous obligés de rester en prison. Le procureur n’a aucune possibilité de le libérer, si ce n’est par la voie d’un jugement.

Même mardi prochain, j’avais l’intention de programmer une autre audience, mais je sais d’avance que ça sera une proposition vaine, parce que j’ai appris qu’un des juges est encore absent, je ne sais pas d’ici là s’il sera de retour. Ce qui veut dire, si je programme le rôle pour le mardi, c’est fort probable que ça soit du gaspillage de papier inutilement. Tout de même, je vais essayer. Et à chaque fois que je programme une audience, je communique le rôle au parquet général, pour qu’il sache que si les audiences criminelles ne se passent pas à Pita, ce n’est pas la faute au parquet », soutient Bakary Camara.

De Labé, Alpha Boubacar Diallo pour Guineematin.com

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